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Laurent Morel (associé de Carbone 4) : « Les entreprises décarbonées sont déjà prêtes pour le monde de demain »

Laurent Morel, associé de Carbone 4.Laurent Morel, associé de Carbone 4.

Fondé en 2007 par Jean-Marc Jancovici et Alain Grandjean puis rejoint par Laurent Morel en 2017, Carbone 4 est un groupe de conseil et de services spécialisé sur les enjeux énergie et climat.


Au sein de ce groupe, la filiale Carbon4 Finance fournit des données climat, carbone et biodiversité, pour aider les acteurs de la finance à évaluer les nouveaux risques d’entreprises liés à la dérive climatique, à se conformer aux déclarations réglementaires et à bâtir les stratégies d’investissement bas-carbone souhaitées par les investisseurs. Entretien.

 

En quoi consiste l’activité de Carbon4 Finance ?

Laurent Morel : À l’origine, Carbone 4 a été créé en 2007 pour permettre aux entreprises de mieux mesurer leur empreinte carbone. Nous offrons désormais un accompagnement stratégique pour que ces organisations puissent tenir leurs objectifs climatiques.

En 2016, nous avons lancé Carbon4 Finance pour adapter nos jeux de données au monde de la finance. Concrètement, les organisations financières qui se dotent de nos méthodologies ont la possibilité de mesurer leur impact et de s’aligner davantage aux objectifs d’un scénario à deux degrés en matière de réchauffement climatique.

Nous proposons deux types de produits. Premièrement, une méthodologie intitulée « Carbon Impact Analytics » (CIA) permettant l’analyse de l’empreinte carbone de portefeuilles d’investissement et des risques de transition associés. Cela aide nos clients dans leurs décisions d’investissement, dans leur travail de reporting financier, de gestion du risque climatique et enfin dans leur effort d’alignement à une transition bas carbone.

Deuxièmement, une méthodologie « Climate Risk Impact Screening » (CRIS) qui offre une analyse des risques physiques liés au changement climatique. Pour les fournisseurs de services financiers, cela revient à intégrer dans leur stratégie d’investissement leur exposition aux aléas climatiques et toutes les autres potentielles vulnérabilités liées aux secteurs dans lesquel ils investissent.

 


Laurent Morel : L’évolution vers un monde décarboné se fera de concert entre les Etats, les citoyens, les entreprises qui s’adaptent notamment aux exigences des consommateurs et anticipent les évolutions réglementaires


 

La finance prend-elle de plus en plus conscience de ces enjeux ? Quels sont les différents risques auxquels elle s’expose ?

Carbon4 Finance est une véritable fabrique de données carbone de référence sur toutes les entreprises cotées du monde, qui tel un bureau de recherche financier se base sur la documentation publique pour émettre des calculs et des avis sur les toutes sorets de titres cotés :actions, obligations obligations vertes, obligations souveraines,  etc.

Des prestataires de services de paiement comme Goodvest font partie de nos clients depuis longtemps. Les assets managers, assureurs, banquiers ou autres détenteurs d’actifs cotés se posent tous la question de savoir s’il est risqué d’investir dans tel ou tel titre coté.

Nous nous rapprochons de plus en plus d’un monde décarboné ; à mesure que les préférences collectives évoluent, au même titre que la politique et les réglementations. Notre rôle est donc de mesurer la contribution qu’ont des entreprises dans la transition climatique, leur alignement avec les enjeux de la décarbonation. Si ces dernières sont en retard sur la question, elles seront très bientôt exposées aux risques de transition.

 

Ainsi, la recherche d’impact positif devient une priorité en matière de maîtrise des risques à l’investissement. Pour s’adapter au changement, les entreprises en retard devront accélérer brutalement avec des  des conséquences potentiellement négatives sur leur profil. Tandis que les entreprises décarbonées sont déjà prêtes pour le monde de demain.

Au-delà des risques de transition, il y a aussi les risques physiques : c’est-à-dire la matérialisation d’événements climatiques plus ou moins catastrophiques. Nous proposons en ce sens une modélisation de ces risques selon leur nature, leur gravité, leur dimension géographique ainsi que leur potentiel impact sur les chaînes de valeur.

L’évolution vers un monde décarboné se fera de concert entre les Etats, les citoyens, les entreprises qui s’adaptent notamment aux exigences des consommateurs et anticipent les évolutions réglementaires. La finance a intérêt à prendre en compte ces transformations systémiques sur le moyen-long terme.

 

Peu de fintech à impact aujourd’hui ont obtenu d’agrément bancaire, cela signifie que le citoyen est encore dépendant des grandes banques qu’il accuserait de ne pas respecter ses engagements climatiques… ?

Pour répondre à cette question, il faut sans doute revenir au rôle qu’exerce le banquier en matière d’épargne. Il me semble en l’occurrence que la première préoccupation de l’épargnant et donc la première responsabilité du banquier vis-à-vis de lui est de protéger son capital, c’est tout un équilibre entre la prise de risques et le niveau de sécurité attendu. Chez Carbon4 Finance, un argument central pour convaincre d’utiliser nos données climat est donc la juste mesure du risque-climat. C’est bien par cet angle sans doute que le risque climatique sera pris en compte finalement dans le monde de la finance en général.

Le fait que les banques centrales européennes se préoccupent de ces enjeux est un signe encourageant et positif pour l’avenir. L’économie ne se transformera pas du jour au lendemain, simplement en décidant de fermer des sociétés pétrolières par exemple. Notre méthode d’analyse va s’intéresser à valoriser celles qui se transforment vraiment, comparées à celles qui continuent de vivre dans le passé.

Au fond, pour que ce basculement fonctionne, je suis convaincu que tout doit se faire ensemble. Et c’est cette volonté de mieux évaluer les risques climatiques qui a conduit les banques centrales européennes à se rapprocher de nous.

 

Aujourd’hui il est plutôt simple d’obtenir le label ISR ou de respecter des objectifs sur les seuls Scope 1 et 2 (sans le 3). Ce sont de grandes failles législatives qui permettent éventuellement des acteurs de la finance de faire valoir à peu de frais leurs efforts « responsables » … Doit-on mieux encadrer ces pratiques ?

Je ne dirais pas que ce sont des failles mais plutôt des projets législatifs non aboutis. Les institutions qui s’occupent de réglementer sont dans le même processus que les entreprises ou la finance aujourd’hui : elles apprennent à maîtriser les métriques existantes sur la transition bas carbone. Tout le monde est en phase de découverte et il y a des efforts considérables qui sont menés en Europe. À tel point que cela inspire la communauté internationale, à l’image de la TCFD (Task Force on Climate-Related Financial Disclosures), créée en décembre 2015 par le Conseil de stabilité financière du G20.

Maintenant, il est vrai qu’une appréciation du risque uniquement à partir des Scopes 1 et 2 (sur les émissions directes) n’est pas suffisante. Il est nécessaire d’intégrer le Scope 3 sur les émissions indirectes et inclure celles qui ont pu être évitées. Pour que la transformation ait lieu, il faudra aussi que la finance s’engage au même niveau que le citoyen. La planification de cette transformation passera nécessairement par un débat démocratique qui engage des acteurs éclairés de tous bords. Pour soutenir cet indispensable débat, il sera indispensable de disposer de métriques fiables, reconnues et largement diffusées. C’est l’ambition de Carbon4 Finance que de fournir ces données au plus grand nombre.

 

<<< À lire également : Interview | Benjamin Pedrini (Epsor) : « Il est nécessaire de mieux encadrer les pratiques autour du label ISR pour offrir plus de transparence aux épargnants » >>>

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