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L’entreprise face au défi de la curiosité

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Edward Jenner. C’est à ce biologiste anglais du 19è siècle que nous devons notre dispositif le plus efficace dans la lutte contre l’épidémie de Coronavirus.

 

En effet, c’est lui qui découvrit le premier vaccin de l’histoire, en observant que les personnes qui ne contractaient jamais la variole étaient les trayeuses de lait ayant été exposées à la vaccine, une maladie des pis de la vache. Cela lui donna l’idée d’inoculer la vaccine à ses patients : le vaccin contre la variole était né… à partir d’un processus proche de la sérendipité ! 

Cette notion s’est popularisée ces dernières années et est généralement réduite à l’idée de découverte hasardeuse. A tort. Comme l’indique le cas du « Père de l’immunologie », la sérendipité est davantage une récompense de la curiosité que la conséquence d’un heureux hasard. Jenner découvrit par hasard la piste de la vaccine mais fut suffisamment curieux pour la suivre au point d’aboutir à une parade contre la variole.

 

Les fondamentaux de la curiosité

Tantôt présentée, dans la culture populaire, comme un défaut ou une marque d’immaturité, la curiosité est à l’évidence l’exact contraire. Son étymologie renvoie au souci, au fait d’« avoir cure ». Autrement dit, être curieux c’est prendre le soin d’être attentif. C’est d’ailleurs, comme le révélait une étude mondiale menée par LinkedIn, une compétence de plus en plus recherchée par les employeurs pour relever certains des plus grands défis auxquels leurs organisations sont confrontées aujourd’hui.

Et pour cause ! Dans le monde de l’entreprise, être curieux c’est savoir sortir de sa zone de confort, additionner les compétences, démultiplier les potentialités, et les opportunités de création de valeur, en offrant aux organisations une forte expertise d’un ou de plusieurs domaines, couplée à des qualités et aptitudes transverses. C’est aussi avoir un appétit équilibré tant pour les humanités que pour les sciences et les technologies. Des capacités concrètes en termes de questionnement, de veille, de communication, de négociation, d’écoute, de diplomatie, d’analyse, de synthèse, etc.

Des qualités personnelles en matière de diversité, de créativité, d’agilité, d’adaptabilité, de flexibilité… Bref, des aptitudes qui ne s’enseignent pas toujours mais qui s’acquièrent, parfois par nécessité, mais le plus souvent par envie.

 

Ces profils, pourtant en phase avec les exigences des entreprises du futur, qui se construisent au rythme de la trop rapide transformation numérique et de la trop lente transition énergétique, sont encore rares dans les organisations encore largement dominées par des structures en silos, où, de surcroît, l’évolution des experts ne peut se concevoir en dehors des rôles de management.

Il ne s’agit pourtant pas tant de rechercher ou d’essayer de fabriquer des moutons à cinq pattes que de faciliter et de valoriser l’émergence de telles aptitudes au sein des organisations et de nos institutions. Et d’admettre que cela peut se stimuler, à défaut de s’enseigner, au cœur même de notre système d’éducation. Encore faut-il le vouloir.

 

Mouloud Dey

Entreprise et curiosité : le malentendu

Ce rapport complexe n’est pas l’apanage de notre société moderne et technicienne. Il plonge ses racines au XVème siècle durant la Renaissance. Une époque où on pouvait être à la fois artiste et mathématicien, philosophe et médecin, alchimiste et astronome. Une période de progrès et d’humanisme où les frontières entre les disciplines n’étaient pas aussi marquées qu’aujourd’hui. Avec, à la clé, un vaste cortège de découvertes artistiques, culturelles, technologiques, scientifiques et géographiques qui marquent la fin de ce que certains appelaient l’âge sombre. 

Des découvertes marquées aussi par la curiosité de trop rares individus érudits souvent confrontés à la rigidité des institutions politiques ou religieuses qui les invitaient plus ou moins fermement à réfréner leurs appétits et à ne pas ouvrir la boîte de Pandore.  Ces inquisitions, ces inhibitions face à la curiosité restent encore très profondément ancrées dans nos inconscients collectifs et expliquent peut-être les freins organisationnels et institutionnels rencontrés par les profils atypiques et curieux. Arrêtons-nous sur deux dimensions de la curiosité, souvent mal appréciées.

 

La curiosité est synonyme de plaisir : plaisir de la découverte, plaisir d’apprendre, de s’informer, plaisir de se développer, de se cultiver, d’aller vers l’autre… Autant de qualités en apparence indispensables, pourtant, le plus souvent sacrifiées sur l’autel de la productivité.  La réconciliation du travail et du plaisir reste suspecte dans de nombreuses organisations en dépit des annonces de certains DRH et autres Chief Happiness Officers.  

La curiosité c’est aussi le goût du risque doublé d’une endurance, caractérisée par une soif de connaissances inextinguible qui ne s’arrête pas face à l’inconnu ou à l’inexpliqué.  La curiosité ne fait donc clairement pas bon ménage avec l’inertie qui domine certaines structures organisationnelles ou institutionnelles. Ce qui pourrait apparaitre comme des qualités précieuses pour des leaders inspirés devient intolérable pour des décideurs sans ambitions qui peuvent très vite se retrouver dépassés. forbes.fr

 

La curiosité, valeur phare

Un minuscule virus nous a cruellement rappelé à quel point notre société est devenue complexe, fragile, anxiogène, incompréhensible et soumise à des ruptures inopinées. 

Si l’épidémie a réinstauré quelques pratiques sanitaires qu’on pensait réservées à l’âge sombre, il est peut-être temps d’insuffler l’idée d’une nouvelle renaissance, mêlant humanisme et curiosité, dans nos pratiques organisationnelles et institutionnelles. Pour réimaginer notre futur, le redessiner, le réinventer en étant, tour à tour, artiste et ingénieur, philosophe et mathématicien, psychologue et architecte, historien et physicien. Et, plus que tout, remettre l’innovation au service du progrès.

 

Par Mouloud Dey, Directeur de l’innovation de SAS

 

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