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Quels enseignements tirer de la faillite de First Republic Bank ?

First Republic Bank

Après Silicon Valley Bank et Signature Bank en mars dernier, la faillite de First Republic Bank vient d’être prononcée, ouvrant la voie à la reprise de ses dépôts et de l’essentiel de ses actifs par JP Morgan. La panique des déposants, qui avait provoqué, deux mois plus tôt, les premières chutes de banques régionales pouvait-elle être évitée et surtout, quels enseignements peut-on désormais tirer de la faillite de First Republic Bank ?

First Republic Bank a été créée en 1985. Elle est reprise par Merrill Lynch en 2007 puis par Bank of America en 2010 avant d’être introduite en bourse. Elle est positionnée sur la clientèle patrimoniale à laquelle elle accorde des crédits et des prêts immobiliers à des taux préférentiels. Aux Etats-Unis la garantie des dépôts est plafonnée à $250.000. 68% des dépôts de ses clients très fortunés dépassent aisément ce seuil et ne sont donc pas assurés par le FDIC (ou Federal Deposit Insurance Corporation) qui est l’organisme américain de garantie des dépôts.

Le gouvernement fédéral a une double contrainte : il doit d’abord éviter de réitérer l’erreur faite en 2008 en ne recherchant pas de solution à la faillite de Lehman Brothers, au détriment des créanciers, à commencer par les déposants, et qui fut à l’origine d’une crise financière puis d’une crise économique mondiale sans précédent depuis 1929. Il doit ensuite éviter un sauvetage à la charge du contribuable qui provoquerait l’ire des Républicains. La méthode appliquée par la Secrétaire d’Etat au Trésor, Janet Yellen, au moment de la faillite de SVB est claire : mise de la banque sous tutelle du FDIC avant sa liquidation qui passe par la cession des dépôts et des actifs à un acteur privé. Pour SVB, c’est une autre banque régionale américaine, First Citizens, qui évite le remake d’un scénario à la Lehman Brothers. La totalité des dépôts des clients de SVB sont ainsi sauvés.

Compte tenu de l’inquiétude qui gagne les clients et les investisseurs, 11 grandes banques américaines, à l’initiative de JP Morgan, déposent $30 milliards de dollars chez First Republic Bank en mars dernier. Une telle démarche devait éviter une nouvelle hémorragie des dépôts. Malgré cela, le rapport financier trimestriel de First Republic Bank, publié la semaine dernière, fait état d’une baisse des dépôts de $70 milliards. Les clients ont donc récupéré $100 milliards de dépôts qui constituaient une ressource financière quasiment gratuite pour la banque. La situation n’est dès lors plus viable car First Republic Bank a alors dû remplacer des dépôts par des crédits dont le coût s’est envolé avec la hausse des taux. Ainsi, le rendement de ses fonds propres (ROE), inférieur à 7%, est nettement plus bas que leur coût qui dépasse 12%.

Le marché anticipe alors un scénario identique à celui de SVB. Ainsi, sa capitalisation boursière qui avait atteint $40 milliards en novembre 2021, est ramenée en deçà de $0,6 milliard en séance vendredi. Et c’est, cette fois-ci, JP Morgan qui reprend les dépôts et les actifs de First Republic Bank.

La principale cause des faillites bancaires est connue : les retraits massifs de dépôts par les clients. Ces derniers veulent, en effet, profiter de la hausse des taux qui permet des placements financiers plus rémunérateurs ; en outre, ils craignent de perdre leurs dépôts non assurés par le FDIC.

On avait reproché à Lehman d’avoir investi dans des produits de titrisation : les CDO (ou Colleteral Debt Obligations) à l’actif de son bilan, finançaient des rachats de crédits subprime, c’est-à-dire des encours dont la solvabilité des emprunteurs n’était pas de premier plan. La donne est aujourd’hui différente : le cash provenant des dépôts des banques régionales telles que SVB, Signature Bank ou First Republic Bank a été investi en obligations souveraines (Treasury Bonds ou T-Bonds), parfois à long terme alors que les dépôts sont exigibles à tout moment. La hausse des taux orchestrée par la FED s’est mécaniquement traduite par la baisse de la valeur des T-Bonds. Ces titres ne présentent quasiment aucun risque de crédit mais ils exposent son propriétaire au risque de taux : s’il peut attendre l’échéance, il récupère la valeur nominale des obligations ; en revanche, s’il doit faire face à des besoins imprévus de liquidité, il les revend au prix de marché qui aura d’autant plus baissé que les taux auront augmenté. Et cette baisse est d’autant plus importante que l’échéance est lointaine.

Les pertes constatées par SVB, au moment de la revente massive de T-Bonds pour permettre aux déposants de récupérer leurs fonds, a ainsi conduit à d’importantes moins-values. La hausse des taux et la baisse corrélative de la valeur des obligations n’est pas récente puisqu’elle a été initiée par le Président de la FED, Jerome Powell, en mars 2022. Cette baisse de valeur ne donne toutefois pas lieu à dépréciation dans les comptes lorsque l’investisseur pense conserver ces titres jusqu’à l’échéance. En France, ces obligations sont alors classées au bilan sous la rubrique des « titres au coût amorti ». Leur couverture par des instruments financiers n’est d’ailleurs théoriquement pas nécessaire : en effet, la baisse de leur valeur de marché induite par la hausse des taux est compensée par la hausse de la marge sur les dépôts non rémunérés. Ceci suppose juste que ces dépôts ne soient pas retirés par les clients.

Le classement de ces obligations dans les « actifs financiers à la juste valeur » aurait certes permis d’anticiper les moins-values. Cela se serait néanmoins traduit par une dégradation de la situation prudentielle des banques et, de facto, de leur rating. Le renchérissement de leurs conditions de financement, répercuté aux clients, aurait probablement contribué à fragiliser ces derniers, entraînant une augmentation du coût de risque des banques, accélérant ainsi la dégradation de leur solvabilité.

Le bank run, c’est-à-dire ruée des clients dans les agences de SVB puis de First Republic Bank pour récupérer leurs dépôts, rendait leur chute inéluctable. Les mesures systématiquement prises par le gouvernement fédéral, en lien avec la FED, n’ont pas évité les faillites de banques mais ont permis d’écarter toute crise financière.

 

Olivier Levyne enseigne la Finance à HEC Paris

 

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