Rechercher

L’assurance face à la crise du Covid

Les compagnies d’assurance étaient-elles mieux armées, en 2020, face à la pandémie de Covid 19, que les banques, en 2008, face à la crise de liquidité ? 

Conséquence des subprimes, la crise financière de 2008, marquée par la faillite de Lehman Brothers, est une crise bancaire. Sous l’impulsion des gouvernements de l’époque, les fonds propres des banques européennes ont été renforcés pour garantir leur solvabilité. En outre, le Comité de Bâle a proposé, fin 2010, une nouvelle réglementation bancaire, connue sous le nom des accords de Bâle 3. Par rapport à l’environnement prudentiel précédent, dit Bâle 2, les 2 principales nouveautés sont la focalisation sur le Core Equity Tier 1 (CET1) et l’apparition de ratios de liquidité. Le CET1 correspond aux « vrais » fonds propres, ce qui exclut toute prise en compte de dette, quelle qu’en soit la maturité et le degré de subordination. En outre, comme toujours, les fonds propres prudentiels sont déterminés à partir des capitaux propres comptables réduits notamment des actifs incorporels et des goodwills.


La crise du Covid est une crise sanitaire. On aurait pu craindre une crise de l’assurance provoquée par une forte hausse des demandes d’indemnisations affectant notamment sa branche santé. Cela n’a heureusement pas été le cas. Certes, les profits des compagnies d’assurance ont souvent été détériorés en 2020, mais c’est d’abord la dégradation des valorisations sur les marchés qui en est la cause.

L’assurance a financé l’économie française à hauteur de plus de 2600 milliards d’euros en 2020

Les compagnies d’assurance sont des investisseurs de premier plan compte tenu de l’inversion de leur cycle de production. Dans la plupart des autres secteurs, l’entreprise est payée soit au moment de la vente d’un produit ou d’un service, soit ultérieurement lorsqu’elle accorde un délai de paiement à ses clients. A l’inverse, la compagnie d’assurance perçoit immédiatement le prix de la police d’assurance, la prime, et rend un service à l’assuré, le versement d’une indemnisation, si ce dernier est victime d’un sinistre. Dès la perception de la prime, la compagnie d’assurance détermine, sur des bases statistiques, les dépenses auxquelles elle devrait faire face en cas de demande d’indemnisation par l’assuré. Elle comptabilise alors une provision technique. Cela réduit son résultat net, donc sa capacité à distribuer des dividendes. Mais le cash correspondant aux primes perçues est là et est investi dans différentes classes d’actifs. Ainsi, selon la Fédération Française de l’Assurance (FFA) l’assurance a financé l’économie française à hauteur de plus de 2600 milliards d’euros en 2020, dont 1600 milliards étaient investis dans les entreprises ; le solde est, pour l’essentiel, investi en titres souverains.
Une crise boursière, comme celle subie lors du confinement du printemps 2020, conduit alors les compagnies d’assurance à provisionner les titres cotés dans lesquels elles ont investi. Et, malgré une remontée à partir du mois de novembre dernier, les niveaux de valorisation de fin d’année 2020 restaient inférieurs à ceux du début d’année. Dans ce contexte, la collecte de primes en assurance vie s’est contractée, les ménages privilégiant les comptes sur livret, tandis que les prestations sont restées stables. Par ailleurs, le ralentissement de l’activité économique conjugué aux actions des banques centrales ont ramené les taux d’intérêt sans risque à des niveaux historiquement bas ce qui a eu 2 effets négatifs pour les compagnies d’assurance : d’une part des réinvestissements dans des titres à court terme proposant des rendements réduits, d’autre part une baisse du taux retenu pour actualiser les flux de dépenses d’indemnisations futures ce qui conduit à augmenter les dotations aux provisions techniques, donc à diminuer leurs profits.

Finalement, la solvabilité des compagnies d’assurance s’est légèrement dégradée mais est restée à des niveaux très confortables avant même que les marchés repartent à la hausse en 2021. La réglementation prudentielle, dite Solvabilité 2, qui s’applique aux compagnies d’assurance, prévoit que ces dernières doivent disposer d’un niveau de fonds propres au moins égal aux pertes qui seraient enregistrées en cas de « chocs » : ces chocs vont au-delà des risques qui ont donné lieu à la constitution des provisions techniques. Ainsi, en est-il des risques pris par la souscription de polices d’assurance mais aussi des risques de perte de valeur des titres participation. A titre illustratif, le choc induit par une pandémie est également pris en compte : il intègre les dépenses d’hospitalisation, de consultation médicale et de traitement de la maladie. Dit autrement, le risque de pandémie était déjà couvert par des fonds propres prudentiels. En outre, comme la gestion des compagnies d’assurance françaises avait porté leurs ratios de solvabilité entre 260% et 270% en 2019, la dégradation notamment liée à la tenue des marchés financiers en 2020 a ramené ces ratios à des niveaux de 225% à 265%, quand le minimum réglementaire est seulement de 100%. Les organes de contrôle prudentiel de nombreux pays européens ont incité les compagnies d’assurance à éviter de distribuer des dividendes en 2020 au titre de 2019 pour préserver leurs fonds propres. Mais aucune mesure du type de celles imposées aux banques à partir de 2008 ne s’est révélée nécessaire. L’environnement Solvabilité 2 est donc robuste.

 

 

<<< À lire également : Alan : L’assurance santé 2.0 lève 185 millions d’euros >>>

Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook

Newsletter quotidienne Forbes

Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.

Abonnez-vous au magazine papier

et découvrez chaque trimestre :

1 an, 4 numéros : 30 € TTC au lieu de 36 € TTC