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Loi PACTE Et Propriété Industrielle : Comment Rendre Le Brevet Français Plus Attractif ?

Loi PACTEPar Getty Images

Le projet de loi PACTE est actuellement en cours d’examen par le Sénat et s’attelle entre autres choses à la protection des inventions et à la question de la faible attractivité du brevet français, par rapport au brevet européen. L’article 42bis qui proposait d’en durcir les conditions d’obtention, uniquement pour des inventions inventives, pour en faire un brevet « fort », à coût raisonnable a d’ores et déjà été rejeté par les sénateurs le 5 février 2019.

Depuis 10 ans, malgré un important travail de communication de l’INPI, tant sur le terrain que dans le monde digital, le nombre de brevets français stagne autour de 17 000 brevets déposés par an, alors que le nombre de brevets déposés a été multiplié par 6 en Chine (qui veut passer du « made in China au « created in China ») et a augmenté de 70% au niveau mondial.

Brevet français : un brevet faible

Lors des discussions sur la Loi Pacte, il a été soulevé que cette stagnation du nombre de brevets déposés en France serait dû à sa « délivrance quasi-automatique », qu’il s’agirait, aux yeux des initiés, de brevets « faibles », en opposition à un brevet Européen « fort ». Pourquoi cette distinction et est-ce vraiment le cas ?

Aujourd’hui, pour obtenir un brevet sur une invention en Europe, celle-ci doit répondre aux critères de nouveauté stricte et d’activité inventive. Le respect de ces critères est vérifié par un Examinateur de l’Office Européen des Brevets (OEB), qui délivre ou rejette le brevet après un examen poussé pouvant générer plusieurs années d’échanges avec le Conseil en Propriété Industrielle du breveté. En France, si la demande de brevet est bien déposée à l’INPI, c’est en fait à l’OEB que sera sous-traitée l’opinion sur la nouveauté et l’activité inventive de l’invention. Et si, de fait, les mêmes objections seront faites sur un brevet, qu’il soit déposé en France ou en Europe, une subtilité des textes de loi française permet au demandeur du brevet de ne répondre qu’aux seules objections de nouveauté pour obtenir la délivrance du brevet français. Souvent une promenade de santé pour un Conseil en Propriété Industrielle chevronné qui n’a pas besoin de s’atteler à l’activité inventive et la subjectivité de la non-évidence d’une invention. Et donc au final un brevet français délivré sans distinction, qu’il soit inventif ou pas, offrant peu de garantie aux investisseurs qui parient sur les sociétés qui les détiennent.

L’activité inventive, fossoyeur des futurs brevets français ?

Le projet de loi PACTE du 9 octobre 2018 proposait d’ajouter pour le demandeur du brevet l’obligation de répondre aux objections d’activité inventive… une véritable hécatombe en perspective pour les brevetés français qui avaient l’habitude de déposer des brevets sur de petits perfectionnements, souvent comme un outil marketing tant pour s’identifier comme innovant auprès des consommateurs que pour dissuader des compétiteurs de s’approcher trop près de leur technologie. En Europe c’est environ la moitié des demandes de brevets déposées qui sont rejetées contre 25% en France. Avec les mêmes critères, on pourrait donc s’attendre à des chiffres comparables en France dans quelques années si ce système était mis en place. C’est une des nombreuses raisons qui ont conduit les sénateurs à voter contre cette proposition et l’article 42bis qui avait pourtant le soutien de l’INPI et des professionnels du secteur. Retour donc à la case assemblée nationale.

Pourtant pour ces brevetés, en recherche d’un outil marketing, et leurs inventions à faible inventivité, avec une procédure d’examen du brevet durant en moyenne 3 à 5 ans, un cynique changement de l’appellation « produit breveté », en « brevet déposé » ferait l’affaire et un efficace tigre de papier pendant quelques années, en attendant le rejet ! Il conviendra certainement d’éduquer le consommateur à faire la différence, comme il est capable de faire la différence entre un permis de construire déposé en mairie et un permis de construire délivré. L’article 40 adopté par les Sénateurs met aussi l’accent, pour ce type d’inventions peu inventives, sur la promotion du certificat d’utilité, analogue du brevet mais sur lequel aucun examen d’activité inventive, ni même de nouveauté n’a été fait. Mais il faut bien avouer qu’il faudra à l’INPI consacrer un budget communication important pour promouvoir l’appellation « certificat d’utilité déposé » comme une alternative crédible au « brevet déposé » !

Le futur brevet français fort : la nécessité du coût raisonnable

Pour les déposants de brevets avec des inventions à fort potentiel, peu évidentes au regard de ce qui existait sur le marché, la question se posera en ces termes : quitte à devoir répondre aux mêmes objections de nouveauté ET d’activité inventive (émises par l’INPI mais sous-traitées à l’OEB), pourquoi ne pas déposer directement le brevet en Europe ?

2447€ – C’est la différence entre les taxes pour le dépôt d’un brevet français et d’un brevet européen, permettant d’obtenir la même opinion avant de se décider à étendre le brevet à l’international. Ainsi, le principal argument pour le brevet français sera le prix (des taxes), quand le brevet européen permet une couverture géographique sans comparaison. Que ces taxes soient augmentées par l’INPI, afin de financer le temps consacré par ses examinateurs à l’examen de ce nouveau critère d’activité inventive, et c’est tout le système des brevets français qui pourrait se gripper, en faveur du brevet européen, dont l’Office Européen devrait d’ailleurs prochainement baisser le montant des taxes.

Alors que partout dans le monde on observe un nombre croissant de brevets déposés, la France ne décolle pas. La faute à un système qui a choisi de délivrer des brevets français sur des inventions même clairement non inventives, au contraire de l’Office européen, qui se targue de proposer un des meilleur (et des plus difficile) examen au monde ? Le projet de loi Pacte proposait une solution ambitieuse : ajouter le critère d’activité inventive pour l’obtention des brevets français, et faisait le pari d’une attractivité de ce nouveau brevet français, plus dur à obtenir, grâce à un prix plus attractif que le brevet européen. Cette proposition a été refusée par les sénateurs sensibles aux risques pour les petits déposants français, au détriment de la crédibilité du brevet français sur la scène internationale. Retour de la copie aux députés.

 

Par Magali Touroude Pereira – Conseil en Propriété Industrielle, fondatrice de Touroude & Associates et YesMyPatent.com

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