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Ethique de l’authenticité en communication : les 5 piliers du non verbal et du para-verbal

La dirigeante que je coache fait les cent pas dans mon cabinet…. 

  • Et alors mon N+1 m’a dit : « Arrête de faire cette tête-là ! Je vois bien que tu trouves que ce que je t’ai dit n’a aucun sens !! » Mais moi, c’est ma tête ! Je ne sais pas mentir car tout le monde peut lire sur mon visage ce que je ressens….C’est plus fort que moi ! J’ai un visage trop lisible. Pourriez-vous apprendre à mon visage à être plus…. »

Elle passe sa main plusieurs fois devant son visage, comme pour l’annuler…. « poker face » ?

Ce n’est pas la première fois que j’ai ce genre de réaction. Beaucoup de gens, de femmes surtout, me disent qu’ils aimeraient beaucoup « contrôler » leurs émotions et surtout les muscles de leur visage pour ne pas « montrer » ce qu’ils ressentent pour être plus efficaces. A quoi je réponds que l’enjeu le plus important pour la prise de parole en public n’est pas l’efficacité. Au contraire, les gens détestent ceux qui communiquent « efficacement » : parfait sourire, parfaites respirations, parfaits gestes, parfaites intonations,…. « C’était faux ! Pas spontané ! Pas naturel ! » entend-on dans le public après de telles interventions. On n’aime surtout pas les robots en communication.

L’enjeu de la communication est donc ailleurs : c’est l’authenticité. On doit voir qu’on ne ment pas. « Oui, mais mon visage ? Si on voit que je ne mens pas, on peut aussi voir aux froncements de mes sourcils que je ne suis pas, mais alors, pas du tout d’accord avec ce qui m’a été dit ». Je réponds du tac au tac : « Mais on ne veut pas vous voir en pyjama ma chère dame… » Elle me regarde incrédule et bredouille : « Je ne comprends pas… »

C’est pourtant simple. L’authenticité en communication n’est pas le « naturel ». C’est un mi-chemin entre « comment je suis au naturel » et « la politesse de l’autre ». Au naturel, on se présenterait « en pyjama » à notre public. Au contraire, on fait l’effort de s’habiller pour pouvoir être « présentable » pour l’audience. Cela me fait penser à un autre dirigeant qui, à chaque fois qu’il parlait budget à son équipe, s’asseyait de façon nonchalante sur son bureau pour s’adresser d’une manière plus « cool » à son équipe et lui parler des millions qu’ils devaient trouver cette année. Les collaborateurs ne supportaient pas cette attitude qu’ils trouvaient hautaine et déplacée. Cependant le dirigeant était très confortable et ne voyait pas le problème.

L’authenticité en communication renvoie au naturel du funambule qui marche avec désinvolture sur la corde à 250 mètres de hauteur….Cela demande du travail….beaucoup de travail et en voici les secrets.

Chaque prise de parole suppose de comprendre le décodage du regard de l’autre dans votre aptitude à être authentique au travers de 5 piliers du non verbal et du para-verbal avant même de s’intéresser au verbal.

  1. L’ancrage. La façon dont votre silhouette se présente, dont votre corps est posé, sera tout de suite détectée par l’autre comme étant ou non authentique. Un corps trop « perché » sur la pointe des pieds ou déséquilibré avec le poids du corps sur une jambe, sera perçu comme inauthentique et pouvant porter des réserves sur le sujet qui sera abordé
  2. La gestuelle. Si vos mains sont en dissonance avec ce que votre bouche raconte, cela aura immédiatement un effet « mensonge » sur votre auditoire. Par exemple, si vous « savonnez », c’est à dire vous frottez les mains, en disant « je suis ravie de vous voir aujourd’hui ». Votre auditoire s’attendra à ce que vous parliez du budget de façon quasi systématique
  3. Le regard. « On écoute par les yeux ». En effet, si quelqu’un vient vous voir et vous demande s’il peut vous parler sans vous déranger, si vous n’avez pas de contact visuel avec la personne, celle-ci ne se sentira pas écoutée….Tant que vous ne l’avez pas bien regardée, la personne se sentira ignorée. Or, le regard suppose un vrai travail d’acceptation du regard d’autrui et de « donner » son regard à autrui. D’où la règle, quand on a une quinzaine de personnes devant soi, de ne jamais regarder une personne plus de 2 secondes dans les yeux…..pour ne pas la mettre mal à l’aise.
  4. La voix. Aigue, grave, avec un défaut de prononciation, avec des hésitations, des tics de langage,….La voix fait passer beaucoup de choses et reste une vraie porte à l’authenticité
  5. Enfin, dernier pilier, le silence. Celui qui sait user du silence en prise de parole en public, saura se montrer authentique car il n’aura pas peur de maîtriser la temporalité de sa parole. Ni trop de silence (pour ne pas être trop solennel), ni pas assez (pour ne pas avoir l’air pressé). Juste une considération pour l’autre qui se doit de prendre des notes ou d’oser même poser des questions pendant ces moments de pauses conscientes.

Tels sont les secrets de l’authenticité pour la prise de parole en public. Pour s’exercer, il suffira de se filmer (avec son téléphone portable par exemple) en évaluant les trois premiers piliers (ancrage, gestuelle et regard) sans le son. Ces évaluations peuvent se faire sur une échelle de 1 à 5 (meilleure note). Puis, retourner le téléphone portable pour seulement écouter la voix et le silence mais sans l’image et s’évaluer sur ces deux derniers piliers.

Accepter de se voir (même si cela fait mal) est la seule façon d’accéder à notre authenticité en communication. Car cette authenticité ne saurait être assimilée à du laisser-aller ou à de la familiarité. C’est au contraire la dignité de l’être qui accepte le regard de l’autre car il est plus intéressé par le fait de donner son regard et découvrir l’autre que par la peur du voyeurisme de son public. L’éthique de l’authenticité en communication est un acte de don.

Guila Clara Kessous, PhD

UNESCO Artist for Peace

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