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« Oriental Fashion Show » : Comment la mode orientale a infusé la haute couture

Hind Joudar, fondatrice © Oriental Fashion Show

Clap de fin sur la semaine de la mode parisienne. La capitale a encore confirmé qu’elle était l’épicentre de la haute couture à l’échelon planétaire. Tout aussi indiscutable, l’influence de Paris dans le dialogue culturel entre Orient et Occident. L’Oriental Fashion Show témoigne d’un mouvement en marche aux ressorts historiques. Sa fondatrice, Hind Joudar, nous explique pourquoi ce rendez-vous devait – comme une évidence – s’imposer à Paris, abordant aussi les enjeux sous-jacents à une véritable « diplomatie culturelle ». Rencontre.

 

Vous avez réussi à installer l’Oriental Fashion Show parmi les rendez-vous incontournables de la Fashion Week de Paris. Qu’est-ce qui vous a fait comprendre qu’il fallait « y aller » ?

Hind Joudar : Le défilé Oriental Fashion Show transcende la simple présentation de la mode ; il constitue une immersion profonde dans la culture vestimentaire et son rôle crucial dans les pays orientaux. Organiser ces défilés à Paris, la capitale de la mode, revêt une importance majeure. Seule Paris pouvait être le cadre idéal pour cet événement, car la mode orientale a depuis longtemps inspiré les grands créateurs de la haute couture. Depuis le début du 19e siècle, ces créateurs ont puisé leur inspiration, notamment au Maghreb, à travers les mouvements orientalistes, les peintures et la littérature.

Cette influence a laissé une empreinte indélébile sur des créateurs tels que Paul Poiret, Lanvin, et plus tard, bien sûr, Yves Saint Laurent, originaire d’Oran et établi à Marrakech, créant ainsi un lien véritable entre la France et l’Orient.

Pourtant, épicentre de la haute couture, Paris, n’avait pas cette ouverture vers l’Orient. Le Libanais Elie Saab, par exemple, confectionne des tenues comparables aux grandes maisons françaises. Quels ont donc été vos plus grands défis pour faire évoluer cette vision ?

Les maisons libanaises de haute couture ont été pionnières dans cette tendance orientale de la mode, démontrant la capacité des Orientaux à travailler selon les normes internationales tout en préservant leur identité. Cela a conféré une touche distinctive à ces grandes maisons de mode. L’objectif de l’Oriental Fashion Show est de poursuivre cette mission éducative, faisant découvrir la mode et la culture orientales tout en positionnant les créateurs sur le marché mondial et en leur ouvrant des opportunités commerciales. C’est une direction prometteuse, car le monde évolue, et la mode évolue avec lui.

Oriental Fashion Show © Paul Tomasini – photographe

 

D’ailleurs, comment expliquez-vous ce rapport – pour ne pas dire indifférence -, vis-à-vis de la mode orientale alors que Paris est si cosmopolite ?

Actuellement, la mode orientale est largement appréciée, ce qui n’était pas le cas initialement. Au départ, elle était perçue comme marginale et un peu folklorique. Cependant, au fil des éditions de l’Oriental Fashion Show, et grâce au travail exceptionnel des designers et de notre direction artistique, les mentalités ont évolué, modifiant également le regard sur la mode orientale. Les invités ressortent enchantés de nos défilés, découvrant avec émerveillement ce qui est présenté. Les efforts déployés commencent à porter leurs fruits, soulignant l’importance de la connaissance mutuelle pour briser les préjugés.

Paris reste le centre de la mode en général, et l’a encore démontré lors cette fashion week qui vient à peine de se clôturer. Pour nous, elle est également le cœur de la mode orientale. Nous avons réussi à créer un lien entre Paris et les pays orientaux, établissant un dialogue au point que l’influence orientale est désormais perceptible même dans les grandes maisons de couture.

