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Le Choix De Plume Voyage : L’Art de Mathias Kiss, Iconoclaste Affranchi

Il n’imaginait pas sa vie entière à imiter les gestes virtuoses des artisans d’art de la cour de Louis XVI. Dé-formé dès l’adolescence par les Compagnons à reproduire l’excellence dans la dorure sur or, les corniches en stuc et les ciels peints en trompe-l’œil, il a trompé son monde et décidé un beau jour de tout casser pour tout reconstruire à sa manière. Un combat pour exister loin des dogmes d’une corporation et des diktats de l’art.

Iconoclaste, décomplexé, fantasque et perfectionniste, Mathias Kiss est un artiste rompu aux codes du classicisme qu’il détourne pour mieux les faire exploser en vol. Déconstructeur du Patrimoine, il voit en la modernité un passé et s’empare de ses symboles, de ses objets, pour les figer dans une dimension archéologique. Restaurateur d’icônes de la Modernité. Temps distordu. Il nous reçoit dans ses bureaux Place des Vosges en short baggy et blouse de peintre blanche, pieds nus sur la moquette pour nous parler de ses derniers travaux d’artiste contemporain affranchi.


SANS 90 DEGRES
Autrement dit, « sans angles droits ». On m’a élevé dans le respect d’un savoir-faire séculaire. On ne me demandait pas de réfléchir, mais juste de reproduire à l’identique les gestes.
Et moi, j’ai eu envie de rêver. Une corniche suit le périmètre d’une pièce? Partant de ça, j’ai imaginé une corniche dilatée, distordue, qui glisse du plafond jusqu’au sol comme un serpentin. Pour le miroir, j’ai fait un miroir où l’on ne trouve jamais son reflet. Aucune surface plane. Je suis parti d’une feuille de papier, et puis je l’ai froissée. Cela m’a donné la structure du miroir, éclatée. »


NEUF MOIS FERME POUR ELDORADO
C’est la durée de l’exposition de Mathias Kiss aux Beaux-Arts de Lille : Eldorado commence au mois d’avril 2019 et se terminera en janvier 2020.
La proposition initiale baptisée Eldorado est complétée pour rentrer dans le cadre de l’exposition suivante intitulée « Il était une fois les artistes ». « Ce sera moi, scanné en artiste, pour dénoncer le narcissisme de l’artiste. Sur la verrière du Palais des Beaux-Arts de Lille qui a une surface de 400m2, je vais coller un ciel pixelisé que j’ai terminé ce matin. Le ciel se reflétera dans le bassin. Puis, dans un deuxième temps, je vais me mouler en béton pour m’asseoir au bord du bassin. »


KISS ROOM and FLY
Entièrement couvert de miroirs dans lesquels notre reflet se divise à l’infini comme dans un palais des glaces, le cube contient un lit, un bar avec une bouteille de champagne et deux flûtes, une salle de douche où un miroir sans tain permet d’épier la salle du bistrot sans être vu. La scénographie invite à vivre une expérience sensorielle vertigineuse. Initialement prévue pour être louée 1000 nuits, la chambre est désormais en location sur le site AirBnB à 253€ la nuit, ou plutôt l’« expérience ».


FILS DE PUTE
Une couronne mortuaire de fleurs en plastique avec une drôle d’épitaphe trône sur le bureau de Mathias Kiss : « Fils de pute »: « C’est un ami à moi, Eric Pougeau, qui a réalisé cette œuvre.
Il fait également des plaques mortuaires en marbre avec du texte doré à l’or fin : « Fils de pute », « salope », « asshole »… C’est l’univers du classicisme avec un texte en rupture. Je me reconnais parfaitement dans cet univers. Je lui achète tout ce qu’il fait. On est devenu super potes. Il fait aussi des cahiers d’enfant, où il conjugue des verbes : « je viole, tu violes, il viole… où Je torture, tu tortures, il torture, nous torturons, vous torturez, ils torturent… »


LA COULEUR LA PLUS MOCHE DU MONDE
« C’est une sorte de marron-bronze. J’en ai peint les murs de mon bureau. Les fabricants de cigarettes ont dû l’utiliser comme répulsif à la place de leur logo historique, pour repousser la consommation de cigarette.
Je suis en train d’aménager un appartement qui sera entièrement peint dans cette couleur qui symbolise l’interdit, la censure. Parallèlement, je disposerai dans la pièce principale des paquets de clopes d’origine, qui ont disparu de la circulation. »


« Deux fois par an, je réalise des installations pour les collections de chaussures Hermès. »
Les chaussures Hermès sont dessinées par Pierre Hardy, et la maison Hermès me donne carte blanche pour imaginer un décor, une scénographie, dans des lieux décalés tels que des appartements privés ou, dernièrement, l’Hôtel de la Monnaie à Paris. La saison dernière, j’ai reproduit une piscine. Mais avec mon ami et collaborateur, le photographe David Zagdoun, j’ai remarqué que sur les images, on ne voyait pas assez le plongeoir. Alors, on est allé acheter un maillot et tout l’équipement du nageur. Et je me suis intégré au décor, en totale improvisation ».


REVE DE KISS
« Comme je viens de la restauration, mon rêve serait de boucler la boucle. Je me suis libéré avec l’art contemporain, alors j’aimerais revenir au patrimoine, c’est-à-dire à l’espace public.
Je rêve qu’un théâtre baroque me commande, comme l’Opéra Garnier l’a fait avec Chagall… un ciel que je réaliserais en pixels. Cette technique est ancienne mais ce qui avant-gardiste, c’est l’esthétique inventée par l’ordinateur dans les années 70. Les pixels, c’est déjà désuet, cela exprime la nostalgie de notre enfance. Les pixels, c’est l’héritage des Impressionnistes, avec ce côté ludique, techno… Ce serait génial ! »


VOYAGE DANS LE MARAIS
« Je ne voyage jamais. Je déteste les vacances. Je vais en haut de la rue de Turenne où se trouve mon atelier, et en bas de la rue de Turenne où se trouvent mon bureau et mon équipe.
Je suis retraité, je consacre tout mon temps à ce que j’aime faire : travailler. Dans ma vie, tous mes amis sont liés à mon travail. On fait l’apéro « l’afterwork » à l’atelier, parfois on va dans un café et on revient au bureau pour continuer jusqu’à quatre heures du matin! Moi, aller faire du chameau en Tunisie ? Et puis montrer les photos ? C’est un truc d’enfant. »


UNIFORME
« Mon uniforme : col roulé bleu marine, short très souvent, même en hiver. J’aime la liberté de mouvement. »
Mathias Kiss est représenté par la galerie Armel Soyer à Paris, la galerie Alain Gutharc à Paris et la galerie ELLE à Zurich.

Studio de création Attilalou
2 rue des Francs Bourgeois 75003 Paris
www.mathiaskiss.com

Par Françoise SPIEKERMEIER pour Plume Voyage Magazine Photos © DAVID ZAGDOUN et F. SPIEKERMEIER

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