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La 5G en France des promesses encore à tenir 

5G

Dans le déploiement de la 5G, la France rattrape son retard. Car la couverture du territoire en 4G et 4G+ a été élargie. Les quatre opérateurs s’y étaient engagés. Pourtant, l’avènement des très hauts débits radio fait des impatients. Les réseaux privés 5G « industriels » se mettent en place. Ils seront hybrides en s’appuyant sur des opérateurs télécom à la fois « publics » et privés.

Au premier trimestre 2022, pas moins de 37 917 antennes 5G ont été commercialisées en France sur la bande de fréquences de 3,6 GHz, atteste l’Arcep, régulateur des télécoms. Une hausse de + 9,68 % par rapport à décembre 2021. Pourtant, la commercialisation des cartes SIM 5G a ralenti par rapport au début de 2021. Le taux de pénétration n’était que de 2 %.

« Il faudra encore plusieurs années avant de voir apparaître la “vraie 5G” qui délivrera tous ces nouveaux services qui nous ont été vantés et décrits », explique Bernard Dupré, président de l’association de défense Afutt. « Plusieurs variantes très différentes existent déjà, réunies sous la seule bannière “5G”, sans signe distinctif. Cela ne peut que créer de la confusion et de la frustration chez les utilisateurs. »

Fort heureusement, le lancement de la 5G n’a pas pénalisé le déploiement du réseau 4G qui se poursuit à un rythme soutenu. Près de 8 000 nouveaux sites 4G ont été ouverts en 2021. Il est vrai que les opérateurs avaient signé avec le gouvernement un « new deal » de la téléphonie mobile.

Des très hauts débits en… centre-ville

En débit de réception, on peut théoriquement obtenir jusqu’à 2,1 Gbit/s sur la bande actuelle de 3,5 GHz en agrégeant quatre bandes de fréquences 4G. Et sur la bande de 2 100 MHz, les opérateurs disent atteindre des débits de 615 Mbit/s, voire 999 Mbit/s.

La 5G actuelle des opérateurs en est encore à sa première version : « C’est celle dite “standalone” qui repose sur un cœur de réseau 4G évolué ou 4G+, nous explique Édouard Castellant, directeur de l’activité Entreprises de Nokia en France. D’ici au début de 2023, des évolutions permettront des services dédiés pour les entreprises. Le calendrier est tenu. »

Il s’agit donc là du réseau public 5G multiservices des grands opérateurs (Bouygues, Free, Orange, SFR…), censé couvrir à terme plus de 90 % du territoire et soulager les réseaux 4G des centres-villes, saturés par la vidéo et par du streaming en haute définition…

La 5G privée pour sites industriels

En parallèle, s’est ouvert un deuxième horizon, celui de la 5G privée pour les sites industriels avec des applications spécifiques (aéroports, gares, campus universitaires, CHU…). En France, le régulateur a autorisé l’utilisation de la bande de 38 GHz et 2,6 GHz). « Il existait déjà un écosystème avec la 4G sur la bande de 41 GHz. Cet écosystème s’est tout naturellement élargi à la 5G. Les demandes des industriels se multiplient », constate Édouard Castellant.

Dès novembre 2019, lorsque l’Arcep avait ouvert un guichet aux candidats à la bande millimétrique de 26 GHz, un bon nombre d’initiatives avaient vu le jour : « On peut rappeler, par exemple, le site pilote de la gare SNCF de Rennes mis en œuvre par Orange, avec nous [Nokia] et la contribution de l’ANFR [Agence nationale des fréquences]. La bande passante s’est avérée excellente, supérieure à 1 Gbit/s avec une bonne couverture au-delà de la vue directe, en espace ouvert sur plus d’une centaine de mètres. »

La technologie du « tranchage » (« slicing ») en sept canaux parallèles va permettre d’utiliser des fréquences millimétriques pour des débits jusqu’à 20 Gbit/s sur 50 à 200 mètres.

Un nouvel écosystème

On comprend ainsi pourquoi les Gafam s’intéressent à ces réseaux « privés » ou plutôt « dédiés », véritable manne. Ils visent les très hauts débits jusqu’au WiGig, le wifi du futur efficace sur quelques dizaines de mètres.

Ainsi, le service Private 5G annoncé par Amazon Web Services (AWS) permettra de construire un réseau mobile reposant sur des cartes SIM et des unités radio à petites cellules, ainsi que sur des serveurs et des logiciels 5G.

Face aux investissements colossaux qu’il faut engager, on assiste à des convergences et à des projets de mutualisation des infrastructures.

En France, Aéroports de Paris, via sa filiale Hub One, en partenariat avec Air France, a obtenu en 2020 l’attribution de fréquences 4G/5G professionnelles pour dix ans (dans la bande des 2,6 GHz TDD). L’infrastructure d’origine Ericsson (Suède) soutiendra des services visant à optimiser la fluidité et la sécurité des opérations critiques, la traçabilité des bagages, la PMR (appels radio à toutes les équipes). Autres usages : la communication avec des navettes autonomes et des véhicules connectés.

