Tout est parti d’un dîner entre amis à Londres. Trois financiers français, Antoine Gravouil, Olivier Carsoule, et Éric Roux, décident de changer de vie et de produire leur propre whisky de seigle. Jean Dujardin, ami d’enfance d’Olivier, rejoint le trio. Ensemble, ils s’installent à Bordeaux, « parce que c’est ici qu’on comprend le bois, le temps et l’élevage ». Dans leur chai urbain, brut et non climatisé, les fûts de seigle bio français s’imprègnent des variations thermiques locales. Trois cuvées inaugurales viennent de voir le jour.
Désirée de Lamarzelle : quel est le moment que vous préférez dans cette aventure ? La distillation ? La mise en bouteille ?
Antoine Gravouil : Non, la mise en bouteille, ce n’est pas le plus drôle. Le meilleur moment, est la dégustation des barriques. Deux ou trois ans après, découvrir ce que ça donne… Elles ont toutes leurs petits noms, leurs histoires. On les laisse reposer, puis on les goûte. C’est un vrai plaisir. La mise en bouteille, c’est assez rébarbatif, mais goûter sur un fût, c’est une expérience sensorielle unique.
Des grands noms du whisky disent que 90 % de la qualité d’un whisky vient du fût, et seulement 10 % de la distillerie. Vous êtes d’accord ?
Antoine Gravouil : Presque. 90 %, c’est un peu fort, mais il n’a pas tort. On a aujourd’hui du matériel de brassage et de distillation très performant, mais la partie la plus empirique et naturelle reste l’élevage. Je dirais plutôt 70/30.
Pour votre whisky, comment s’est passé l’affinage en fût ?
Antoine Gravouil : On a choisi des fûts très variés, et surtout un chai qu’on a laissé ouvert, exposé à des températures et à une humidité extrêmes. Ces variations thermiques marquent le whisky, lui donnent du corps et de la puissance.
Le rye whisky reste rare en France. Pourquoi avoir choisi le seigle ?
Antoine Gravouil : Justement parce que c’est rare. C’est un segment peu exploré, et c’est un whisky qu’on aime. On voulait en faire un à notre image, mais aussi le faire découvrir. Il y a des seigles importés en France qui ne sont pas toujours les meilleurs. Là, on espère proposer un vrai whisky de seigle français, de qualité.
Jean Dujardin, quelle est votre place dans cette aventure ?
Jean Dujardin : J’apprends ! J’essaie de comprendre, d’en parler, de m’instruire. C’est un produit français, artisanal, le seigle vient du nord de la France. J’ai trouvé ça très attirant. Et puis c’est une aventure liée à la terre, aux racines, quelque chose de très concret.
Ce lien au terroir, assez éloigné de votre métier de comédien, c’est ce qui vous a plu ?
Jean Dujardin : Oui, aussi. Et puis faire un whisky à Bordeaux, c’est une petite provocation, non ? (sourire). J’encourage d’ailleurs les gens à aller faire la dégustation à Bacalan : on en ressort moins bête et un peu plus heureux. C’est passionnant de comprendre comment on transforme un grain en produit de qualité. Et puis ça donne un petit élan à Bordeaux, où le vin vit des temps compliqués.
Beaucoup de personnalités se lancent dans les spiritueux : Brad Pitt, George Clooney… Quelle est votre implication concrète dans le projet Aventure ?
Jean Dujardin : On met les mains dedans ! Brad Pitt, George Clooney… font peut-être ça plus à distance. Nous, on goûte ensemble, on discute du concept, on ajuste. Tout cela est très vivant et encore jeune : cinq, six ans à peine. On démarre, on est heureux, fébriles. C’est un mélange d’émotions. Et puis, c’est une aventure humaine : il y a de la curiosité, de la rigueur, du partage. On n’est pas dans le coup marketing : c’est un vrai projet, qu’on a voulu construire lentement, comme on élève un whisky. On est au tout début, et c’est à la fois excitant et un peu vertigineux. J’espère que ça plaira aux gens.
Comment définiriez-vous votre whisky ?
Antoine Gravouil : On a trois cuvées très différentes. La première, céréalière et épicée. La deuxième, plus puissante, sur le bois et le caramel. La troisième, passée en fûts de chêne français et de vin rouge, développe des notes de raisin, de corinthe, de miel. Ce sont trois expressions rares, puissantes, audacieuses et qui nous plaisent.
Et côté financement ? Vous êtes restés entre amis ?
Olivier Carsoule :
Oui, entre amis et famille. On est quatre associés principaux, et quelques proches ont aussi participé à la levée. C’est une aventure collective, presque artisanale aussi dans sa structure. Le whisky demande du temps : sept ans entre la construction, la distillation et l’élevage. Pendant ce temps, ça ne rapporte rien. Heureusement, on fait d’autres spiritueux pour la trésorerie ; du gin notamment. Mais la rentabilité va commencer maintenant : nos whiskys viennent tout juste d’être mis en bouteille.
Face à la tendance “no alcohol”, que pensez-vous des spiritueux sans alcool ?
Jean Dujardin : Il y a sûrement une clientèle pour ça. Mais il ne faut pas tout opposer. Entre le binge drinking et la dégustation, il y a un monde. Le whisky, c’est un plaisir lent, réfléchi. Ce n’est pas fait pour se faire mal. On peut aimer le whisky le lundi, et ne rien boire le mardi. C’est une question de mesure : un mot qui ne veut plus rien dire, mais qu’il faudrait réhabiliter.
Vous n’avez pas peur d’être attendu au tournant ?
Jean Dujardin : Si on commence à avoir peur dans ce métier, on ne fait plus rien.

Trois cuvées disponibles : Aventure n°1 (chêne français, 59 €), n°2 (chêne américain, 69 €) et n°3 Double Cask (fûts de grand cru bordelais, 79 €).
En vente chez une sélection de cavistes et sur aventurewhisky.com.
À lire aussi : Voici les 25 marques de whisky les plus vendues au monde

Abonnez-vous au magazine papier
et découvrez chaque trimestre :
- Des dossiers et analyses exclusifs sur des stratégies d'entreprises
- Des témoignages et interviews de stars de l'entrepreneuriat
- Nos classements de femmes et hommes d'affaires
- Notre sélection lifestyle
- Et de nombreux autres contenus inédits