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Les Femmes Entrepreneures Mises En Difficulté Par Les Fonds d’Investissements

Dans un climat où sont mis en lumière de nombreux cas de harcèlement sexuel dans lesquels les victimes sont des femmes entrepreneures du secteur de la technologie et les agresseurs des investisseurs, une équipe de chercheurs a déterminé que les start-up compétitives dirigées par des femmes sont soumises à un examen scrupuleux lors des demandes d’investissement. Il semblerait que cette pratique se poursuive même après le versement des fonds.

La semaine dernière, des chercheurs de l’université de Columbia et de la Wharton School of Business ont publié les résultats de leur étude portant sur la façon dont hommes et femmes sont interrogés au sujet de la viabilité de leurs start-up. L’étude a révélé que les participants faisaient constamment face à différents types de questions, variant selon leur sexe, les candidats masculins rencontrant plus de questions portant sur le potentiel de croissance de leur projet quand les candidates, elles, se voyaient interrogées plus fréquemment sur les risques et les pertes potentielles. Les chercheurs ont constaté que cela avait un impact réel sur le financement obtenu par les candidats.

Dans un article, Dana Kanze, étudiante en doctorat de la Columbia Business school, écrit que son équipe a cherché à mettre le doigt sur l’un des nombreux facteurs probablement impliqués dans « l’écart important existant entre homme et femme » dans le financement d’entreprise. Selon elle, seulement environ 2% des financements du capital-risque sont perçus par des femmes entrepreneurs, bien que les femmes soient propriétaires de 38% des entreprises américaines et représentent actuellement 7% du capital-risque, soit une augmentation de 3% en 2014.

Lorsqu’il s’agit de soulever des fonds dans un schéma compétitif, l’équipe de Dana Kanze a découvert que dans l’exemple de TechCrunch Disrupt New York, une conférence technologique annuelle, les femmes faisaient face à plus de questions négatives (de la part d’investisseurs du capital-risque hommes et femmes) que les conférenciers masculins.

Dana explique: « Les investisseurs auraient adopté ce qui est désigné comme l’orientation promotionnelle lorsqu’ils interrogeaient les hommes entrepreneurs, ce qui signifie qu’ils se concentraient sur les espoirs, les accomplissements et les avancées du projet. À l’inverse, lorsqu’ils interrogeaient les femmes entrepreneurs ils embrassaient ce qu’on appelle l’orientation préventive: celle-ci s’intéresse à la sécurité, la responsabilité, la sécurité et la vigilance. »

Dans le cas où la conversation portait sur les clients, par exemple, « une question promotionnelle s’attardait sur l’acquisition de clients, alors qu’une question préventive se cantonnait à la rétention de la clientèle, » illustre Dana.

Pour étudier le sujet plus avant, l’équipe a visionné des vidéos de sessions de questions/réponses qui ont eu lieu pendant la compétition annuelle de récolte de fonds rassemblant 140 acteurs éminents du capital-risque, dont 40% de femmes, et qui comptait 189 entrepreneurs de startup, dont 12% de femmes. En utilisant du codage manuel et un logiciel de linguistique permettant d’analiser les sessions, les chercheurs ont constaté que 67% des questions posées aux hommes étaient orientées promotionnellement. En parallèle, 66% des questions posées aux femmes entrepreneurs relevaient de l’orientation préventive, avec une tendance à se concentrer sur les risques potentiels ou prenant l’allure de test visant à vérifier le niveau de maîtrise que les femmes avaient de leur projet. De plus, Dana note que « cette différence dans les interrogations semble impliquer des conséquences substantielles sur le financement des start-up. »

L’équipe a également eu pour objectif d’étudier toutes les levées de fonds organisées pour les start-up qui ont été lancées pendant la compétition. Si les start-up étaient comparables en terme de qualité et de besoin en investissement, » expose Dana, les sommes totales récoltées par les start-up dirigées par des hommes étaient cinq fois plus importantes que celles récoltés par les start-up ayant des femmes à leur tête. 

Une autre constatation de l’équipe a été que, pour des entreprises semblables, les entrepreneurs qui avaient reçu plus de questions d’orientation préventive avaient récolté une moyenne de 2.3 millions de dollars de fonds, quand ceux qui avaient répondu à des questions d’orientation promotionnelle avaient récolté une moyenne de 16.8 millions de dollars. « De fait, pour chaque question préventive posée à une entrepreneure, la start-up récoltait 3.8 millions de dollars de moins en moyenne. »
« En recherchant des facteurs qui peuvent influencer les résultats des levées de fonds – comme les estimations des besoins en capitaux de la start-up, la qualité du projet, l’âge de l’entrepreneur comme son expérience passée -nous avons découvert que la prévalence de questions préventives illustrait complètement la relation entre le sexe de l’entrepreneur(e) et le financement. »

La recherche a cependant dégagé quelques bonnes nouvelles pour les femmes et les entrepreneurs suscitant des questions d’ordre préventif. Par exemple, si le fait que 85% des entrepreneurs ont formulé leurs réponses de manière à rester dans le ton promotionnel ou préventif des questions a probablement « perpétué le cycle des préjugés inhérents au schéma des questions-réponses et aggravé la disparité des fonds, » écrit Dana, les entrepreneurs qui eux ont choisi de fournir des réponses de type promotionnel malgré la question préventive ont récolté une moyenne de 7.9 millions de dollars, contre 563 000 dollars pour les autres.

Ainsi, cela suggère que les entrepreneurs qui formulent leurs réponses de manière positive en dépit du style de la question peuvent récupérer le plus gros du potentiel de financement perdu en recevant au départ des questions principalement préventives.

Afin de tester leurs résultats, les chercheurs ont recréé les conditions de la conférence TechCrunch dans le cadre d’une expérimentation avec 194 investisseurs professionnels, dont 30% de femmes, et 106 investisseurs amateurs, dont 47% de femmes. Il a été demandé aux participants d’allouer 400 000 dollars aux start-up de leur choix: leur comportement s’est calqué sur les résultats observés par les chercheurs lors de leur étude.

« Les investisseurs professionnels ont alloué une moyenne de 81 113 dollars aux start-up ayant répondu à des questions préventives par des réponses promotionnelles, soit une somme 1.6 fois plus élevée que la moyenne de 52 369 dollars allouée à ceux ayant répondu à des questions préventives par des réponses préventives, » lit-on dans l’article de Dana. « De la même manière, les investisseurs amateurs ont attribué une moyenne de 96 321 dollars aux start-up ayant répondu de manière promotionnelle à des questions préventives, soit une somme 1.7 fois supérieure à celle de 55 377 dollars allouée en moyenne aux start-up ayant répondu préventivement à des questions préventives. »

Cette étude diffuse un espoir, limité certes, mais néanmoins réel pour la lutte contre l’écart existant entre hommes et femmes dans le monde de l’investissement du capital-risque. Cela rappelle aussi aux entrepreneurs qu’il est possible de faire un pas vers la parité au sein de leurs start-up. S’il y a de la valeur dans l’identification d’un problème largement répandu, il s’en trouve bien plus encore dans le dégagement d’une solution.

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