logo_blanc
Rechercher

Jean-Daniel Guyot, cofondateur de Memo Bank : « Nous avons l’ambition de devenir la banque des PME européennes »

Portrait - Jean-Daniel GuyotPortrait – Jean-Daniel Guyot

À priori, Jean-Daniel Guyot n’était pas prédestiné à s’investir dans le secteur bancaire. Avant de créer la fintech Memo Bank, il avait fondé le site d’achats de billets de train Captain Train (racheté en 2009 par son concurrent britannique Trainline). Pour Forbes France, le cofondateur de Memo Bank a accepté de nous partager sa vision sur le secteur bancaire – son état de maturité au regard des enjeux de transformation numérique et d’open banking – ainsi que les développements prévus pour renforcer sa présence en Europe.

 

Comment vous est venue l’idée de créer Memo Bank ?

Jean-Daniel Guyot : Lorsque j’ai fondé Captain Train en 2009, je me suis rendu compte à quel point les services bancaires n’étaient pas adaptés aux petites entreprises que ce soit sur la compréhension des activités liées aux numériques, l’obtention de garanties, les solutions de paiement, etc. Il faut souvent payer cher pour avoir accès à des services qui ne sont pas forcément calibrés pour les plus petites entreprises. En tant qu’entrepreneur, j’ai rencontré une trentaine de banques, dossier sous le bras, sans trouver un interlocuteur qui comprenait mes besoins.

À l’époque, il n’existait pas ou peu de solutions adaptées aux nouveaux besoins des PME.  C’est en ce sens que nous avons lancé avec Michel Galibert en 2017 Memo Bank, une banque indépendante spécialement conçue pour les PME.

Aujourd’hui, Qonto et Shine sont très orientés sur l’aide à la création rapide d’entreprises. C’est déjà une révolution ! Chez Memo Bank, nous misons davantage sur la relation bancaire car les PME en croissance en ont besoin et les fintech actuelles ne peuvent pas les accompagner sur des financements ou de grosses augmentations de capital.

 


Jean-Daniel Guyot : Chez nous, toutes les transactions bancaires prennent moins de deux jours grâce à notre système informatique et cela permet aux PME de ne pas passer 80% de leur temps sur autre chose que d’échanger avec leurs clients


 

Quelle différenciation visez-vous sur le marché florissant des fintech ?

Au lieu de racheter une solution sur étagère auprès d’un grand offreur technologique, nous avons décidé de refaire de zéro l’intégralité de nos systèmes informatiques. Nous pensons que c’est la seule manière d’apporter plus d’innovation bancaire. 

Dès le début, nous avons donc décidé d’allouer 7 millions d’euros pour forger notre “core banking system” avant d’obtenir notre agrément d’établissement de crédit européen. Au total, 25 personnes sont chargées d’assurer le fonctionnement de notre système. C’est énorme pour une start-up mais c’est ce qui marquera notre différenciation face aux grandes banques. 

Enfin, pour se démarquer face à la concurrence, la vitesse est la clé. Les PME échangent chaque jour avec une multitude d’interlocuteurs : des experts comptables, des assureurs, des avocats… tout cet écosystème a évolué au rythme de leur clientèle avec une transformation numérique considérée comme une urgence. La banque doit se fier au numérique pour répondre aux nouveaux usages bancaires. 

La banque est une industrie complexe – et un peu à part, où il faut réunir énormément de métiers pour prendre une décision. Les grandes banques regrettent l’époque, 20 à 30 ans en arrière, où elles pouvaient prendre des décisions rapides et de manière autonome. Désormais l’écosystème s’est complexifié et, si la technologie n’arrive pas à simplifier la prise de décision, c’est la personne en bout de chaîne qui doit tout assumer, c’est-à-dire le client. 

Chez nous, toutes les transactions bancaires prennent moins de deux jours grâce à notre système informatique et cela permet aux PME de ne pas passer 80% de leur temps sur autre chose que d’échanger avec leurs clients. Les grandes banques n’avaient aucune raison d’avancer plus vite sur ces enjeux, faute de concurrence. Mais aujourd’hui chaque décision devient complexe et demande une maîtrise plus fine du risque bancaire.

Comment expliquer que vous ayez obtenu un agrément bancaire auprès de l’ACPR et la BCE alors que cela reste extrêmement difficile ? Doit-on assouplir la régulation en la matière ?

Le choix de notre cible nécessite forcément l’obtention d’un agrément d’établissement de crédit. Je pense que ce qui nous a permis d’obtenir cette certification, c’est déjà parce que nos services de comptabilité, de finance et de reporting sont entièrement automatisés. De plus, notre background est assez sérieux et notre conseil de surveillance est composé de Ronan Le Moal (ex-directeur général du groupe Crédit mutuel Arkéa), Jacques Veyrat (Président du conseil d’administration du Groupe Fnac Darty), Gilles Denoyel (Président du conseil d’administration de Dexia), Valentine Baudouin Barbelivien (associée chez Founders Future) ou encore Xavier Lorphelin (Co-fondateur et président de Serena Capital).

Comment qualifiez-vous l’état de maturité des grandes banques en matière de transformation numérique ?

La banque comme nous la connaissions au début du millénaire n’est plus du tout la même. Aujourd’hui, les grandes banques s’adaptent en achetant des acteurs bancaires en ligne ou en signant des partenariats. Ces banques sont fortes, bien implantées sur le territoire et sont conscientes de la nécessité d’évoluer. 

Leur principale faiblesse reste liée aux réflexes de l’ancien monde : elles agissent encore dans un temps postal alors que le monde devient de plus en plus numérique. Certaines ne sont pas conscientes de leur retard et il faut parfois plusieurs mois rien que pour ajouter un nouveau collaborateur dans leur propre interface.

Et en matière d’open banking ?

La plupart des grandes banques refusaient de partager leurs données – se cachant notamment derrière l’argument de la sécurité. Dans les années 90, c’était le protocole EBICS (Electronic Banking Internet Communication Standard) qui était le plus répandu pour assurer l’échange de fichiers entre un client et ses différentes banques. 

Mais la directive sur les services de paiement (DSP2) entrée en vigueur l’année dernière est plus performante. Elle impose aux banques de proposer un accès direct (ou via API) aux différents acteurs de l’open banking. Pour s’adapter à ce contexte réglementaire d’ouverture des données bancaires, les grandes banques se sont donc toutes mises à développer leurs API – qui ne sont pas toutes performantes au même niveau. Ce partage de la donnée est important pour que l’écosystème du logiciel autour des services bancaires puisse se développer.

Quels sont les prochains développements de Memo Bank ?

Avec notre dernier tour de table bouclé en juin 2021 auprès de Serena Capital, nous totalisons aujourd’hui 40 millions d’euros de fonds levés. Cela permet essentiellement de renforcer notre solution et de continuer à recruter de nouveaux profils en ingénierie, en conformité, en finance, en comptabilité ou encore en RH. Nous réfléchissons aussi à notre expansion à l’international mais nous avons l’ambition d’abord de devenir la banque des PME européennes.

En parallèle, nous venons de lancer Rocket Pack, une offre bancaire destinée aux start-up qui sont en train de lever des fonds (ou qui ont levé au cours des 12 derniers mois). Au programme : un accompagnement sur les augmentations de capital ; un financement de 25% de la levée de fonds ainsi qu’un chargé d’affaires dédié qui garantit un suivi personnalisé.

Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook

Newsletter quotidienne Forbes

Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.

Abonnez-vous au magazine papier

et découvrez chaque trimestre :

1 an, 4 numéros : 30 € TTC au lieu de 36 € TTC