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Les conséquences de la COVID-19 sur les négociations entre vendeurs et acheteurs

COVID-19Photo credit: CreditDebitPro on Visualhunt.com (CC BY 2.0)

Par Rachid Chetouane Professeur Associé au département Marketing, expert en comportement vendeur à Grenoble École de Management &  Yannick Chatelain Professeur Associé/ GEMInsights Content Manager à Grenoble École de management.

 

Une pandémie mondiale sanitaire… et comportementale  :

C’est un euphémisme que de dire que la pandémie a profondément modifié les habitudes des consommateurs ainsi que l’organisation du travail dans les entreprises. Les équilibres offre-demande ainsi que les relations vendeur-acheteur s’en sont trouvés considérablement modifiés. Les Confinements successifs – à géométrie variable – ont induit de nombreuses contraintes, impliquant de nombreuses évolutions dans les relations commerciales, au niveau national et international, pour n’en citer que quelques-unes :

  • Fermeture ou limitation d’accès aux lieux de vente,
  • Déplacements limités des clients et des vendeurs,
  • Limitation voire interdiction des événementiels,
  • Fermeture des frontières,
  • Perturbation de l’organisation du travail donc de la production,
  • Distinction entre produits essentiels et non essentiels.

Face à de multiples contraintes, évolutives, parfois contradictoires dans des temps extrêmement réduits,  dans une dynamique de survie,  les structures qui le pouvaient – en termes d’activité –  ont accéléré leur transformation digitale, nous avons pu dès lors assister ici et là, sans pour autant être exhaustifs à une accélération  :

  • De la virtualisation des offres, de l’usage de la réalité virtuelle
  • Du tracking augmenté des clients sur internet,
  • Des vidéoconférences
  • À la Relocalisation de certaines productions,
  • Au changement dans les modes de transport,
  • À un Télétravail augmenté…
  • À un développement du click and collect.
  • À l’élargissement des offres sur les places de marché… Etc.

Dans ce contexte  les vendeurs en B2B ont été placés dans une situation inédite et particulièrement déstabilisante.  

Un acheteur en position de force : quel vendeur pour l’après-crise ? 

Si les lignes de fuites évoquées ont pu être mises en œuvre – toute ou pour partie – par de nombreuses structures, et ce dans de nombreux secteurs pour « limiter la casse » et envisager – le temps que passe la tempête – des lendemains prometteurs en se dotant ipso facto de nouvelles compétences et possibilités d’interactions avec leur clientèle,   il est notable que ces approches agiles en mesure de minimiser l’impact de la crise sur les activités n’ont pas pu être mises en place de façon équitable : la capacité (possibilité) à s’adapter n’ayant pas été la même  selon les secteurs. Si certains secteurs ont été sinistrés et maintenus à flot à grand renfort d’aide de l’état, si d’autres on pu (du) accélérer leur transformation digitale, si certains sont sortis grand gagnant de cette crise à l’instar des pure players en produits dématérialisés : service en ligne comme NETFLIX… il est notable que les relations vendeurs-acheteurs aient été profondément modifiées.

Il est de plus en plus facile d’acheter en ligne, alors pourquoi se déplacer ?

Dès lors que l’acheteur peut configurer et chiffrer le produit ou service acheté sans rencontrer un vendeur.  À savoir ajuster le prix, donner des garanties supplémentaires, mettre en évidence les faiblesses de la concurrence. Quel est alors le rôle du vendeur, dans ce « Nouveau Monde » sous covid et menaces de variants, qui peut potentiellement devenir pérenne.  Dans une crise qui perdure l’acheteur a, semble-t-il et de prime abord moins besoin du vendeur, et ce pour de multiples raisons  :

  • Le travail à distance,
  • La montée en puissance des places de marché,
  • La multiplication des comparateurs
  • La réalité virtuelle permet de voir et même tester les produits à distance (ventes d’automobiles, d’appartements, etc.).
  • Grâce aux progrès de la vidéoconférence, les négociations peuvent se faire à distance dans des conditions presque aussi confortables que le face-à-face.
  • Certains métiers de la vente vont se transformer voire disparaître comme les agences de voyages, les distributeurs automobiles, les librairies, les cinémas
  • enfin l’IA et le traitement des Big Data réduiront le travail du vendeur ce qui reste essentiellement humain c’est-à-dire les relations interpersonnelles et le lobbying.

