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Jorge Mas, le milliardaire qui a fait signer Lionel Messi à l’Inter Miami

Jorge MasJorge Mas assiste à la 67e cérémonie du Ballon D’Or au Théâtre Du Châtelet, à Paris, le 30 octobre 2023. | Source : Getty Images

Lorsque Jorge Mas a fait le pari de signer Lionel Messi, il était loin de se douter qu’il allait faire de l’Inter Miami la deuxième plus grosse franchise de la MLS. Cependant, aujourd’hui, le temps presse.

Article de Justin Birnbaum pour Forbes US – traduit par Flora Lucas

 

À l’intérieur de l’AquaDome, une prouesse d’ingénierie en forme de sphère sur le plus grand navire de croisière du monde, Jorge Mas s’installe dans son siège pour ce qui promet d’être un spectacle grandiose. Le propriétaire milliardaire de l’Inter Miami est à bord de l’Icon of the Seas de Royal Caribbean pour dévoiler le sponsoring maillot record de son club de MLS avec la compagnie de croisière et assister à la cérémonie de baptême du navire. Il regarde les artistes monter sur scène, notamment un groupe de reprises écossais, des acrobates aquatiques et la plus grande attraction de la journée : la star argentine du football Lionel Messi.

Pour l’Inter Miami, une telle fanfare était autrefois inimaginable. Il y a dix mois, c’était un club de bas de tableau en MLS, évalué à 600 millions de dollars, juste au-dessus de la moyenne de la ligue, avec une renommée mondiale minime malgré le fait qu’il appartienne en partie à David Beckham. Aujourd’hui, « il faut décidément vivre comme un ermite pour ne pas savoir que Lionel Messi joue à l’Inter Miami », déclare Jorge Mas, 61 ans.

 

Lionel Messi, un pari gagnant pour Jorge Mas

Lionel Messi n’a pas été acheté à bas prix, même si son salaire à l’Inter Miami est bien inférieur à l’offre de 400 millions de dollars par an que la star argentine a rejetée en Saudi Pro League. Selon Jorge Mas, Lionel Messi gagnera entre 50 et 60 millions de dollars par an, avec la possibilité d’en gagner davantage grâce à des accords avec Apple et Adidas. La Pulga dispose également d’une option pour devenir propriétaire du club, qui ne nécessite pas de rachat si elle est exercée. Cependant, la franchise basée dans le sud de la Floride a déjà prouvé que la récompense était plus qu’à la hauteur du risque financier.

En 2023, après seulement une demi-saison avec Lionel Messi, l’Inter Miami a plus que doublé son chiffre d’affaires pour atteindre 118 millions de dollars. Le club s’attend à ce que ce chiffre dépasse les 200 millions de dollars cette année grâce aux ventes de billets, aux partenariats publicitaires lucratifs et à une tournée mondiale de pré-saison sans précédent. L’arrivée de Lionel Messi a également permis de doubler les abonnements au service de streaming Apple TV de la ligue l’année dernière, et les équipes accueillant l’Inter Miami ont enregistré des augmentations massives de leurs recettes d’entrée. Selon Forbes, l’Inter Miami est aujourd’hui le deuxième club le plus précieux de la MLS, avec un peu plus d’un milliard de dollars, et la participation d’environ 80 % de Jorge Mas a fait grimper sa fortune personnelle déjà considérable à 1,7 milliard de dollars.

L’ascension spectaculaire de l’Inter Miami est le résultat de la conviction inébranlable, voire irrationnelle, de Jorge Mas : recruter l’octuple Ballon d’Or. Cependant, si l’arrivée de Lionel Messi a été réellement bénéfique pour le club, Jorge Mas est confronté à un défi immédiat : à 36 ans, la star argentine ne pourra pas jouer éternellement, et son départ inévitable menace de réduire à néant les progrès de l’Inter Miami.

« Nous sommes conscients de l’opportunité qui s’offre à nous », explique Jorge Mas. « Nous devons nous assurer que nous gardons les fans, Messi ou pas Messi. »

 

Jorge Mas, l’itinéraire d’un homme d’affaires passionné de sport

Rétrospectivement, Jorge Mas est l’architecte improbable de l’opération sans doute la plus importante de l’histoire du football américain, étant donné que ce sport n’était pas son premier amour. Ce natif de Miami et fils de réfugiés cubains a grandi dans un milieu fanatique de baseball et aspirait à jouer à l’université avant qu’une blessure au genou ne vienne mettre un terme à son rêve. Au lieu de cela, il a étudié le commerce à l’université de Miami et a ensuite rejoint son père, Jorge Mas Canosa, leader légendaire de la communauté des exilés cubains, dans l’entreprise de construction familiale.

Le jeune Jorge Mas a inauguré une période d’évolution pour l’entreprise, en introduisant des ordinateurs et en automatisant ses systèmes de facturation. Lorsque l’ouragan Andrew a décimé le sud de la Floride en 1992, il a saisi l’occasion de reconstruire les infrastructures de l’État. Cela a jeté les bases d’une fusion inversée qui a donné naissance à MasTec en 1994. Aujourd’hui, cette société cotée à la Bourse de New York génère un chiffre d’affaires annuel de 12 milliards de dollars.

