logo_blanc
Rechercher

Cécilia Attias : « Il n’est pas nécessaire de nier la différence entre les sexes pour les rendre égaux »

Credit photo : Getty ImagesCecilia Attias

Cécilia Ciganer a toujours choisi de se faire connaître sous le nom de ses maris successifs : l’animateur de télévision Jacques Martin, l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy, l’entrepreneur Richard Attias. En octobre 2008, récemment divorcée de Nicolas Sarkozy, Cécilia Attias constitue une fondation pour améliorer concrètement les conditions de vie des femmes, notamment dans le Tiers-Monde. Dix ans après, dans un entretien exclusif, dans le cadre du Monaco Transition Forum, elle tire le bilan de l’expérience et s’inquiète du refus d’un statut de Première dame, et de l’évolution de la condition féminine en général.

Un entretien avec Cécilia Attias

« – Bonjour Madame, pardon d’interrompre votre déjeuner, mais est-ce que je pourrais juste vous saluer, vous embrasser ? 

– Mais bien sûr… Monsieur ?

– Je voulais vous dire que grâce à vous, ma famille a été entièrement sauvée. Vous avez fait en sorte que je puisse retrouver ma femme. Alors que vous ne nous connaissiez pas, vous nous avez aidés. Et si mes enfants ont retrouvé leur maman, c’est grâce à vous. »

Voilà. C’était l’autre jour, à table avec mon mari, près de Nice. Je n’entrerai pas dans les détails, qui n’appartiennent qu’à la vie personnelle de cet homme. Mais j’ai essayé de me souvenir des termes exactement car, pour moi, c’est extrêmement important : ces rencontres m’apportent la certitude que je ne suis pas passée pour rien. Ce que j’ai fait, ce que je fais encore, a servi à quelque chose.

Depuis des années, avant même d’être connue, je me bats pour la cause des femmes. Mais c’est vrai que la notoriété aide à ce que les gens viennent vers vous. L’idée de créer une fondation est venue ainsi, en réponse à une demande. Il y a dix ans, alors que je venais de quitter la France pour New-York, je reçois un e-mail d’un groupe de femmes de Téhéran convaincues de pouvoir changer l’Iran de l’intérieur, de rendre la société progressivement plus ouverte et tolérante, d’abord à l’intérieur des familles, par l’éducation des enfants notamment.

J’ai trouvé ça enthousiasmant : plus que jamais, la tolérance est le maître-mot qui doit résumer nos valeurs. Il est paradoxal qu’il faille aujourd’hui se battre pour la défendre… Cela ne pourra changer que lentement, par l’éducation et la culture, et dans de nombreux cas ce sont les mères qui précisément les apportent aux enfants. Dans le monde musulman, la valeur politique de cette action saute aux yeux…

Ces Iraniennes me proposent donc de venir les rencontrer, les aider. Mais pour être efficace, une infrastructure était nécessaire : cela a été la Cecilia Attias Foundation for Women. Il y a déjà mille associations dans ce domaine, souvent avec des champs d’action très voisins. Nous leur envoyons des volontaires pour les aider à se structurer et grandir, en travaillant parfois avec d’autres associations proches. Laissez-moi prendre deux exemples.

Teresa Fitzgerald, connue comme Sister Tesa, a créé une association qui gère des lieux à New-York, qui accueillent les femmes qui sortent de prison et leurs enfants qui y sont nés et n’ont jamais connu autre chose. Avec notre aide, Our Children a grandi très rapidement, elle vient de recevoir le soutien de CNN… J’en suis très fière!

