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Tête-à-tête avec Patrick Bruel, de la musique à l’entrepreneuriat

Patrick Bruel © Fred de Pontcharra

Mille vies, mille défis ! Patrick Bruel continue d’écrire sa singulière histoire d’artiste iconoclaste. Chanteur, acteur, joueur d’échecs et de poker de compétition, militant infatigable pour la paix, entrepreneur à succès, la star explore sa palette de talents sans jamais perdre de vue sa boussole. Dans cette interview intimiste, il se livre à Forbes sur son retour en chansons et ses nombreux projets dans l’entrepreneuriat.

 

Dans ce monde qui va trop vite, on ressent votre besoin d’extérioriser vos pensées dans ce dernier opus baptisé « Encore une fois ». Vous vous livrez beaucoup…

Patrick Bruel : Un album, c’est toujours la résultante d’une panoplie de sentiments à un moment donné de son existence. L’épisode du Covid a changé beaucoup de choses, la pandémie a été autant un frein qu’un accélérateur. Je suis quelqu’un qui a toujours eu besoin d’être en mouvement, j’ai donc pu me concentrer sur toutes ces idées que j’avais en tête, des pensées qui surgissent à tout moment : au réveil, au restaurant, lors d’une discussion… Mon album est connecté, il est rattrapé par les sujets de notre temps. J’ai toujours été sensible à ce qu’il se passait autour de moi.

Vous rendez un vibrant hommage à la profession d’instituteur, et à votre mère qui fut jadis enseignante. Ce métier est malmené, traversé par une crise des vocations. Etes-vous résigné ?

Les enseignants sont les premiers de cordées, ils nous donnent les premières clefs pour entrer dans le monde. A mes yeux, ce sont des héros. Il faut valoriser la fonction par le respect des parents, le respect des élèves et des institutions à leur égard. Être, aussi, plus pragmatiques au niveau des salaires, de la reconnaissance. Ces derniers mois, j’ai fait le tour de quelques écoles primaires de Bordeaux à Lille, quel bonheur ! A chaque fois, j’ai observé la même chose : l’implication de l’instituteur qui a la faculté d’individualiser chaque destin… J’ai été fils d’enseignant, je sais ce que sais. Ma mère corrigeait des copies le soir à la maison au détriment de sa vie de famille, elle voulait empêcher les enfants de décrocher.

Fort heureusement, ce sujet n’est aucunement balayé d’un revers de main par le gouvernement, nous sommes hélas dans une vague de crises bousculant tous les équilibres. On aurait envie dans un moment comme cela de voir tout le monde jouer ensemble.

Patrick Bruel © Fred de Pontcharra

 

La génération montante semble se désintéresser de la lecture. Comment leur donner le goût ? 

Étonnement, j’ai eu l’agréable surprise de voir beaucoup d’enfants récemment dans une foire aux livres. Ces jeunes lecteurs choisissaient de la littérature et pas seulement des BD. Quand je me rends dans une classe, mon propos n’est pas de leur faire des reproches, mais de leur expliquer qu’enfant j’ai été très ami avec un bouquin, que j’ai eu une grande émotion avec certains ouvrages.

Cette introspection, vous la poussez jusqu’à nous emmener dans le pays de votre enfance, l’Algérie. Une terre restée dans votre cœur et celui de votre mère. Racontez-nous ce voyage en forme de pèlerinage, mais aussi la suite de cette histoire.

Nous avons eu besoin de retourner sur la terre de notre naissance et de nos souvenirs. J’ai vécu ce retour à travers le prisme de l’émotion qui a submergé ma maman. Le premier lieu que nous avons visité fut l’école où elle a enseigné à Tlemcen. Nous avons été accueillis par les petits écoliers, leurs parents, les professeurs qui nous ont réservé une haie d’honneur car, à leurs yeux, c’était l’enfant du pays qui rentrait. Elle était une institutrice aimée, elle a recroisé d’anciens élèves, on a feuilleté les anciens registres où elle a pu voir ses écrits. C’était beau, émouvant, ce genre de moment qui n’appartient qu’à vous.

D’ailleurs, ce voyage dans un établissement scolaire algérien a été le point de départ de mon tour des écoles en France. Surtout, je me réjouis d’avoir érigé des passerelles avec l’Algérie car, depuis mon séjour, beaucoup m’ont fait part de leur envie d’y aller. Je prévois d’y retourner prochainement. C’était agréable de se sentir aimé, attendu et de s’entendre dire : « Bienvenue chez vous ! ».

Vous avez touché à tellement de domaines : la musique, le cinéma, le poker… S’il y avait qu’une seule passion à retenir ?

C’est difficile de se passer du contact avec le public, donc je dirais la scène. De tous « les jouets » qu’on m’a prêtés, c’est celui que j’aurais le plus de mal à abandonner. J’ai eu de la chance que mon énergie rencontre l’intérêt des gens, et plus vous donnez, plus vous recevez, c’est indéniable ! Il y a un renouvellement générationnel qui s’est opéré. On verra ce qu’il se passe pour ma tournée en 2024. Pour l’heure, je me réjouis de voir que les places partent bien.

Touche à tout, assurément ! Mais pas au prix d’avoir eu à écraser qui que ce soit dans ma carrière ou de jouer un autre personnage.

