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Maya Noël, DG de France Digitale : « Si nous n’achetons pas nous-mêmes européen, personne ne le fera à notre place »

Maya Noël, DG de France DigitaleMaya Noël, DG de France Digitale

Nommée en 2021 directrice générale de France Digitale, le plus grand collectif de start-up et d’investisseurs en Europe, Maya Noël a accepté cet entretien sur Forbes France pour nous en dire plus sur sa vision de l’entrepreneuriat en France, soumis à un contexte persistant de multiples incertitudes. Elle demande davantage d’efforts de la part des grands groupes dans leur soutien des écosystèmes innovants.

 

Face au contexte inflationniste persistant, quels conseils donneriez-vous aux entrepreneurs et entrepreneuses en France ?

Maya Noël : Il est toujours compliqué de donner des conseils au vu du contexte et face à l’inflation, les start-up restent des entreprises comme les autres. Mais il est vrai que celles-ci prennent des risques, notamment pour financer leur R&D ou investir de nouveaux marchés. L’aide via des financeurs extérieurs – avec notamment de la dette ou du venture capital – est primordiale. 

Il n’y a donc pas de recette miracle et le contexte ne change rien à partir du moment où le produit, le besoin et le marché ont été clairement identifiés en amont. J’aimerais aussi préciser que ces incertitudes n’entament pas l’envie d’entreprendre et nous avons la chance d’avoir aujourd’hui un écosystème innovant structuré ; il n’y a jamais eu de meilleur moment pour se lancer.

 

Quand bien même, l’accès aux fonds en capital-risque n’a jamais été aussi sélectif…

M. N. : Il y a effectivement une forte diminution des levées globales en capital-risque mais la courbe reste toujours en progression si on s’intéresse aux 10 années précédentes. Néanmoins, certaines start-up ont été contraintes à un atterrissage forcé, notamment parce qu’elles avaient trop surestimé leur valorisation ou encore à cause d’une gestion de cash sans limites. Nous assistons à une crise des valeurs jugées déconnectées de la réalité économique et la courbe de rentabilité a dans ce cadre pris de l’importance. Les meilleurs fonds pour grandir restent ceux payés par les clients. 

Dans le même temps, nous avons récemment mené un baromètre annuel qui souligne que 60% du chiffre d’affaires des entreprises innovantes en France provient des grands groupes. Problème : ces acteurs ne jouent pas forcément le jeu et l’observatoire économique de la commande publique (OECP) peine d’ailleurs à obtenir des données qualifiées en ce sens. On a encore du mal identifier le pourcentage de start-up françaises dans les carnets d’adresse des grands groupes. 

Nous défendons à ce titre l’idée d’un « Buy European Tech Act » qui offrirait une préférence européenne dans les appels d’offres car si nous n’achetons pas nous-mêmes européen, personne ne le fera à notre place.

 

Récemment, le député Paul Midy est parvenu à faire accepter au nouveau budget une niche fiscale spéciale pour l’investissement dans les start-up… Êtes-vous favorable à ce type de mesure ?

M. N. : L’incitation fiscale est toujours un bon levier de décision car cela motive à prendre plus de risques. Mais il faut aussi – culturellement parlant – défendre cette vision et sensibiliser l’écosystème dans la nécessité de soutenir l’innovation. Notre rôle est justement de mettre en valeur ces alternatives aux grands groupes. Un DSI (Direction des systèmes d’information) il y a 15 ans en arrière n’avait pas trop le choix que de s’équiper de solutions digitales américaines ou asiatiques mais cette excuse n’est plus valable aujourd’hui.

Il faut aussi œuvrer pour une meilleure uniformisation du marché européen car la France ne  peut pas réussir toute seule à faire émerger des champions technologiques mondiaux. À l’approche des élections européennes, nous avons également publié un manifeste qui prône cette même idée : il est temps pour l’Europe de ne pas être seulement un régulateur mais aussi un producteur d’innovation globale qui nous permettra de préserver notre compétitivité et réaliser une transition économique durable.

 

On voit un recours aux fonds de Corporate Venture (gérés par des grands groupes) de plus en plus fréquent chez les start-up… est-ce une voie à encourager ?

M. N. : La démultiplication des CVC en France est très intéressante pour compléter des financements classiques en venture capital. C’est aussi une bonne manière pour mettre un pied dans une chaîne de valeurs globale, mais cela peut aussi en contrepartie effrayer des clients à cause de cet adossement. 

Si les grands groupes – surtout dans notre propre réseau – font preuve de bonne foi, il faut aussi rappeler que les start-up ont besoin aussi de clients ou de commandes publiques. Donner plus d’argent est une très bonne chose mais si le portefeuille de clients de la start-up ne suit pas, son modèle d’affaires ne sera logiquement pas viable. 

 

L’IA générative a-t-elle volé la vedette aux projets plus classiques en SaaS ?

M. N. : Je pense que la logique de plateformisation et d’intermédiation est toujours importante dans certaines niches mais cela reste un marché très concurrentiel. En résumé, le SaaS est toujours porteur mais fait l’objet de moins de prises de risques que dans le passé. Ces risques se prennent désormais sur de nouvelles tendances comme l’IA générative ou la cybersécurité et sur toutes les innovations qui apportent des services à la société comme en matière d’environnement avec les cleantech ou encore en progrès scientifique avec la deeptech et la spacetech.

 


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