Je voudrais aussi attirer l’attention sur The Fate of the Girls, qui regroupe des jeunes femmes qui se sont évadées des réseaux de traite des Blanches en Ukraine. Elles font un travail formidable sans argent ni autres moyens…

Dignité

Cette notoriété, comme chacun sait, me vient d’avoir été Première dame de France, comme on dit maintenant. A ce moment-là, et avant, j’ai toujours essayé de laisser ma porte ouverte à qui avait besoin d’aide. Les gens n’avaient pas peur de me contacter et n’hésitaient pas. J’étais bien plus disponible qu’un ministre… car je considérais que c’était mon devoir. Tout pouvoir et tout honneur doivent être contrebalancés par un devoir. Or, quand on est épouse d’élu, on a un pouvoir : il faut cesser de le nier.

Femme du Président, on vous prend au téléphone et on vous écoute… Epouse de ministre, de préfet, de sous-préfet, c’est la même chose : le pouvoir est là. Non le statut. Et c’est absurde !

Quand mon ancien mari était ministre de l’Intérieur, j’ai vu des femmes de sous-préfets s’épuiser à soutenir l’action de leurs époux et, conséquemment, la République. Mais elles n’ont même pas le droit de commander la nourriture pour un dîner officiel. C’est le préfet lui-même qui doit signer… Un statut d’épouse, avec un budget à gérer, reconnaîtrait la réalité et éviterait les dérives. Mais les esprits étriqués en ont encore privé, tout récemment, Brigitte Macron.

A son propos, je voudrais juste dire mon admiration. Je ne l’ai rencontrée qu’une seule fois, à l’Assemblée générale des Nations-Unies. J’ai été séduite par sa finesse, son intelligence, sa sensibilité. Elle est arrivée en terrain miné, de par la différence d’âge avec son mari, notamment. Et depuis, son sans-faute fait honte, j’espère, à tous ceux qui ont manœuvré pour lui ôter sa légitimité. J’ai senti chez elle une dignité qui nous manque beaucoup tous les jours et qui pourtant est indispensable. A ces niveaux de pouvoir si violents, tout particulièrement, il faut se respecter soi-même autant qu’on respecte les autres…

Le statut de l’épouse d’élu me semble symptomatique du débat sur la condition féminine aujourd’hui. Certains s’y opposent au nom de la société d’hier. Et d’autres, qui devraient le défendre, ne le font que mollement ou pas du tout, au prétexte que l’on perpétuerait ainsi un rôle du passé.

Toute ma carrière professionnelle j’ai été incomprise, parce que je l’ai vécue dans l’ombre de mon ex-mari, Nicolas Sarkozy, sans la légitimité d’un poste officiel. Dans notre pays de descendants de Descartes, il faut mettre les gens dans des boîtes, avec des étiquettes. Or, on ne savait jamais dans quel tiroir me ranger…

L’égalité totale entre les sexes devrait être une évidence. Evidemment, ce n’est pas parce qu’on naît femme qu’il faut être moins payée pour un travail équivalent ou qu’on doit subir des violences. Et il est tout à fait malheureux que, dans l’éducation d’une jeune fille, inconsciemment et sans même y penser, nous essayions de la protéger, de l’armer contre des risques qu’un garçon ne courra pas…

Pourtant, il n’est pas nécessaire pour les rendre égaux de nier la différence entre les sexes, qui saute aux yeux. Les mêmes salaires, les mêmes droits, les mêmes devoirs : évidemment. Mais ne nions pas ce que nous sommes !

Le risque, ce n’est même pas un retour du puritanisme : c’est de verser dans une caricature dans laquelle personne, homme ou femme, ne pourrait se reconnaître. Quand j’ai vu le hashtag #BalanceTonPorc, j’étais choquée.Dans quelle guerre des sexes veut-on que l’on s’engouffre ? Pour moi, je suis ravie d’être une femme, une mère et maintenant une grand-mère. Je demande à ce que l’on préserve une place pour la féminité, pour les rôles d’épouse et de mère.

Cécilia Attias, recueilli par J.R.

Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook

Newsletter quotidienne Forbes

Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.

Abonnez-vous au magazine papier

et découvrez chaque trimestre :

1 an, 4 numéros : 30 € TTC au lieu de 36 € TTC