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Julia Ménayas, cofondatrice d’Helios : « La prochaine révolution bancaire ne sera pas technologique mais écologique »

heliosJulia Ménayas, cofondatrice de Helios.

Lancée en février 2021, Helios est une offre bancaire en ligne qui promet que l’argent déposé sur leurs comptes ne financera pas des industries qui nuisent à la planète et aux personnes, ou en aucun cas ne contribuera au réchauffement climatique. Julia Ménayas, cofondatrice de “l’éco-banque”, demeure convaincue que le citoyen souhaite reprendre le contrôle de son argent au même titre que son mode de consommation. Entretien.

 

Quand est née Helios et dans quel but ? Comment est venue l’idée ?

Maeva Courtois et moi avons créé Helios en réaction aux engagements cosmétiques que les banques font en matière climatique. Ce marketing traduit une frustration quant à l’urgence de tenir nos émissions carbone à moins de 2°C. Nous avons décidé de proposer une alternative aux consommateurs qui attendent des banques de s’aligner davantage aux objectifs de la transition écologique.

Nous nous sommes lancées en février 2021 en menant une enquête auprès de nos utilisateurs sur ce qu’ils attendent d’une éco-banque. Souhaitent-ils en priorité obtenir un calcul de leur empreinte carbone ? Que nous replantions des arbres ? Ou bien que nous fléchions leur dépôt de compte vers des projets en faveur de la transition ?

La troisième proposition a fait l’unanimité et cela traduit une volonté collective de ne pas considérer son argent comme “dormant” sur un compte bancaire. Notre feuille de route en termes de développement de produits bancaires et de fonctionnalités est largement inspirée de nos retours clients : nous avons lancé en ce sens un espace web en plus de l’application mobile, l’ouverture d’un compte jeune pour les moins de 24 ans mais aussi un compte conjoint ou encore un livret d’épargne responsable.

 

Pourquoi avoir choisi de vous appeler “éco-banque” ?

Nous n’employons pas le terme de “néobanque” car cela suppose de travailler avec un intermédiaire pour assurer le dépôt des comptes dans des banques traditionnelles. C’est le cas d’OnlyOne avec Treezor, un service proposé par la Société Générale.

Nous avons réfléchi longuement à comment ne pas laisser la main aux banques conventionnelles sur les comptes de nos clients, notamment pour ne pas financer des actifs qui ne respectent pas nos engagements climatiques. Nous avons opté pour le modèle “d’éco-banque” rendu possible avec notre partenaire Solarisbank : un logiciel en SaaS dont nous louons les services technologiques et qui nous permet, grâce à sa licence bancaire, d’orienter nos financements vers des projets d’investissement respectueux de l’environnement. Concrètement, nous pouvons choisir de flécher les dépôts vers des projets à impact.

Souscrire chez Helios est une assurance qui garantit qu’il n’y aura pas un seul euro qui financera des industries qui nuisent à la planète ou contribuent au réchauffement climatique. Nos comptes ne sont pas inclus dans le bilan de Solarisbank et nous travaillons avec des cabinets d’analyse financière pour identifier les projets à impact que nous souhaitons choisir.

Nous aidons également à financer des projets concrets comme la centrale solaire Kwita Wije en Nouvelle Calédonie. Nous avons dans ce cas aidé l’entreprise française Akuo Energy à déployer des panneaux photovoltaïques dans la commune de Bouloupari. L’idée étant de d’inclure les communautés locales dans la gouvernance du projet tout en restant transparents, notamment sur la difficulté du recyclage auquel ce secteur doit faire face.

 

Vos concurrents affirment que le cantonnement des dépôts d’une néobanque chez un établissement de crédit ne permet pas à la banque traditionnelle d’inclure ces mêmes comptes dans son bilan… Vous semblez pourtant affirmer le contraire ?

Nous n’avons pas choisi le service Treezor de la Société Générale quand bien même leur offre d’IBAN français reste une des moins chères sur le marché. Nous avons la certitude que ces fonds sont cantonnés dans le bilan total de la Société Générale et leur servent à faire des financements peu vertueux. C’est le même cas pour la néobanque Swan qui repose sur la BNP Paribas.

À l’inverse, Solarisbank propose un modèle contractuel bien différent. Elle propose une licence bancaire qui nous permet d’orienter nos financements vers des projets d’investissement respectueux de l’environnement. Chaque trimestre, nous tenons avec eux une commission d’investissement pour choisir ces projets. Mais au-delà du débat autour du cantonnement, il faut privilégier la transparence à tout prix.

Si vous mettez 100 euros dans un compte Helios, il y a 75 euros qui servent aux réserves de liquidités que le client peut retirer via un distributeur et 25 euros qui servent directement à financer des projets d’investissement respectueux de l’environnement. Nous avons en ce sens obtenu le statut de société à mission, ce qui signifie que nous sommes audités régulièrement par des cabinets tiers et un comité de mission qui nous challengent constamment sur nos choix de gestion.

