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Investir en Afrique : Les conseils d’un expert

AfriqueSerge Éric Menye

Serge Eric Menye est le fondateur du cabinet Grassfields Ventures, un cabinet conseil en investissements. Son terrain de jeu : l’Afrique. L’occasion d’en savoir davantage sur les opportunités offertes par ce continent au potentiel gigantesque.

Qui sont les porteurs de projets locaux que vous aidez ?

Serge Eric Menye : Je suis principalement engagé sur six secteurs en plein boom : l’agribusiness, le tourisme, l’immobilier, la santé, l’énergie-ICT, et la manufacture. Les porteurs de projets que j’accompagne sont des entreprises déjà établies avec des besoins en capital, en débouchés, en partenaires internationaux. Des agriculteurs par exemple ou éleveurs avec un potentiel évident, qui souhaitent développer leur activité, se moderniser, ou s’internationaliser. J’accompagne également les startups ; il faut savoir que l’Afrique est le paradis du leapfrogging[1], des solutions locales sont créées pour répondre aux problèmes locaux, le homegrown, cela génère pas mal de nouvelles entreprises très agiles. Comme exemple, on a assisté avec la Covid à la naissance de plusieurs entreprises qui ont créé en quelques semaines des respirateurs ou des portiques de vaporisation avec prises de température. Au Rwanda, les robots dans les aéroports effectuaient les contrôles… En dehors du marché chinois que j’observe assidûment, le miracle du numérique en Afrique est réel ou la révolution digitale. Prenons le cas des fintechs, c’est le marché le plus dynamique de la planète. Nulle part ailleurs nous n’assistons à des succès tels que M-Pesa au Kenya, entreprise implantée dans plusieurs pays qui assure avec le téléphone mobile des transferts d’argent, des paiements, des crédits et de l’épargne. La moitié des licornes du continent sont issues des fintechs nigérianes et Lagos est l’endroit le plus prolifique pour les néo-banques. Les porteurs de projets sont aussi des institutions publiques et des États avec des offres de concession, des garanties bancaires contre un besoin d’investisseur. Par exemple, un pays qui lance un programme de construction de logements sociaux ou un hôpital.

Quels sont les pays les plus en vue, ceux qui offrent le plus d’opportunités ? 

S. E. M. : L’Afrique de l’Est détient un grand nombre : la Tanzanie, le Kenya, le Rwanda, l’Ouganda, puis l’Éthiopie, le Ghana, le Nigéria (malgré la corruption et l’insécurité), le Sénégal et la Côte d’Ivoire. Tout simplement parce que le risque est faible et l’opportunité y est élevée. Ces pays sont stables politiquement, sûrs, mieux gérés, avec des infrastructures et des administrations qui fonctionnent, plutôt bien classés pour la facilité de faire des affaires, visa-installation-partenariat-investissement-procédures administrative simplifiées, des liaisons aériennes et portuaires de qualité, et une couverture internet fiable. Le bénéfice démographique s’impose : une population jeune, éduquée et connectée. Une classe moyenne bien installée qui ne cesse de s’élargir. Ces pays sont dynamiques et innovants, avec de belles perspectives de croissance à court, moyen et long terme. Ils cochent les cases des secteurs en plein boom : le tourisme de loisir et de conférence, les opérations immobilières, les nouvelles technologies et énergies, l’économie verte et l’agribusiness. L’appétit des investisseurs étrangers vient doper la croissance déjà stimulée par des politiques de réformes assez offensives et les ambitions des entrepreneurs locaux.

Quels sont ceux a contrario qui ferment le ban ?

S. E. M. : Le Niger, la Mauritanie, la RDC malgré les opportunités, le Cameroun, la Centrafrique… ne font pas rêver. Et pour causes : conflits armés, attentats, la corruption institutionnalisée, l’instabilité politique et les violences contre les opposants, l’absence de leadership, d’infrastructures, et de bonne gouvernance. Ce sont des endroits que je ne recommanderais pas pour l’instant ; il faut une alternance politique et un changement fort pour inverser la tendance. Cela dit, il s’y passe beaucoup de choses avec de belles histoires aussi.

Les investissements chinois à destination de l’Afrique sont colossaux ? Ces investissements profitent-ils réellement aux populations locales ?

S. E. M. : Contrairement à ce qu’on entend, les investissements sont colossaux, mais pas toujours dans les proportions imaginées, car il y a beaucoup de confusion entre les investissements directs, les échanges commerciaux et la dette. Globalement, ils sont importants et progressent chaque année. C’est autour de 13 % du total reçu par l’Afrique chaque année. Ces investissements profitent aux populations locales, à travers des emplois, l’acquisition de connaissances, et le développement du tissu industriel et des infrastructures. Oui, l’arrivée de la Chine constitue une très bonne chose pour l’Afrique.

Quelle place pour la France dans ce grand changement ?

S. E. M. : La France résiste bien dans ses anciennes colonies subsahariennes malgré une rue majoritairement hostile, à tort ou à raison. La France aurait pu jouer un rôle essentiel dans la nouveauté, mais elle fait face aujourd’hui à la concurrence de nouvelles puissances plus agressives comme la Russie, la Chine, la Turquie, les pays du Golfe. Si sa marque demeure reconnue, elle est diluée dans la compétition. Ça, c’est la première France. Mais il y a une autre France qui se développe en Afrique et s’installe sans trop de retentissement dans la mutation actuelle. Et cela à travers l’entrepreneuriat dans des secteurs qui cartonnent : le digital, la mode, les télécommunications, les nouvelles énergies. Ces initiatives résonnent au-delà même de l’espace francophone, c’est là qu’il faut aller.

[1] Le leapfrogging, le « saut de grenouille », désigne le bond qualitatif qui permet à certains pays de griller des étapes et d’accélérer leur développement.

 

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