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Planète | Retour sur le premier sommet africain pour le Climat

Du 4 au 6 septembre dernier, se tenait le premier sommet africain pour le climat organisé à Nairobi au Kenya. Le financement des projets nécessaires à la transition énergétique et leur compatibilité avec les ambitions de développement économique du continent ont occupé la plupart des discussions. L’Afrique est le continent qui émet le moins d’émissions de dioxyde de carbone en ne représentant que 4% du total mondial. Souvent relayé à l’arrière-plan des discussions internationales sur le dérèglement climatique, le continent compte pourtant d’immenses ressources naturelles qui pourraient lui permettre d’être un acteur incontournable dans l’approvisionnement des minerais essentiels à la transition énergétique (cobalt, manganèse, uranium, cuivre…), et dans la production d’une énergie décarbonée grâce à son potentiel hydraulique, solaire et éolien.

 

Que retenir de ce premier sommet africain pour le climat ?

Ce sommet inaugural marque un tournant dans le discours diplomatique africain sur le changement climatique. La position africaine était jusqu’alors principalement marquée par le concept de compensation. Pour de nombreux pays dans le monde, il faut instituer à l’échelle mondiale un système de dédommagement financier des pays les plus émetteurs en carbone envers les moins polluants. Ce système permettrait non seulement de pénaliser financièrement les pays qui ont historiquement contribué le plus au dérèglement climatique, mais aussi de permettre aux pays les moins émetteurs de contrevenir aux conséquences des catastrophes naturelles amplifiées par le réchauffement climatique, et de contribuer à son développement « propre ». A Nairobi, en ce début septembre, les hommes politiques africains ont montré que l’Afrique était prête à développer un plan de développement prenant en considération les enjeux climatiques et à trouver des solutions pour y parvenir.  

 

Emprunter en Afrique coûte en moyenne 3 fois plus cher qu’en Europe

La déclaration de Nairobi, publiée au terme du sommet, souligne l’importance de la sécurisation de sources de financement. En effet, le financement manque à l’Afrique pour pallier les catastrophes naturelles, développer des infrastructures résillientes et accélérer le développement de l’énergie propre.

Plusieurs contraintes empêchent l’Afrique de financer efficacement sa transition énergétique. Tout d’abord, le continent est peu intégré aux marchés financiers mondiaux et ses marchés intérieurs sont encore très limités et peu liquides. En outre, elle a plus d’engagements extérieurs (emprunts contractés auprès d’autres États pour financer ses dettes souveraines) que d’avoirs à l’étranger (investissement en capital ou en titres de dettes dans des pays hors de l’Afrique). Cette situation met en péril le service de ses dettes souveraines, fragilisant en retour les notations financières des différents pays.  Or, ces notations ont des incidences directes sur les modalités de prêt et donc de financement par la dette des projets verts. La plupart des émetteurs de dette africains sont notés en dessous de la catégorie « valeur d’investissement » par les agences internationales. A mesure que la notation baisse, les coûts de financement gonflent.

Les « risques pays » sur le continent africain contribuent également à l’explosion du coût de la dette. La forte instabilité politique, la fragilité des secteurs économiques agricoles, industriels et tertiaires, des forts taux de pauvreté, mais également, ironie du sort, le risque accru des catastrophes naturelles en Afrique sont autant de paramètres qui ralentissent le développement d’une finance verte et a fortiori d’une transition énergétique propre.

 

Les acteurs du développement

Toutefois, on peut se réjouir de la présence de plusieurs acteurs, dont les organisations internationales comme la Banque mondiale qui contribue au financement de projets durables en octroyant des prêts à taux faibles voire nuls. Grâce à son Association Internationale de Développement (IAD), la Banque mondiale a approuvé un financement de 311 millions de dollars pour développer et raccorder au réseau ouest africain plus de 100 MW d’énergie solaire, de 40 MW d’énergie hydraulique et de systèmes de stockage de l’électricité. L’Afrique de l’Ouest présente l’un des taux d’électrification les plus faibles et des coûts d’électricité parmi les plus élevés d’Afrique subsaharienne. L’énergie renouvelable est une solution idéale pour l’électrification de ce territoire en raison de son coût marginal très faible et de sa vitesse de développement. Grâce au financement de la banque mondiale, le projet compte encourager les promoteurs privés internationaux à s’implanter dans des économies plus petites et plus fragiles, par le biais d’appels d’offre.

Les acteurs privés sont incontournables dans le développement des énergies vertes en Afrique. Comme le montre le graphique ci-dessous, les sociétés de capital-investissement et capital-risque participent au développement de projets renouvelables. Seulement pour des raisons de gestion des risques et de rentabilité financière, ces sociétés commencent à se tourner vers des projets renouvelables décentralisés comme des mini-réseaux ou des installations solaires directement reliées aux consommateurs finaux et non au réseau. Ces technologies permettent un meilleur maillage territorial et un meilleur accès à l’énergie, sur un continent où 46% de la population n’avait toujours pas accès à l’électricité en 2019.

 

Tableau 1 Investissements africains dans les énergies renouvelables par des sociétés de capital-investissement et de capital-risque en millions de dollars (Source : Banque mondiale)

 

Des investissements dans le réseau électrique et dans des centrales électriques de transition pour sortir du charbon, sont également nécessaires pour construire la « croissance verte » dont l’Afrique appelle de ses vœux. L’agence internationale de l’énergie estime que pour ne pas excéder un réchauffement climatique de 1,5°C, il faudrait investir 2,8 mille milliards de dollars dans les pays en développement contre 770 milliards aujourd’hui. 

Pour autant, des projets existent et les organisations régionales africaines travaillent à la constitution de marchés régionaux de l’électricité. La West African Power Pool (WAPP) ou Système d’Échanges d’Énergie Électrique Ouest Africain (EEOA) a annoncé en juillet dernier la synchronisation des réseaux de douze pays ouest africains : Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Libéria, Mali, Mauritanie, Sénégal, Sierra Leone et Togo. Désormais, tous ces pays sont connectés à un réseau unique. D’ici la fin de l’année, l’EEOA prévoit de raccorder le Nigéria et le Niger à ces douze pays afin de former un marché régional de l’électricité unique. Une prouesse qui vaut la peine d’être soulignée dans une région où les récents bouleversements politiques viennent occulter les efforts d’intégration régionale et de développement.

 

Carte du Système d’Échanges d’Énergie Électrique Ouest Africain (EEOA) (Source: EEOA)

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