Patrick Bruel © Fred de Pontcharra

 

Avec le recul, comment regardez-vous la « Bruelmania » qui s’est emparée du pays ?

J’ai tellement eu peur de l’étiquette, peur d’être décrédibilisé en tant qu’artiste car je savais que je ne m’en remettrais pas. Avec le recul, cela m’a empêché de profiter pleinement de ce moment magique. Je n’aimais pas lire ces articles qui réduisaient ma relation avec mon jeune public à de l’hystérie, des cris, des sentiments à fleur de peau. Là, c’est le joueur d’échecs qui voit plusieurs coups d’avance qui craignait pour son image.

Ces dernières années, on vous connaît aussi pour votre sens de l’entrepreneuriat. On vous voit cette fois réussir dans l’épicurisme. 

Plus que faire du business, j’ai toujours aimé entreprendre ! L’aventure née du Domaine de Leos – dont la vocation première était d’être une maison de famille où s’enraciner – a commencé à prendre de l’ampleur sans jamais avoir eu de business plan au départ. J’ai acquis cette propriété en 2007 et l’ai baptisé en hommage à mes fils, Léon et Oscar. Sur les hauteurs de l’Isle-sur-la-Sorgue, posée dans le magnifique plateau de Margoye en Provence, cette maison abrite une oliveraie. Un arbre symbolisant la paix, la longévité, la persévérance. Tout ce que j’aime ! De fil en aiguille, j’ai commencé à confectionner ma propre huile d’olive, l’Huile H de Leos. 

Dans ce beau terroir, j’ai voulu élaborer un produit d’exception, et même de compétition ! C’est le joueur d’échecs et de poker en moi (rires) !

L’Huile H de Leos a décroché 59 médailles, dont 26 en or, dans les concours internationaux de New York à Paris en passant par Tel Aviv ou Shanghai. Il a fallu trois ans pour que je médiatise cette reconnaissance. Pour moi, il n’y avait pas lieu de valoriser mon nom avant le produit, c’est un non-sens ! Vous savez ce qui est le plus grand motif de satisfaction pour moi ? C’est que personne n’imaginait qui était derrière cette huile, que les concours se faisaient à l’aveugle.

Etait-ce la même démarche pour la production de rosé ?

Non, je me suis lancé cette fois le défi de faire monter le rosé à table. Je voulais casser l’image d’une boisson forcément associée à l’apéro, à nos moments à la pétanque. J’ai lancé un vaste projet autour du vin, après une première cuvée de vin rosé Augusta (le prénom de ma mère), un nouveau millésime 2022 de Rosé Leos a vu le jour suite à ma rencontre avec Nicolas Jaboulet (Maison & Domaines les Alexandrins), qui est animé comme moi par la passion des terroirs ! Nous avons eu envie d’aller plus loin ensemble dans la recherche d’un vin rosé d’excellence.

Notre objectif reste le même : créer des produits d’exception autour d’ingrédients exceptionnels, avec des projets porteurs de sens, qui visent l’excellence tout en favorisant un modèle de développement vertueux. Je voulais être crédible.

Moi, je n’ai pas envie de goûter le vin d’une célébrité ! Je veux, comme tous les clients, un produit noble, confectionné par des passionnés.

Patrick Bruel © Fred de Pontcharra

 

En revanche, on vous attendait moins dans les cosmétiques !

En fait, on s’est rendu compte que les feuilles d’olivier avaient de nombreuses vertus.  L’huile d’olive est largement utilisée dans les cosmétiques pour ses propriétés nourrissantes et c’était d’ailleurs l’un des premiers produits de beauté dans l’Antiquité ! Ainsi, les feuilles récoltées lors des coupes annuelles par les équipes du Domaine de Leos, ont été mises à sécher puis envoyées en laboratoire pour les transformer en extraits destinés aux soins. La culture préservée de l’oliveraie du Domaine de Leo confère une qualité unique aux extraits d’olivier qui sont au cœur des soins. J’en ai confié la supervision à Solène Gayet, ancienne de Dior et de L’Occitane, dont nous bénéficions de son inestimable savoir-faire. Ensemble, nous avons développé une ligne corps et visage.

Le lancement est encore récent. Nous sommes ravis de l’accueil et des commentaires enthousiastes !

Quels sont vos objectifs à moyen terme ?

Je veux consolider tous ces projets. Pour l’heure, nous sommes toujours dans la phase d’investissement et de développement. Je serai impitoyable sur la qualité et, s’agissant des vins, je suis prêt à ne pas sortir de cuvée si la récolte n’est pas bonne.

Cela ne vous a jamais intéressé d’adosser votre nom à des projets, plutôt que de créer des entreprises avec tout le risque que cela comprend ?

Dans tout ce que j’ai fait, j’ai toujours voulu partir de zéro comme l’aventure Winamax, devenu l’un des sites de poker et de paris sportifs les plus importants au monde. Oui, on m’a toujours fait de l’œil de partout, mais j’ai toujours eu ce besoin d’entreprendre, de me challenger. Mon prochain défi est d’inaugurer mon premier hôtel en Provence. Ce sera un cinq étoiles ancré dans ce territoire exceptionnel.

 

Pour aller plus loin :

Domaine de Leos

www.domainedeleos.com

  

<<< À lire également : « Le Couvent Des Minimes Hôtel & Spa L’Occitane, Un Sommet De Bien-Être

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