Toutefois si cette crise pousse tous les acteurs de la vente à revoir en profondeur leur métier, en intégrant le digital comme « acteur » à part entière de la vente. Il n’en demeure pas moins que la proximité et l’humain demeure toujours à même de faire la différence.  Pour se faire le vendeur se doit intégrer et se familiariser avec les biais induits pas la « technologisation » de sa profession. La problématique du distanciel est que l’on ne voit pas nécessairement l’interlocuteur, il s’avère de fait plus difficile d’analyser son comportement, ses réactions, de créer une relation de confiance.  Même dans le cadre d’une visioconférence l’analyse de la communication non verbale demeure extrêmement complexe. Si l’on considère que dans le cadre d’une négociation, le non verbal représente 80% de l’échange, ce pourcentage illustre la problématique de la négociation à distance, et ce même en visioconférence ! Le langage tient désormais une place prépondérante dans la négociation. Il est donc indispensable de développer ses capacités d’écoute,  porter une attention particulière aux mots employés, à l’intonation, au débit qui sont les seuls indicateurs du ressenti de notre interlocuteur. Ils nous renseignent sur son intérêt ou au contraire sur son manque d’intérêt. Il faut persister également à envoyer des échantillons pour faire tester les produits. Il est important que le client puisse manipuler, tester les fonctionnalités. Cela permet de le rassurer, de vérifier si la qualité est conforme à ses attentes. Il faut donc anticiper et envoyer les échantillons en avance tout en tenant compte des délais d’envoi et de négociation. 

 Des vendeurs d’hier aux « Bizmarketeurs » de demain !

À l’aune de nos observations, nous pouvons d’ores et déjà proposer aux vendeurs quelques pistes à suivre et à mettre en œuvre dans le cadre de ce métier « augmenté » :  

  • Privilégier le virtuel dans les négociations préliminaires : téléphone (1er temps) et Skype/TEAMS (2ème temps)
  • Nécessité (si possible) d’envoyer du matériel/simulateur/… Pour juger la qualité du produit.
  • Si rencontre pour la signature du contrat : Instauration systématique des gestes barrières et protection sanitaire.  
  • Opération de négociation à distance de type enchère si supérieure à 2 clients : « Ask and Bid » ou le Bid-Offer.
  • Envoi des documents/contrats par recommandé et accusé de réception.

Tout en intégrant les possible biais relationnels déjà évoquées :

  • Limite du verbale et du non verbale, pas de langage corporel, seulement une analyse du langage/tonalité de la voix
  • Moins d’émotionnels : de sentiments, d’opportunité de création d’un lien de confiance.
  • Problèmes technologiques/réseau qui peuvent casser le rythme de la négociation.
  • Pas de maitrise du lieu de négociation. (Température, rigidité de la chaise, luminosité…)

Pour conclure, si la pandémie et les diverses décisions des gouvernements de ce monde ont imposé aux entreprises une très grande agilité. Si cette conjoncture a « forcée » leur capacité à se réinventer dans l’urgence et à accélérer – pour celles qui le pouvaient –  leur transformation numérique, cela ne s’est pas fait sans certains sacrifices. Le prix à payer pour conserver – voire améliorer – leur compétitivité est demeuré extrêmement élevé  : outre les acquisitions technologiques nécessaires, l’impact sur l’humain n’a pas été négligeable …  tant s’en faut ! Toutefois, et c’est là, la lumière qu’il faut suivre dans la tourmente, de nombreuses entreprises ont parfaitement réussi cette transition en s’appuyant -entre autres- sur des outils de travail collaboratif du marché comme Microsoft Teams, Zoom, WEBEX…  etc. concomitamment à l’indispensable et rapide formation de leurs salariés.

Dans ce contexte particulier et extrême, des vendeurs du plus haut niveau ont pu et su s’adapter ! Pour ceux qui en douteraient, par-delà la crise traversée le métier de vendeur a encore un très grand et très bel avenir, ce dernier nécessite comme nous le suggérons une adaptation aux nouvelles technologies ainsi qu’aux nouveaux business models des entreprises en B2B.  Les profils de « Bizmarketeurs » qui ont émergé  (Business et Marketing) » seront sans conteste des profils de vendeurs indispensables et très recherchés pour rester compétitifs dans un contexte de mondialisation traditionnellement en perpétuel mouvement et conjoncturellement dans une incertitude de leur environnement augmentée …

« Lorsque je me prépare à discuter avec quelqu’un, je consacre un tiers du temps à penser à ce que je vais dire et deux tiers du temps à penser à ce que l’autre va me dire.»

Abraham Lincoln

 

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