Comme de nombreux fans de sport ultrariches, Jorge Mas a souvent fantasmé sur l’idée de posséder une équipe. « Le Saint-Graal aurait été d’être le propriétaire des Dolphins [de la NFL à Miami], mais la vie m’a mené là où elle le devait », explique-t-il. Le moment est venu en 2018, après une tentative infructueuse d’achat des Miami Marlins de la MLB. Don Garber, commissaire de la MLS, a appelé Jorge Mas, à la recherche d’un partenaire local pour se joindre à David Beckham. Il a réfléchi à l’offre, sachant qu’il s’agissait d’un investissement risqué, la plupart des clubs de MLS ayant traditionnellement perdu de l’argent. Cependant, après avoir rencontré l’ancien capitaine de l’équipe d’Angleterre et discuté de leur vision commune, Jorge Mas a accepté de rejoindre le nouveau groupe de propriétaires. « Je savais qu’il avait une énorme passion pour notre sport, qu’il aimait sa ville et qu’il avait une grande vision de ce que pourrait être la MLS à Miami », explique Don Garber. « Ce fut donc un véritable coup de foudre. »

Avant même que l’Inter Miami ne fasse ses débuts en 2020, Jorge Mas visait à attirer les meilleurs joueurs du monde. Il a commencé à rencontrer l’agent et le père de Lionel Messi, Jorge Messi, en septembre 2019. Sa quête l’a mené à Rosario, en Argentine, à Doha, au Qatar, à Barcelone et à Paris, alors que des rumeurs circulaient sur le fait que l’Argentin resterait en Europe ou décamperait vers l’Arabie saoudite. La ténacité de Jorge Mas a été récompensée en juin dernier lorsque Lionel Messi a annoncé sa prochaine destination, créant une vague de ferveur dans le sud de la Floride.

« Plus de gens se sentent liés à notre ville ou veulent être liés à notre ville d’une manière plus profonde », déclare Craig Robins, un important promoteur immobilier de Miami. « Miami est devenue une ville de football. »

 

Un pari lucratif, mais dont les limites sont évidentes

Cependant, les limites de Lionel Messi sont déjà apparues. En octobre, le Chicago Fire (club de MLS) a attiré 62 124 supporters au Soldier Field pour voir la nouvelle superstar de la MLS, mais il est sorti sur blessure quelques minutes avant le coup d’envoi. Il a également manqué l’étape de Hong Kong de la tournée de pré-saison du club, qui s’est déroulée à guichets fermés en février, ce qui a suscité de vives critiques de la part de supporters déçus. Le calendrier chargé de la compétition de 2024 ne fait qu’accroître l’urgence pour Jorge Mas de planifier l’avenir de sa franchise au-delà de Lionel Messi.

La date à laquelle Lionel Messi raccrochera les crampons et partira de la MLS n’est pas claire. Il est sous contrat pour 2024 et 2025, avec une option pour 2026, et Jorge Mas est « très confiant » quant au fait que sa star restera une année de plus, même s’il approchera les 40 ans. Quoi qu’il en soit, cela ne devrait pas affecter le partenariat de l’Inter Miami à court terme. Jorge Mas avait prévu que de nombreux contrats du club expireraient au moment de l’arrivée de Lionel Messi afin qu’il puisse en signer de plus lucratifs, qui, selon lui, dureront bien au-delà de la durée du contrat de la star. Au cours des derniers mois, l’Inter Miami a conclu des accords pluriannuels avec JPMorgan Chase et Duracell, en plus de l’accord avec Royal Caribbean.

Tout comme Pelé qui, en rejoignant le Cosmos en 1975, a attiré d’autres stars internationales du football à New York, Jorge Mas mise sur l’avenir de l’Inter Miami pour attirer d’autres joueurs de premier rang dans son équipe. « L’argent n’entre pas en ligne de compte », précise-t-il. Et Miami présente certains avantages : un climat chaud, un attrait culturel, l’absence d’impôt sur le revenu et la proximité du pays d’origine pour les joueurs latino-américains et sud-américains.

D’ici 2027, Jorge Mas prévoit que la MLS comptera « entre 12 et 20 des 100 meilleurs joueurs du monde ». Il s’agit également d’un moment crucial, car la ligue espère tirer parti de la Coupe du monde 2026, qui se déroulera dans 16 villes d’Amérique du Nord. L’accord médiatique conclu avec Apple pourrait être l’élément le plus important. À partir d’un seuil d’abonnés non divulgué, le géant de la technologie partagera les bénéfices avec la MLS au-delà des 2,5 milliards de dollars garantis sur dix ans.

« Je me sens responsable d’aider d’abord la ligue », déclare Jorge Mas. « Il ne s’agit pas seulement d’une affaire impliquant l’Inter Miami, mais de l’ensemble de la ligue. Je vais continuer à faire tout ce que je peux pour le bénéfice général, la santé et la croissance de la ligue. »

 


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