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PORTRAIT | Olivia Grégoire, la Madame « PME » du président

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Discrètement mais avec acharnement, Olivia Grégoire trace son sillon dans un secteur vaste et périlleux, celui des PME, TPE et du petit commerce. Qui est cette femme déterminée dont on a jusqu’à présent plus parlé dans la rubrique people pour sa brève liaison avec Manuel Valls ou son accouchement que pour son bilan de ministre ? Portrait.

 

À son poste de ministre des PME, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme, Olivia Grégoire est comme un poisson dans l’huile : elle rissole de bonheur. Elle « kiffe grave » ses partenaires entrepreneurs et commerçants qui le lui rendent bien. Lors du récent congrès d’un syndicat de grossistes, un témoin, impressionné par l’opération séduction de la ministre présente lors de l’événement, nous a confié que « les gens apprécient son parler cash, ils sentent qu’elle les aime ».

La ministre répond d’ailleurs en écho : « J’aime les chefs d’entreprises, petites, moyennes ou grandes, les artisans – bouchers, coiffeurs, boulangers… –, toutes ces personnes courageuses qui ont du mal à dormir parce qu’ils doivent payer leurs salariés à la fin du mois, et qui, pourtant, se lèvent tôt. » Lors de l’entretien qu’elle nous accordé fin août, le mot « empathie » est souvent revenu dans sa bouche, ainsi que le terme « souffrance », par elle associée à une jeunesse marquée par la maladie de son père, à l’origine de son engagement politique comme on le verra.

 

Enfant, elle déménage beaucoup au gré des choix que fait sa mère pour placer son mari dans les meilleures conditions médicales possibles. Olivia change donc plusieurs fois de région (Paris, le Pays basque, etc.), d’école, d’amis, de vie au fond. « Ce n’était pas évident car à chaque nouvelle installation, je devais repartir de zéro et, en plus, me débrouiller seule car maman était accaparée par la santé de mon père. »

 

Bonne élève, elle fait la rencontre d’une professeure d’histoire, au collège, qui a repéré chez elle un joli potentiel. L’enseignante commence à lui parler de Sciences Po, « une école où l’on approfondit l’histoire pour comprendre le monde d’aujourd’hui », lui explique-t-elle. Après le bac et une hypokhâgne rondement menée, elle entre donc à Sciences Po dont elle sort diplômée en 2001. Dans la foulée, elle tente Normale Sup Ulm, mais échoue à l’oral. Changement d’orientation, elle prépare les concours des grandes écoles de commerce et s’ouvre les portes de l’Essec afin de parfaire sa formation. Elle s’y spécialise en marketing.

 

Pendant toute cette période post-bac, la jeune femme multiplie les activités professionnelles pour assumer son train de vie car sa mère, désormais divorcée, ne peut plus la soutenir financièrement. Olivia fait donc quelques piges d’hôtesse d’accueil et trouve un job à temps partiel dans l’événementiel. Il lui arrive même, le soir, de faire des RP en discothèque, histoire d’améliorer l’ordinaire…

 

Travailleuse infatigable

Et puisqu’il y a 24 heures dans une journée, en plus des études à Sciences Po et des petits boulots, la demoiselle hyper active cherche à accroître son réseau, guère développé du fait de ses nombreuses pérégrinations dans l’Hexagone.

Pourquoi pas la politique ? Après tout, elle vient d’une famille qui a célébré la victoire de Jacques Chirac en 1995, mettant fin à la longue séquence pendant laquelle un président de gauche a dirigé le pays. Sur les conseils de sa mère qui a rencontré François Léotard un peu par hasard, Olivia frappe à la porte des libéraux emmenés à l’époque par « la bande à Léo ». En 1996, elle rejoint Démocratie libérale, le parti que vient de créer Alain Madelin. « Je n’étais pas attirée idéologiquement par ce courant politique, précise-t-elle, mais il y avait une bonne ambiance, des jeunes qui aimaient s’amuser. On tractait, on “boitait” dans la joie et la bonne humeur. » Elle rencontre des personnages intéressants comme ceux qu’elle appelle ses « mentors », Jean-Pierre Raffarin et Hervé Novelli. Pendant le deuxième mandat de Jacques Chirac, fraîchement diplômée de l’Essec, elle peaufine une compétence en matière de communication politique en rejoignant en 2002 le Service d’information gouvernementale (SIG).

C’est son premier vrai poste qu’elle occupera trois ans. Son travail consiste à produire des argumentaires à destination des préfets sur les politiques publiques dans tous les domaines. Une tâche très formatrice mais dont le caractère répétitif lui donne des envies d’ailleurs. Ça tombe bien, Xavier Bertrand a besoin d’elle au ministère de la Santé où elle devient conseillère en communication. Ses connaissances dans un domaine qu’elle côtoie par la force des choses depuis l’enfance se consolident, son CV s’étoffe.

 

En 2007, Nicolas Sarkozy se hisse au sommet de l’État. Olivia Grégoire se sent moins en phase avec ce président disruptif qui casse les codes. Comment se rendre utile autrement qu’en cabinet ministériel ? La jeune femme qui a beaucoup bougé géographiquement dès sa prime jeunesse aime aussi bouger professionnellement. Elle décide de se lancer dans le privé, commençant par intégrer des agences de communication comme DDB.