 

Les Karakous, les Caftans ont toujours été source d’inspiration pour les plus célèbres designers : Yves Saint-Laurent, Christian Lacroix, Elsa Schiaparelli… Parlez-nous de la richesse du vestiaire orientale et de la fascination qu’il exerce.

En remontant dans l’histoire, on réalise que ce que l’on appelle aujourd’hui le « monde du luxe » trouve ses origines dans les échanges commerciaux entre l’Orient et l’Occident. Les croisés, particulièrement les Francs, ont ramené en Europe des trésors tels que le parfum, les soieries, la porcelaine, contribuant au développement d’un secteur florissant. La France a su cultiver cette richesse, notamment grâce à Jean-Baptiste Colbert, inventeur du luxe à la française sous Louis XIV. Actuellement, de plus en plus de créateurs de haute couture s’inspirent de la mode maghrébine, qui demeure une mode méditerranéenne imprégnée d’influences variées liées à l’histoire de la région.

Il est louable que les créateurs de haute couture maintiennent une connexion avec les normes de la mode maghrébine, tant qu’ils évitent l’appropriation culturelle. La mode demeure fidèle à son ADN, caractérisé par la mixité et l’inclusion.

 

Vous êtes l’auteur du livre Les Merveilles du Caftan, qui s’appréhende tel un atlas de la mode du Maghreb à l’Asie centrale, à travers les âges. Opulentes, élégantes, colorées, sophistiquées, symboliques : les silhouettes dévoilées page après page racontent bien plus qu’un vêtement. Qu’avez-vous appris de plus marquants sur ce vaste patrimoine ?

À travers mon ouvrage et les recherches entreprises, j’ai constaté l’importance de l’habit à travers les âges, sa codification, sa symbolique et sa richesse. La mode a évolué sur un vaste espace géographique, les routes commerciales facilitant le passage de marchandises telles que les vêtements, les étoffes, les bijoux, et la porcelaine, notamment dans le contexte du luxe, sans oublier les autres marchandises. J’ai observé des similitudes, du Maghreb à l’Asie centrale, et même en Chine, en ce qui concerne la manière de s’habiller, de se parer de bijoux et d’accessoires. Tout cela démontre que malgré les distances, nous ne sommes pas aussi éloignés les uns des autres que l’on pourrait le penser.

© Oriental Fashion Show

 

Aujourd’hui, Beyoncé, Georgina Ronaldo ou, même, la reine Camilla s’approprient l’abaya et autres tenues arabisantes. Effet de mode ou vraie révolution en marche ?

En effet, la mode orientale gagne en visibilité et attire de plus en plus, confirmant la pertinence de sa présence dans le paysage de la mode. C’est une immense fierté pour nous de voir des célébrités arborer ce que nos mères et nos grand-mères portaient en privé, sans jamais se dévoiler au monde extérieur.

 

Les ambassades, les célébrités, les fédérations de mode s’intéressent à vous… Quels sont vos projets à moyen terme ?

Nous collaborons étroitement avec les délégations diplomatiques, car dès le début de ce projet visant à présenter la mode orientale à Paris, les ambassades et les délégations de l’UNESCO ont été d’une grande aide. Grâce à eux, nous avons pu obtenir des informations précises, de la documentation et des contacts utiles pour développer progressivement le projet, incluant la présentation de designers de leurs pays, contribuant ainsi à une forme de diplomatie culturelle. Cette collaboration se poursuit avec plusieurs diplomates, permettant de dévoiler la richesse de la mode et des traditions de leurs pays à Paris et au-delà.

Nous avons également contribué au développement de fashion weeks dans d’autres villes, dévoilant la mode localement tout en assurant une communication internationale, notamment au Maroc, en Azerbaïdjan, Turkménistan, Ouzbékistan, au Kazakhstan, etc. Nous continuons à travailler en partenariat avec diverses institutions pour propulser ce projet encore plus loin, dans l’espoir de favoriser une meilleure compréhension mutuelle dans la paix et la sérénité. 

 


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