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Fusalp, Les Clefs De La Reprise De La Société Par Sophie Et Philippe Lacoste

Quatre ans après son rachat, la société française  » Fuseau des Alpes  » accélère son développement à l’international et dans le prêt-à-porter urbain. Rencontre avec Sophie Lacoste, administratrice de la société Fusalp et présidente du fonds de dotation familial Porosus.

Dans quelle situation se trouvait la société Fusalp lors de son rachat en 2014 ?

Sophie Lacoste : Malgré la crise profonde du textile et de l’habillement des années 80, la marque Fusalp n’a jamais été abîmée car elle a toujours été liée à l’époque glorieuse du ski français des années 60-70 et à son fuseau iconique. La situation financière de la société était saine en 2014. L’entreprise réalisait 6 millions d’euros de chiffre d’affaires et employait 30 personnes (contre 1000 personnes en 1978). Elle perdait des parts de marché à cause de ses produits moyen de gamme qui n’avaient pas de véritable identité esthétique. Ils étaient vendus essentiellement à des distributeurs français tels qu’Intersport et Sports 2000. L’ancien propriétaire Joël Gleyze savait qu’il devait faire évoluer sa stratégie.  A 62 ans, il a préféré nous céder l’intégralité du capital. Il est resté un an dans la société pour assurer la transition.

 

Fusalp 1967 ©Fusalp

 

Quelles sont les démarches que vous avez faites pour relancer la société et pour redonner à la marque sa notoriété d’antan?

S.L : C’est notre état d’esprit entrepreneurial qui a prévalu pour relancer la société. Notre plan s’est déroulé selon 5 axes :

Nous avons constitué une équipe familiale avec mon frère Philippe, Président de Fusalp, et ma belle-sœur Mathilde qui a travaillé pendant 20 ans chez Lacoste SA en tant que responsable des tendances et du développement de tous les produits Lacoste. La direction a été confiée à Alexandre Fauvet, ancien Directeur Exécutif de Lacoste SA de 1999 à 2013 et actuel Directeur Général associé de Fusalp. Nous avons gardé tous les salariés lors de la reprise car nous voulions bénéficier du savoir-faire de la société.

Mathilde, désormais Directrice Artistique de Fusalp, a repensé le modélisme des produits en puisant dans l’ADN de la marque en 1952. Mathilde a une vision très claire du développement produit. L’usage du vêtement et la technicité des matières sont ses sources de créativité.

 

Mathilde Lacoste Directrice Artistique © Ariane Leguay

 

Pour donner de la visibilité à la marque et à son logo bleu, blanc, rouge, nous avons fait des opérations de communication sur le thème de  » La Mode au Ski « . En décembre 2014, nous avons créé avec Colette un  » Colette Ski Club « . La marque Fusalp a été mise à l’honneur dans la vitrine du concept-store situé rue Saint-Honoré et sur le Colette e-shop. Une collection capsule de vêtements de ski a été spécialement faite à cette occasion. Cela nous a donné beaucoup de visibilité au niveau des acheteurs BtoB notamment auprès des grands magasins japonais et du Bon Marché à Paris.  Nous avons également organisé un voyage de presse et de personnalités à Val d’Isère pour faire redécouvrir les produits Fusalp.

 

Vitrine Colette et Fusalp © Fusalp

 

Nous avons noué des partenariats pour retrouver notre légitimité technique dans le domaine du ski et de la compétition :

  • Antoine Dénériaz, ancien champion olympique français de descente à Sestrières lors des Jeux Olympiques d’hiver de Turin en 2006, participe à la mise au point technique des produits en nous faisant bénéficier de son expérience de skieur de haut niveau. Il est également ambassadeur de notre marque.

 

Antoine Deneriaz © Fusalp

 

  • En 2014, nous avons signé un partenariat officiel avec la ville de Chamonix Mont-Blanc pour créer une collection commune distribuée en France et à l’international.

  • Pour revenir au plus haut niveau de la compétition internationale et à notre histoire intimement liée à celle des grands champions de ski, Fusalp a été nommé partenaire officiel du Comité Olympique Monégasque à l’occasion des Jeux Olympiques 2018 à Pyeongchang.