Helios est également classée parmi les 3 banques les plus éthiques en France selon Bank.Green, une initiative créée par une coalition d’ONGs comme BankTrack, Reclaim Finance, Extinction Rebellion, Greenpeace, Bank On Our Future, et Les Amis de la Terre France.

 

Quels autres éléments vous permettent de vous différencier face aux autres offres bancaires du marché ?

Helios se veut comme une hybridation entre la néobanque et la banque classique. Une néobanque n’arrive en réalité pas à devenir une banque du quotidien car lorsque vous avez un problème, il est parfois nécessaire d’avoir un accompagnement humain. En revanche, le digital permet d’être plus réactif, innovant et transparent qu’une banque classique sur les services proposés.

Nos équipes de conseillers disposent chacune de leur propre portefeuille de clients. Notre valeur ajoutée est de garantir une interaction “humaine” pour le service client, que cela soit par email ou bien par téléphone. Nous souhaitons revaloriser cette relation entretenue avec le conseiller bancaire, à la différence des banques classiques qui optent de plus en plus pour des chatbots. Et cela semble plaire : nous affichons un taux de satisfaction client de 98% et notre note sur Trustpilot est de 4,6 sur 5.

Notre abonnement s’élève à 6 euros par mois et 3 euros par mois pour les moins de 24 ans, tout compris et sans frais cachés. Ces abonnements financent directement nos infrastructures, nos conseillers et nous permettent de ne pas nous rémunérer sur les agios. Ce type de modèle contribue à restaurer la confiance – voire l’amour – envers la banque.

 

Faut-il assouplir les règles d’attribution d’agrément bancaire ?

Il existe beaucoup de réglementations en Europe sur l’attribution d’agréments bancaires et c’est nécessaire pour protéger les épargnants. Pour l’instant, avec Solarisbank, nous bénéficions d’une couverture des dépôts sur nos comptes bancaires à hauteur de 100 000 euros (il s’agit du même niveau de garantie offert dans une banque classique). Je ne sais pas s’il faudrait assouplir les règles relatives à l’agrément bancaire mais il est clair que c’était beaucoup plus compliqué il y a dix ans de lancer un produit bancaire.

 

Selon vous, est-ce que les critères ESG et le label ISR sont adaptés pour garantir plus de responsabilité dans le monde des entreprises et de la finance ?

Selon moi, l’ESG est un simple effet cosmétique qui ne nous permettra pas de financer la transition écologique de nos industries. Concernant le label ISR, celui-ci nous permet de faire un premier tri des projets à financer. Puis nous les sélectionnons en interne pour balayer tout ce qui peut nuire à la planète ou aux personnes. Les méthodologies utilisées dans ce type de label sont parfois obscures et laissent passer des projets qui soutiennent par exemple l’extraction d’énergies fossiles ou bien l’industrie du tabac.

 

Pourquoi assistons-nous à une prise de conscience des citoyens de l’impact que peut générer leur compte en banque ?

Les banques sont souvent perçues comme opaques et inaccessibles aux yeux du grand public et pourtant elles restent un des piliers de notre société et elles engagent notre avenir à tous dans la manière dont elles financent notre industrie. C’est un domaine qui est très peu mobilisé par le citoyen : ce dernier s’exprime par le vote au moment des élections, par le boycott dans son mode de consommation, mais pas sur la façon de placer son argent.

Il y a dix ans, les premières banques en ligne jouaient sur la promesse révolutionnaire de l’ouverture simplifiée d’un compte via son téléphone. La prochaine révolution bancaire ne sera pas technologique mais écologique. Les applications mobile de type Yuka ont permis de sensibiliser sur les enjeux de consommation durable et la prochaine étape sera celle des “épargn’acteurs”.

Dans un second temps, la pédagogie autour de l’épargne responsable est rendue possible par l’obligation de transparence à laquelle sont soumises de plus en plus de banques, notamment sur l’emploi de leur fonds. La taxonomie verte européenne en vigueur oblige les banques en ce sens et cela permet d’avoir aujourd’hui des comparateurs des offres bancaires comme celui d’Oxfam par exemple.

La troisième étape est de faire prendre conscience que l’argent est le premier poste d’émissions de CO2. Et d’après un rapport de 2020 mené par Oxfam France et Carbone 4, à partir de 25 000 euros placés sur des comptes, nous polluons encore plus via ce que finance notre argent que via notre propre consommation.

Cette crise sanitaire est la première qui comporte des conséquences directes sur notre quotidien. Mais il faut garder en tête que la prochaine crise mondiale sera d’ordre climatique et je pense que la Covid-19 a contribué à cette prise de conscience. De la même manière, la crise institutionnelle s’accentue également, que cela concerne la politique ou les banques justement.

Il y a dix ans, les banques ont bougé face à la pression de la digitalisation qui a permis l’arrivée de nouveaux entrants dans la concurrence. Nous espérons que notre présence fera le même effet.

 

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