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Ils changeront le monde en 2030 !

génération@Gettyimages

TRIBUNE | Comment vivront les 2 à 3 milliards de jeunes issus de la génération alpha (nés depuis 2010) ? Eux qui sont nés dans les écrans, issus de parents nés dans les claviers. Ceux dont les premières images sont celles des échographies 3D, les mêmes qui, dès la naissance, ont fait la Une d’Instagram ou de WhatsApp. La question mérite d’être posée, car ils sont probablement la véritable génération d’une rupture ; celle par laquelle nous passerons d’un monde socialement fragmenté vers un monde socialement connecté. Cette génération dont Michel Serres annonce qu’elle sera la 3ème révolution anthropologique majeure de l’Humanité. Comment travailleront-ils ? Quelle construction politique adopteront-ils pour préparer l’avenir ?

 

Trois principes guident cette génération : une défiance innée qui aiguise leur esprit critique, une exceptionnelle créativité alimentée par les flux d’information auxquels ils ont accès, et une capacité d’engagement virale pour les causes qui les émeuvent. Cette génération aura un avantage déterminant sur celle qui l’aura précédée, celui de maîtriser les codes plutôt que de les subir ; de coder plutôt que de surfer ; de créer plutôt que de consulter. Ce sera une génération d’entrepreneurs. Pas au sens que nous connaissons, mais dans une acception plus interactive, sans doute plus fugace dans la forme, mais certainement plus durable dans la logique. Nourris aux jeux vidéo ou reliés via TikTok, ils fonctionneront en communauté.

D’aucuns imaginent déjà les recruter en groupe pour leur confier une mission, plutôt que de les traiter individuellement via un contrat de travail. Leur popularité sur les réseaux sociaux leur a appris à évaluer les interactions. La monétisation de leur propre valeur sera autant indexée sur les connaissances qu’ils auront acquises à l’école que sur l’appartenance et l’intensité des communautés auxquelles ils sont fidèles. A 12 ans, certains sont déjà « dresseurs d’IA » – entendre qu’ils corrigent sur des plateformes spécialisées les dysfonctionnements de l’intelligence artificielle – d’autres ont un profil LinkedIn, attentifs aux opportunités. Nul doute que cette génération, si elle confirme sa créativité et sa sensibilité, bouleversera les codes du marché de l’emploi.

 

Cette révolution risque d’être aussi radicale dans l’univers politique qu’elle le sera dans celui de l’emploi. La défiance subjective que beaucoup de nos contemporains ont pour la politique, se transformera en une défiance objective vis-à-vis des technologies et de l’usage qu’en font les acteurs politiques. Habitués à l’anonymat des réseaux sociaux, interagissant sans complexes derrière des pseudonymes, vérifiant chaque information sur des robots informationnels 1000 ou 100 000 fois plus performants que le ChatGPT que nous découvrons aujourd’hui, il est probable que les « alphas » seront particulièrement réservés quant à la centralisation des leviers politiques et des institutions qui les représentent. Si l’action publique ne s’incarne pas dans des projets concrets, palpables et possibles à évaluer, ils passeront leur chemin.

Ils attendent du souffle pour les enjeux qu’ils défendent. Ne sont-ils pas plus d’un tiers à souhaiter – faute d’inspiration et d’engagement – un gouvernement d’experts pour tout simplement « gérer » ? La question se posera inévitablement d’un renouveau de la démocratie, de sa représentativité et de ses outils. La blockchain, par son empreinte cryptographiée, gagnera en crédit tandis qu’un système centralisé, institutionnalisé, à la main d’un ministère sera facilement discrédité. Des univers parallèles, comme le métavers The SandBox, par ses propres codes de propriété, d’interaction, de création et de consommation ouvrira un paradigme politique nouveau dont il se pourrait qu’il ait valeur de référence. Déjà, les actifs virtuels prévalent sur les actifs tangibles – rappelait Sébastien Massart, Vice-président de Dassault-Systèmes, à l’occasion du cycle Anticipations – déplaçant le centre de gravité des systèmes de valeurs.

 

Il n’est plus temps de remettre en cause un monde qui se dessine en accéléré. Il est en revanche toujours possible de lui donner un sens. Le vrai risque serait de laisser la technologie prendre la main ; de renoncer au discernement au prétexte du développement d’une intelligence de substitution ; de céder à la paresse. Nous sommes la génération de la sidération. Celle qui a vécu l’accélération collée au siège, les phares en pleine figure. Sans tout comprendre. La défiance innée de la génération alpha et sa maturité à l’égard des technologies pourraient inverser le mouvement. Observant la passion, parfois maladroite, qu’ils éprouvent pour la planète, plusieurs sociologues évoquent le retour des utopies, d’autres pointent une nouvelle poétique de la terre. Une phénoménologie à laquelle nous devons être attentifs car elle pourrait donner ce sens que nous avons tant de mal à trouver. A nous d’accepter enfin que la Terre ne soit pas seulement une ressource mais aussi un idéal.

Par Jean-Christophe Fromantin, Délégué Anticipations, Chercheur associé Chaire ETI Paris-Sorbonne, Maryline Perrenet, CEO Digitowl school, et Gilles Mentré Président Electis

 

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