 

Comité Olympique Monégasque © Gaétan LUCI / Palais Princier

 

Alexandra Coletti – skieuse alpine monégasque © Agence Zoom

 

Nous avons ouvert notre première boutique dans le Marais à Paris en octobre 2015.

 

Quel est aujourd’hui l’ADN de Fusalp ?

S.L : C’est l’art du mouvement et l’élégance à la française. Nous créons des vêtements « Sport Chic » pour accompagner les différents types de mouvements en fonction des déplacements en ski, en ville ou en voyage. Nous développons une marque intemporelle et contemporaine. Son positionnement est premium. Le cœur de notre offre se situe autour de 750 euros.

 

Sophie et Philippe Lacoste © Ariane Leguay

Quel est le prochain cycle de croissance de votre société ?

S.L : Le premier cycle de croissance de Fusalp s’est achevé par la transformation de notre réseau de distribution en passant du wholesale au retail. Nous réalisons aujourd’hui plus de 50% de notre chiffre d’affaires dans le retail, y compris notre site internet, à travers un réseau de 23 boutiques dont 10 en propre et 13 en affiliation. Nous en avons trois en Suisse. Le wholesale nous permet d’être présent dans une vingtaine de pays par l’intermédiaire de 400 magasins multimarques.

L’entreprise est désormais bénéficiaire pour la deuxième année consécutive. Nous envisageons de réaliser 22 millions de chiffre d’affaires à fin mai 2019 dont 20% à l’export. Nous employons 60 salariés.

Un nouveau cycle de croissance commence cette année avec deux priorités :

  • Nous voulons étendre notre réseau de distribution en France, où nous avons encore un potentiel d’ouverture de 10 boutiques, et à l’international et plus particulièrement en Asie. La Corée et la Chine sont nos priorités avec la perspective des Jeux Olympiques d’hiver de Pékin en 2022.
  • Nous souhaitons augmenter le chiffre d’affaires du prêt-à-porter urbain et renforcer  la collection  » été  » pour accompagner nos clients au fil des saisons.

D’autre part, il nous a semblé stratégique de faire entrer, fin mai 2018, des actionnaires tiers à hauteur de 12% du capital représentés par des grands professionnels de notre univers pour qu’ils nous accompagnent dans cette phase d’expansion.

 

Quelle est votre politique de Recherche et Développement ?

S.L : La cellule R&D est située à Annecy.  Nous concentrons nos recherches sur deux thèmes principaux : la chaleur (Fusalp a déposé un brevet international sur la thermorégulation) et la polyvalence de nos vêtements. Nous travaillons en permanence pour améliorer les caractéristiques techniques de nos vêtements afin d’apporter de  la légèreté, de l’imperméabilité, de la respirabilité et du confort.

Nos vêtements étant très techniques, nous utilisons essentiellement des fibres synthétiques.

Les tissus sont élaborés par nos fournisseurs coréens, japonais et suisses, qui possèdent un véritable savoir-faire dans ce domaine, selon un cahier des charges et une charte élaborés par Fusalp.

La France n’a plus d’industrie dans les vêtements techniques depuis les années 80. Le  » Made in Europe  » a pris le relais avec des pays de l’Union qui ont développé des pôles d’activité du textile notamment au Portugal et en Italie où nous sous-traitons la fabrication.

 

Quelle est l’initiative mise en place par Fusalp dont vous êtes le plus fière ?

S.L : L’ouverture des boutiques a considérablement amélioré le fonctionnement et la performance financière de la société. Nous avons changé de modèle en étant en contact direct avec le client final.

Le concept architectural et la décoration des boutiques Fusalp ont été confiés à l’architecte Dillon Garris,. Il a réalisé des boutiques duplicables en réinterprétant les codes de l’univers de la marque des années 50 avec sa vision contemporaine de la montagne. Nous sommes allés chiner du mobilier vintage des grands designers tels que Charlotte Perriand et Jean Prouvé pour personnaliser nos boutiques et offrir une expérience client singulière.

