Un sous-marin avec à son bord cinq passagers, exploité par la société OceanGate Inc., est porté disparu au large des côtes de Terre-Neuve, au Canada, près de l’épave du Titanic. La course contre la montre est lancée pour localiser le sous-marin et ses occupants.
Selon les garde-côtes américains, le sous-marin a été mis à l’eau dimanche matin, lors d’une expédition touristique destinée à voir l’épave du Titanic. Aucun autre détail n’a pour l’heure fuité. Les opérateurs ont perdu le contact environ une heure et quarante-cinq minutes après le début de la plongée. À l’heure actuelle, on ignore si le sous-marin est perdu à la surface de l’eau, s’il flotte sur les vagues ou s’il repose sur le plancher océanique.
Les sauveteurs envisagent toutes les options. Un avion de patrouille à long rayon d’action C-130 des garde-côtes américains est actuellement à la recherche du sous-marin, et le centre de coordination des opérations de sauvetage de Halifax » apporte son aide avec un P-8 Poseidon » doté de capacités de détection sous-marine.
Ce scénario est un cauchemar que les garde-côtes du monde entier redoutent depuis longtemps.
Alors que le marché mondial des expéditions touristiques extrêmes a émergé dans le domaine maritime, visant à emmener les touristes sur les calottes polaires, dans les fonds marins ou dans d’autres lieux uniques et isolés, les garde-côtes se sont activement inquiétés du fait que le tourisme d’aventure a pris de l’avance sur la réglementation gouvernementale. Par ailleurs, les professionnels du secteur n’ont pas réfléchi à la manière de faire face aux accidents catastrophiques dans des zones où l’aide gouvernementale est peu probable.
Si les garde-côtes peuvent soutenir les recherches en surface, la plupart des gouvernements n’ont pas grand-chose à offrir aux marins disparus s’ils sont piégés sous l’eau.
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Aux États-Unis, le déclin des capacités de sauvetage des sous-marins a été spectaculaire. En 1960, la marine américaine disposait de neuf navires de sauvetage sous-marin et de deux remorqueurs de flotte équipés pour le sauvetage sous-marin. Aujourd’hui, ce service ne dispose pas d’un seul navire de sauvetage sous-marin.
Les garde-côtes américains, l’organisme responsable des missions de sauvetage en mer des États-Unis, ne disposent d’aucune capacité de sauvetage sous-marin. Le sauvetage sous-marin est désormais une entreprise largement privatisée qui devrait, par routine, travailler main dans la main avec la flotte croissante et sous-réglementée d’opérateurs civils de submersibles.
Les sauvetages sous-marins sont des entreprises complexes et de longue haleine
Si le sous-marin disparu est bloqué au fond de la mer, les perspectives sont sombres. Les sauvetages sous-marins sont des opérations complexes et dangereuses et, avec la disparition de la flotte américaine de navires de sauvetage de sous-marins, la première tâche, qui consiste à se rendre dans la zone de recherche, est souvent la plus difficile.
Il faut du temps pour appeler le peu d’aide disponible. En 2017, pour aider l’Argentine à localiser le sous-marin San Juan(S-42) disparu, puis perdu, l’équipe d’élite américaine d’évacuation et de sauvetage de sous-marins a mis du temps à se déployer.
L’équipe de sauvetage américaine a d’abord eu du mal à organiser les huit vols nécessaires pour transférer quelque 365 tonnes de matériel en Argentine. Le premier avion de transport a atterri 43 heures après l’activation, et le dernier 77 heures plus tard. Ensuite, faute de navire dédié, l’équipe a affrété un « navire d’opportunité », mais il lui a fallu quatre jours pour arracher la cloison arrière du navire et douze heures de plus pour charger le matériel à bord.
Ce n’est qu’ensuite que l’équipe a pu se rendre dans la zone de recherche. Dans la situation actuelle, les secours n’auraient même pas quitté le quai que les réserves de vie du sous-marin se seraient épuisées.