Total Énergies, EDF, la RATP, la Société du Grand Paris et beaucoup d’autres y viennent. Nokia a ainsi contribué à un projet de réseau mobile privatif industriel 4G/5G en Alsace, chez Butachimie à Chalampé/Ottmarsheim (cf. encadré page 105).

La plupart de ces infrastructures 5G privée utiliseront le cloud avec des unités décentralisées dites « edge » (en périphérie) afin de garantir une très faible latence. Et toutes ces plateformes, utilisant des machines virtuelles, sont censées être « ouvertes » et interopérables (cf. la norme européenne MEC, multi-access edge computing, à l’ETSI). À noter qu’en alternative aux Gafam, se développent des points de présence « à la demande » (ou « PoPs as a service », cf. la start-up Stackpath).

Edouard Castellant

Édouard Castellant, directeur de l’activité Entreprises, Nokia France

 

Convergence ou hybridation entre 5G publique et privée

« À mesure que le marché de la 5G industrielle va s’ouvrir, il y aura des modes hybrides entre réseaux publics et privés, avec des convergences entre les acteurs de l’écosystème », prédit Édouard Castellant (Nokia France).

Ainsi, Orange propose trois offres combinables : une couverture sur la base du réseau public, un réseau industriel avec de la qualité de service ; et une offre de réseau public avec un cœur dédié à la gestion des données et des fonctionnalités spécifiques ; et une offre de réseau complètement dédié, répondant à des exigences élevées de sécurité et de résilience. C’est Orange Business Services (OBS) qui fournit l’infrastructure de réseaux privés.

Le rapport Philippe Herbert (« Mission 5G industrielle », mars 2022) le dit explicitement : l’écosystème doit encore se développer avec différents profils d’acteurs. Citons des intégrateurs d’horizons divers comme Axians, Axione, Eiffage, Equant, Vinci, mais aussi des ESN (entreprises de services du numérique) comme Accenture, Capgemini, Sopra Steria… ainsi que des installateurs, des spécialistes des points hauts comme ATC, Cellnex, TDF, etc., sans oublier certaines sociétés d’autoroutes (dont SNEF). Tous doivent acquérir des certifications. Ce qui prend aussi du temps…

 

Butachimie

Butachimie

Un site de pilote en 5G privée

Le site de Butachimie (BASF-Invista) à Chalempé (68) en Alsace est le premier au monde pour la fabrication d’adiponitrile permettant de fabriquer des polyamides (matières plastiques, fibres synthétiques, etc.)

     Vu la densité de capteurs sur ce site hyper surveillé (classé Seveso), le wifi ne suffisait pas. Il fallait un nouveau réseau mobile à très haut débit, opérationnel depuis l’été 2021. Butachimie a démarré ainsi directement avec la 4G puis la 5G privée. Des critères spécifiques de mobilité sécurisée et sans couture ont primé. « Notre plan de transformation numérique et de modernisation répondait à des enjeux très stricts en matière de sécurité et de disponibilité. Avec OBS [Orange Business Services] et Nokia, nous avons ouvert une nouvelle étape vers le développement de notre “usine du futur” en proposant à nos opérateurs une meilleure expérience sur site en toute sécurité pour accroître notre performance et notre compétitivité », explique Stéphane Cazabonne, directeur Projets et méthodes, chez Butachimie.

     Le nouveau réseau ouvre de nouveaux services sans fil : géolocalisation, interphonie et PMR, caméras, partage de vidéos et d’images en temps réel, etc. La disponibilité du réseau, très élevée, permettra d’anticiper les pannes et de garantir une production en continu, comme l’explique Denis de Drouâs, directeur du programme Réseaux radio privés chez OBS. L’architecture retenue est celle du MEC (mobile edge computing). Elle utilise la solution MPW (modular private wireless) de Nokia.

 

5GEt déjà la 6G pointe son nez…

PLUS « DURABLE »

 La 5G se déploie à peine, la 4G se fait toujours attendre dans certains territoires… et déjà se profile la 6G, du moins dans les labos comme les Nokia Bell Labs, rachetés en 2016 à Alcatel-Lucent. En France, Nokia dispose ainsi de plus de 1 500 ingénieurs en R&D télécoms à Paris-Saclay (91) et à Lannion (22).

     « La future 6G profitera de l’élargissement du spectre de fréquences qui ira au-delà des bandes de fréquences de 700 MHz à 3,6 GHz et 26 GHz de la 5G : vers les 60 ou 80 GHz utilisés actuellement par des protocoles propriétaires non encore standardisés », explique Édouard Castellant (Nokia France). La 6G embarquera toujours plus d’intelligence artificielle. « On peut envisager une interface radio adaptative qui évolue en fonction des besoins. » Autres enjeux de la 6G dans les dix ans à venir : s’ouvrir aux constellations de satellites en orbite basse. Et abaisser encore l’empreinte carbone des réseaux lors de la fabrication des équipements et de leur utilisation. « Il faut également travailler sur le recyclage et la réutilisation. C’est l’objet de notre coopération avec Orange. Nous constatons un changement radical de mentalité. »

 

<<< A lire également : La 5G, un boom à venir >>>

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