Ce réseau de boutiques nous permet de présenter nos collections, d’offrir du conseil et du service à nos clients. Nous réfléchissons à la possibilité de personnaliser nos produits dans les boutiques. Nous pourrions également proposer à nos clients de reconditionner les vêtements vintage Fusalp pour leur donner une deuxième vie.

 

Boutique située boulevard de Saint-Germain à Paris © Fusalp

 

Quelle est votre politique Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) ?

S.L : En tant qu’entrepreneuse et fondatrice de deux Fondations (la Fondation René Lacoste et le Fonds de dotation Porosus), nous réfléchissons à ce sujet d’actualité qui nous préoccupe évidemment. Même si notre société est jeune, et notre priorité a été de lui donner un potentiel de développement rentable, nous avons pris la décision de recruter un directeur des opérations cet été. Une de ses missions est de fixer des objectifs concrets sur la responsabilité sociale de l’entreprise en lien avec le cycle de vie de nos produits.

 

Quelle est la gestion de vos invendus ?

S.L : Nous avons plus un problème de réapprovisionnement de nos boutiques que de gestion de nos invendus. Cependant, nous avons deux magasins de déstockage et nous pratiquons les soldes. Nos produits ne sont ni détruits ni brûlés.

 

Présentez-nous votre nouvelle collection automne-hiver 2018/2019.

S.L : Pour cette nouvelle saison automne – hiver 2018-19, nous proposons une collection audacieuse et anti-conformiste qui met à l’honneur la technicité de la matière, les détails couture et un colorama intense.

Notre proposition rebat les cartes du ski et de l’urbain et joue la carte de la transversalité du vêtement de la ville aux montagnes et inversement. Nous avons voulu construire un vestiaire hybride à l’esprit très urbain, bénéficiant bien-sûr de notre expertise « ski » et de notre légitimité sur la technicité des matières toujours plus innovantes et performantes.

Nous avons porté une attention très particulière aux choix de matières techniques, tant sur le sujet du thermique que sur celui de la légèreté et du confort, qui se font visuellement discrètes pour laisser place à un esthétisme ‘couture’.

Les codes héritage de la marque ont été travaillés dans un esprit très urbain. Comme par exemple le quilting « doudoune », ré-interprété en version triangle et appliqué sur un nylon à la couleur changeante à la ville comme à la montagne, ou le smock, savoir-faire emblématique de la marque, appliqué en version diamant et chevron.

Nous avons introduit de nouvelles couleurs, intenses et chaleureuses comme le Cuivre et le Pin, le Tango, le Vigne, le Bleu Impérial et le Macaron. Ces nouvelles teintes colorient l’ensemble de la collection de la ville à la montagne, de la veste au pantalon, en passant par la maille et les accessoires.

La combinaison et le fuseau, deux pièces iconiques empruntées à notre univers ‘ski’ sont proposées à la ville en matière softshell léger.

Enfin, nous proposons une gamme de pulls coordonnés aux couleurs de la saison, très graphiques, jouant le mélange des matières et des techniques de tricotages.

L’allure est déterminée et la silhouette Fusalp très identifiable.

 

 

Quel est l’objet de votre fonds de dotation Porosus ?

S.L : C’est un fonds familial qui s’est donné pour mission de favoriser l’émergence des jeunes talents dans les domaines sportif et artistique.

A titre d’exemple, n’ayant plus de sponsor, nous avons soutenu les jeunes surfeuses Johanne Defay et Pauline Ado en partenariat avec la Fédération Française de Surf, afin de leur permettre de poursuivre la compétition de haut niveau. Nous avons également aidé des artistes en exil arrivés récemment à Paris pour qu’ils puissent produire des travaux dans les ateliers de l’association « L’Atelier des Artistes en Exil ». Des soirées portes ouvertes sont prévues où chacun va pouvoir exposer ses œuvres.

Porosus a ainsi octroyé des bourses à plus de 80 personnes depuis 2013.

Que représente pour vous l’Art de Vivre à la Française ?

S.L : C’est une certaine modernité, une justesse pour chercher l’équilibre dans l’authenticité.

 

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