Même si les sauveteurs arrivaient, peu de plateformes peuvent opérer aux profondeurs du Titanic. Les moyens du secteur privé pourraient être le dernier recours. La marine américaine a largement privatisé ses équipes de sauvetage et d’assistance et n’a pas grand-chose à offrir pour sauver des vies. Les derniers engins de recherche et de sauvetage sous-marins des États-Unis, les deux uniques navires de la classe Pigeon (ASR 21), ont été retirés de la flotte au milieu des années 1990 et mis au rebut en 2009, pour le premier, puis en 2012, pour le second.
Il ne reste que deux navires de sauvetage général dans l’inventaire américain, et ils n’ont pas les capacités spécialisées requises pour effectuer un sauvetage dans les très grandes profondeurs du Titanic.
Les spécialistes du secteur privé comme James Fisher and Sons plc peuvent faire mieux dans certaines circonstances. Ils sont capables d’agir rapidement. En 2022, l’entreprise a démontré qu’elle pouvait charger le système de sauvetage sous-marin de l’OTAN (NSRS) sur un navire et l’embarquer en 18 heures. La guerre en Ukraine ayant mis sur la touche de nombreux gros transporteurs aériens Antonov AN-124, l’entreprise a récemment démontré que le NSRS pouvait être embarqué à bord d’un C-5 Super Galaxy américain. Cependant, là encore, même s’ils peuvent se rendre sur le site, ils n’ont peut-être pas grand-chose à offrir à de telles profondeurs.
Quelle que soit l’issue de l’affaire, ce genre d’incident risque de se reproduire à l’avenir. À mesure que les activités civiles sous-marines se multiplient, les gouvernements devraient entamer une discussion sur la manière dont ces spécialistes du secteur privé peuvent suppléer les capacités gouvernementales manquantes, ou si les gouvernements devraient reconstituer des capacités de sauvetage sous-marin établies de longue date afin de mieux surveiller les activités civiles sous-marines et d’apporter leur aide en cas de problème.
Les organisations de tourisme maritime à haut risque pourraient avoir besoin de s’arrêter et de réduire leurs risques
Si la Russie, les États-Unis, l’OTAN et d’autres pays peuvent travailler ensemble pour normaliser les équipements de sauvetage et, à l’occasion, coordonner les activités de sauvetage des sous-marins, alors les autorités civiles devraient être obligées de travailler ensemble pour mieux réglementer la flotte croissante de sous-marins civils privés et de sous-marins orientés vers le tourisme d’aventure.
Les autorités de réglementation maritime seraient tout à fait en mesure d’exiger des exploitants de sous-marins « d’expédition » ou de « recherche » à vocation touristique qu’ils utilisent des dispositifs de sauvetage standard, semblables à ceux déjà adoptés à bord des sous-marins militaires, et d’ordonner aux exploitants de mettre en place des plans de sauvetage approuvés par le gouvernement, avec des moyens prêts à arriver sur place bien avant que les systèmes de maintien des fonctions vitales ne risquent de s’effondrer.
En clair, les fonds sous-marins ne sont pas un endroit pour les amateurs. Il s’agit d’un environnement hostile et impitoyable, qui ne laisse que peu de place à l’erreur. Les touristes à la recherche d’une charge émotionnelle ou d’une poussée d’adrénaline ont certainement le droit de risquer leur vie, mais comme ces clients peuvent être mal équipés pour évaluer les risques, le gouvernement, si on lui demande de soutenir les opérations de recherche et de sauvetage lorsque les choses tournent mal, peut intervenir pour donner à ces « chercheurs » de bonnes chances de survie.
La réglementation de la flotte civile de sous-marins, en pleine expansion dans le monde, peut contribuer à garantir que les opérateurs privés et commerciaux de sous-marins font ce qu’il faut pour minimiser les risques, en ajoutant des dispositifs de sécurité et en maintenant des plans d’urgence qui vont un peu plus loin que le simple fait de confier la catastrophe aux garde-côtes les plus proches ou les plus compétents.
Article traduit de Forbes US – Auteur : Craig Hooper
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