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La BCE Doit-Elle Participer A La Relance De L’Inflation ?

inflation BCE

Pour comprendre le rôle de la BCE aujourd’hui, il est nécessaire de reprendre l’histoire financière européenne. L’abondance de monnaie réinvestie dans des développements commerciaux et industriels en Europe à partir de 1871 conduisit lors de la crise de 1873 à une forte déflation qui dura 26 ans. Mais l’abondance de monnaie n’est pas nécessairement nuisible si elle provient d’une activité commerciale classique, basée sur l’offre et la demande. Par Yves-Alain Ach.

Or, à cette époque une partie de l’argent réinvesti provenait d’indemnités de guerre qui appauvrit un des belligérants de la guerre de 1870 au profit de l’autre de façon totalement extravagante. Aujourd’hui en Europe et aux Etats-Unis, nous avons des politiques monétaires arrangeantes qui remettent en cause tous les équilibres économiques que nous connaissons et qui permettent à nouveau une abondance de monnaie. Par ailleurs, nous vivons une véritable révolution industrielle, ou l’ensemble des modalités de production sont abandonnées au profit de nouvelles technologies qui permettent de mondialiser les marchés.

Concrètement, nous détruisons pour reconstruire depuis les années 80. De plus, cette destruction s’accompagne aussi d’une baisse généralisée des coûts et donc des prix. Cette course à l’innovation est accompagnée de gains de productivité dus à la multiplication d’innovations et aux changements des modes de commercialisation des produits qui en résultent. Ces vingt-neuf ans de transformation et de déréglementation au sein d’une économie où l’expansion passe par une présence internationale ont aussi été traversés par la crise financière et bancaire de 2008. Cette crise a conduit les gouvernements occidentaux à mettre en place une régulation du système bancaire et financier accompagnée d’une politique de réduction de l’inflation.

Ce choix de politique économique conduit notamment à viser la stabilité des prix de détail. Ainsi, la politique monétaire développée au cours de ces années vise la stabilité des prix et a été accompagnée par la suite, et pour les raisons exposées ci-dessus, d’une politique de sécurité et de surveillance du système financier. Pour assurer cette mise en œuvre, ces points furent intégrés au mandat de la BCE, ce qui permit la politique monétaire en vigueur actuellement.

 

Le dilemme auquel nous sommes dorénavant confrontés est de respecter cette position fixée dans le mandat de la BCE et de relancer aussi la croissance. La politique monétaire non conventionnelle actuellement suivie par la BCE ne peut qu’entraîner une politique économique contrainte et difficile à accepter pour certains pays européens. Pour autant, Mario Draghi, l’ex-président de la Banque Centrale Européenne, a encore au cours du mois de septembre 2019 lancé un plan de rachat de titres de dette, ce qui laisse envisager une continuité de la politique monétaire privilégiée jusqu’à présent, sans que cela accompagne une relance de la croissance.

En effet, ce plan d’assouplissement quantitatif particulièrement ambitieux a pour objectif de lutter contre un risque de retour de l’inflation et de tenter une relance de la croissance. Mais quel est le niveau d’inflation attendu, tout en respectant le mandat de la BCE ? En 1992, les Européens ont confié comme mandat à la BCE la recherche de la stabilité des prix, avec une inflation ne pouvant excéder 2%.

Cette limite est-elle légitime et ne devrions-nous pas faire la différence entre inflation forte et inflation régulée ?

Cette question n’est pas clairement posée et la nouvelle gouvernance de la BCE devra y répondre. Le cycle de décroissance subi actuellement par l’Europe nécessite des décisions claires en matière de relance de la croissance économique. Pour cela, il faudra probablement faire évoluer le mandat de la BCE et particulièrement en matière de respect de l’indicateur plafonné de l’inflation. Point déjà soulevé par Joseph Stiglitz (2016) mais pour d’autres raisons et notamment pour éviter une divergence de politique entre la FED et la BCE.

La croissance attendue de la zone euro pour 2019 est fixée à 1,1 % et à 1,2% pour l’année 2020. Or, cette croissance faible risque de produire des perturbations économiques dans la situation fragile dans laquelle se trouve l’économie européenne. D’autant plus que l’inflation mesurée et attendue pour 2019 se portera à 1,2%, force est de constater que la politique actuelle de la BCE conduit notamment à une baisse constante de l’inflation avec une prévision pour 2020 à 1%.

Le mandat de la BCE fixé il y a 20 ans prévoyait que la politique monétaire ne devrait pas engendrer une inflation supérieure à 2%. Or, les paradigmes économiques ont changé depuis. Il faudrait revoir ce mandat en fonction des nouveaux risques identifiés, et tenir compte à la fois du ralentissement économique estimé pour les années à venir, et aussi des effets du Brexit et des nouvelles règles en matière de commerce international.

 

La politique non conventionnelle mise en œuvre par la BCE et qui permet une abondance monétaire est contrariée par le fait que ce flux monétaire n’est pas réorienté dans l’économie réelle mais est utilisé en partie pour respecter les obligations prudentielles bancaires. Ce qui laisse à penser soit que la politique monétaire de la BCE n’a pas été assez ambitieuse pour permettre d’assurer une relance de la croissance, soit qu’il faut coupler cette politique à une nouvelle politique européenne d’investissement et de réaffectation budgétaire des Etats en revenant notamment sur l’orthodoxie budgétaire inscrite dans le Traité de Maastricht.

 

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Par Yves-Alain Ach – Docteur en Sciences de Gestion (PhD in management sciences) – Léonard de Vinci Pôle Universitaire, Research Center, Paris La Défense

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