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Révolution verte : comment la finance se transforme pour le climat ?

À l’heure où le changement climatique et la durabilité deviennent des préoccupations centrales, les investisseurs professionnels sont de plus en plus nombreux à se tourner vers la finance verte. Cette tendance semble marquer un tournant définitif dans le monde de l’investissement, mais reste encore à amplifier et à se préciser.

Par Michael Miguères

Des progrès en cours…

La finance verte englobe toutes les activités financières qui visent à soutenir le développement durable, y compris la lutte contre le changement climatique. Elle inclut le financement de projets et d’entreprises axés sur les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique, la préservation de la biodiversité, la gestion durable des ressources naturelles et la réduction de la pollution. Pour Maud Caillaux, la cofondatrice de Green-Got, la néobanque qui promet une utilisation à impact positif pour la planète de l’argent déposé sur des comptes courants, le comportement des consommateurs est la clé : « La finance durable connaît une réelle et grosse appétence du marché, comme le prouve notre croissance à deux chiffres. Les gens aspirent désormais à ce que leur argent ne finance plus des bombes climatiques, mais qu’il préserve leur avenir et leurs valeurs. » Un enthousiasme mesuré mais satisfait par les évolutions observées : « Concernant la transition vers le zéro émission, il reste des progrès à faire, mais nous disposons aujourd’hui d’assez d’informations pour savoir où investir. Affirmer le contraire serait une excuse pour l’inaction. Dans le secteur, nous observons que les données extra-financières se précisent, les labels deviennent plus clairs, et la demande pour les produits financiers verts est plus forte que jamais.« 

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Maud Caillaux

Même constat du côté de Fanny Picard, l’une pionnière de la finance à impact en France, fondatrice d’Alter Equity, selon elle, la finance n’est pas loin d’être suffisamment bien équipée pour faire face au défi de la transition vers le zéro émission net : « Les montants à mobiliser sont considérables mais pas inatteignables. Le coût additionnel annuel d’un scénario de neutralité climatique à l’horizon 2050 est estimé entre 3 500 et 6 000 milliards de dollars par an jusqu’en 2050.  Pour atteindre ces objectifs, il est nécessaire de créer un lien de confiance et d’action entre le régulateur, les émetteurs, les investisseurs ou gestionnaires d’actifs et les consommateurs. ». Pour marquer des pas plus significatifs, Fanny Picard appelle clairement à des règles plus précises : « Le régulateur doit mettre en place un cadre permettant à chacun d’avoir accès à une information transparente et uniformisée et requérir des pratiques moins émettrices ». Elle prévient également l’enjeu déterminant d’une évolution de la demande, qui reste la clé pour permettre les évolutions nécessaires de la part des institutions financières : « si les consommateurs ne préfèrent pas les produits et services responsables, les entreprises ne feront pas évoluer leur offre en ce sens, y compris les gestionnaires d’actifs pour proposer des produits financiers réellement responsable. ».

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Fanny Picard

La mesure de l’impact reste encore un point sur lequel le bât blesse. En témoigne une récente enquête internationale de journalistes révélant la part de non durable qui pouvait subsister dans les fonds verts. Pour éviter cet écueil, Alter Equity propose une méthodologie innovante co-construite avec Carbone 4, le cabinet de conseil de référence sur les enjeux énergie et climat de Jean-Marc Jancovici, Alain Grandjean et Laurent Morel. Il est prévisible que les méthodologies continuent des resserrements et subissent de multiples modifications dans les mois et les prochaines années.

 

Un engagement déterminé pour les obligations vertes, pilier de la finance durable     

Parmi les premiers instruments à faire l’objet d’ajustements : les obligations vertes, devenues un outil de choix pour les investisseurs professionnels. Ces titres de créance sont émis par des entreprises ou des entités gouvernementales pour financer des projets ayant un impact environnemental positif. Dans un contexte incertain, elles émergent d’ailleurs comme une option d’investissement attrayante avec une notation moyenne de AA-, elles allient solidité financière et impact environnemental positif et mesurable. Elles bénéficient d’une transparence accrue et de rendements comparables aux obligations conventionnelles. Leur marché pèse désormais près de 1400 milliards de dollars et une diversité croissante d’émetteurs. Les initiatives gouvernementales, comme celles du Japon, de l’Union Européenne et des États-Unis, stimulent ce marché, particulièrement dominant en Europe. Les critères restent néanmoins à affiner pour davantage de transparence et de lisibilité de ces obligations qui n’en sont qu’à leurs débuts. Le Conseil européen vient d’ailleurs d’adopter le 23 octobre 2023, après plusieurs étapes de négociations, un règlement pour établir une norme pour les obligations vertes européennes, appelées « EuGB », dans le but d’uniformiser les critères pour les émetteurs de ces obligations et de promouvoir la finance durable. Ces obligations, alignées sur la taxonomie de l’UE pour les activités durables, financeront des projets dans les domaines des technologies vertes, de l’efficacité énergétique, et des infrastructures de transport et de recherche durables. Ce nouveau règlement comprend de nouvelles exigences de communication, et sera pleinement applicable d’ici un an, avant de connaître de prochains renforcements ultérieurs. Parallèlement, l’adoption du règlement pour les obligations vertes européennes (EuGB) uniformise les critères pour ces obligations, notamment pour réduire les risques d’écoblanchiment.

 

Plusieurs initiatives et produits d’investissement axés sur le climat proposés par les banques 

Si la demande est en progression, les banques diversifient leurs offres. La France vient d’adopter un Plan d’Epargne Avenir Climat (PEAC), créé par la loi industrie verte du 11 octobre, qui est un nouveau produit d’épargne destiné aux jeunes de moins de 21 ans. Ce placement, exempt d’impôts et de charges, vise à préparer leur entrée dans la vie active tout en finançant la transition écologique et prend la forme d’un compte-titres ou d’un contrat de capitalisation, avec un plafond de 22 950 euros, similaire à celui du livret A. Le lancement est prévu pour le premier semestre 2024. Les banques françaises ne se sont pas limitées au PEAC, elles proposent désormais une gamme variée de produits d’épargne et de placement favorisant l’environnement et le climat, ainsi que des prêts bancaires spécifiques pour les travaux d’amélioration énergétique. Ces initiatives sont mêmes complétées par des programmes d’éducation financière visant à sensibiliser le public et les entreprises aux moyens de réduire leur empreinte écologique.  
L’on pourrait également citer la stratégie d’ABN AMRO, qui vise à rendre ses opérations et celles qu’elle finance neutres en carbone respectivement d’ici 2030 et 2050, mais aussi
Lumo, la plateforme de la Société Générale qui permet aux individus et aux entreprises d’investir dans la transition écologique via des financements participatifs. Lumo revendique déjà 32 000 investisseurs pour 176 millions d’euros levés.     
Parmi les fonds en Europe qui concentrent les investissements verts, plusieurs d’entre eux dépassent le cap du milliard d’euros sous gestion, parmi eux des fonds de Nationale Nederlanden, Robeco, Caixa Bank, Candriam, Axa, Handelsbanken, Amundi, Degroof Fund Management Company, Blackrock, Vontobel, BNP Paribas, Eurizon Capital, Danske Invest, DNB Asset Management, ASR Vermogensbeheer, Storebrand, Mirova, iShares, Nordea, Haalbar.
Des initiatives qui devraient continuer de redessiner fortement les modèles de la finance, et qui sait, permettre une transition plus rapide vers la neutralité carbone si elle est bien orchestrée avec les industriels et parvient à des modèles internationaux rapidement ?

 

À lire également : La géoénergie, fer de lance de la réindustrialisation verte 

            

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