Mais c’est dans l’industrie qu’elle va s’épanouir, au sein d’un groupe puissant, Verallia, qui conçoit, produit et recycle des emballages de verre. Elle en intègre le comex pour en piloter l’introduction en bourse. Olivia s’investit à 200 % dans l’opération… qui est brutalement interrompue par la direction. Son poste est supprimé ! « Je ne comprends pas ce qu’il s’est passé, je suis sonnée » se rappelle- t-elle. Pendant quelque temps, elle devient même… artiste peintre ! Une manière poétique de tourner la page et de reprendre ses esprits. Elle est cependant vite rattrapée par les réalités du quotidien. « À ce moment-là, avoue-t-elle, je n’ai aucun back up financier. Je me suis dit : très cool la peinture, mais tu as encore besoin de gagner ta vie ! »

 

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Patronne d’une TPE

Nouvelle aventure ? crée en 2012 son cabinet de conseil aux dirigeants, Olicare. « J’étais seule dans ma boite mais je faisais travailler beaucoup d’indépendants autour de moi en fonction des besoins. Des attachés de presse, des agences de naming, etc. C’est sans doute là que j’ai commencé à m’intéresser vraiment aux PME et TPE, étant moi-même confrontée à leurs problématiques spécifiques. »

 

Durant cette période, elle s’occupe de plus en plus de son père déclinant, jusqu’à être confrontée au très douloureux sujet des soins palliatifs. Grâce à sa persévérance et son entregent, elle parvient à l’inscrire dans un excellent centre de soins du 15e arrondissement de Paris et se sensibilise à cette question si délicate.

« Il se trouve que j’ai réussi à placer papa dans une bonne maison parce que j’avais des relations dans le milieu médical, assure-t-elle. Mais comment font les gens qui n’ont pas de réseau ? » Nous sommes en 2016, à un an de l’échéance présidentielle. Son cher père disparaît. En hommage à sa mémoire mais aussi parce qu’elle a pris conscience de l’urgence de traiter ce sujet qui compte parmi les angles morts du débat politique français, Olivia Grégoire élabore des propositions pour améliorer la situation, puis les réunit dans un document qu’elle fait parvenir aux états-majors des partis de gouvernement. Ses amis de droite qui l’ont connue stagiaire puis jeune conseillère en cabinet la prennent de haut ; le PS où elle n’a aucun point d’entrée la traite par l’indifférence ; reste un mouvement naissant, En marche, lancé par un ex-ministre de François Hollande dont l’ascension commence à déranger.

Ses équipes réagissent à l’envoi et lui proposent de participer à une réunion avec quelques figures du mouvement comme Benjamin Griveaux et Jérôme Salomon, infectiologue, qui sera le directeur de la Santé pendant la pandémie du Covid-19. « Je vais par la suite collaborer avec Olivier Véran, futur ministre de la Santé » se souvient-elle. À sa grande surprise, ses propositions apparaissent en bonne place dans le programme du candidat dont elle fait la campagne au côté des macronistes de la première heure.

 

Au lendemain de la victoire du chef marcheur, on lui propose de participer au combat des législatives. Sans hésiter, elle demande la circonscription du 15e arrondissement de Paris, toujours en hommage à son père, même si celle-ci est réputée ingagnable. À sa tête, le député UMP Philippe Goujon, héritier politique d’Édouard Balladur, semble en effet indéboulonnable. À la surprise générale, elle l’emporte assez facilement, surfant sur la vague Macron très puissante en 2017.

 

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Rôle stratégique

Lassée par le sujet « santé » qu’elle a beaucoup décortiqué pour des raisons personnelles et politiques, elle intègre à l’Assemblée la prestigieuse mais laborieuse commission des Finances. La matière l’intéresse mais n’y étant pas familiarisée, elle doit travailler jour et nuit pour se mettre à niveau. Tant et si bien que le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, la remarque et lui demande de porter la loi Pacte au palais Bourbon. Il s’agit ni plus ni moins que de la grande loi économique du premier mandat Macron.

 

L’engagement d’Olivia Grégoire est apprécié à Bercy mais aussi dans les hautes sphères de l’État : en 2020, elle est nommée secrétaire d’État en charge de l’Économie sociale et solidaire au sein du gouvernement Castex. Le thème, cher à la gauche « hollandaise », l’amène à porter un regard plus social sur les questions économiques.

 

Après la réélection d’Emmanuel Macron à l’Élysée en 2022, on lui propose un bref intérim de porte-parole du gouvernement d’Élisabeth Borne avant de la promouvoir au ministère des PME, du Commerce, du Tourisme et de l’Artisanat. Un rôle où elle doit s’épanouir dans la complémentarité avec le chef de l’État, très à l’aise avec les grands groupes, les champions de la tech et les start-up, un peu moins s’agissant des relations avec les PME, les artisans et les petits commerçants dont dépendent pourtant plus de 90 % de notre économie. « J’ai, pour cette raison, une grande responsabilité, analyse Olivia Grégoire. Car c’est dans ces couches plus populaires que peut prospérer le vote RN. Si je réussis là où je suis, on arrivera peut-être à endiguer la progression de l’extrême droite dans notre pays. » En conséquence, elle se refuse pour l’instant à toute prise de position politicienne qui l’éloignerait de ses priorités gouvernementales dont l’importance semble stratégique dans la perspective de la présidentielle de 2027.

 

Cet article a été écrit par : Yves Derai 
 
 
 

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