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Pourquoi est-il positif que les femmes prennent d’assaut l’industrie ?

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Les femmes représentent environ la moitié de la population active. Pourtant cette part chute à 30 % lorsqu’on traite de l’industrie. Une différence de répartition facile à comprendre, mais qu’il ne faut pas moins chercher à corriger, par souci d’équité d’une part et de performance opérationnelle d’autre part. Cette question dépasse ainsi désormais les considérations morales, puisqu’il a été clairement admis que la mixité au travail était gage d’efficacité.

 

Sortir du conditionnement

La littérature scientifique a abondamment démontré que la sous-représentation des femmes dans l’encadrement des filières industrielles s’inscrit en grande partie dans le conditionnement dont elles font l’objet depuis toujours. Ainsi, les femmes sont, de manière systémique, poussées à être orientées vers certains secteurs. En effet, des tâches comme le soin des personnes, le nettoyage, l’enseignement, le travail de bureau et la préparation des aliments sont toutes largement dominées par les femmes (au moins 60 %), alors qu’elles ne sont que 30 % dans l’industrie. Et cette « connotation plus féminine » se retrouve d’ailleurs au sein même de l’industrie ; où deux secteurs sont dominés par les femmes : textile-habillement (61 %) et pharmaceutique (54 %), et où un troisième les intéresse particulièrement : agroalimentaire (43 %). Aux inégalités d’accès dans les filières industrielles s’ajoutent ainsi des inégalités systémiques au sein même du secteur industriel.

 

De nombreuses études ont acté que le conditionnement social, qui entraîne des conséquences délétères dans la vie active, relevait d’une réalité perceptible dès l’enfance. L’incitation par les jouets notamment, est une vérité. Il y a un lien direct entre la volonté des jeunes femmes d’intégrer le milieu de la mode par exemple, et les poupées avec lesquels elles jouaient enfant ; comme il y a un lien entre l’industrie et les armes, les voitures, et les avions avec lesquels s’amusaient les petits garçons. Pour Anne Vetter, cheffe d’entreprise (Groupe Velum) réalisant des interventions de sensibilisation à la mixité, la cible principale est donc les parents. « Je veux (qu’ils) puissent imaginer leur fille dans l’industrie, qu’ils arrivent à se projeter eux-mêmes dans les métiers du secteur », explique la responsable. Et après les parents, c’est bien sûr à l’école que la sensibilisation doit se poursuivre. « Les enfants doivent aussi bien affronter leurs parents que le corps enseignant », pointe Marthe Prunier, directrice générale du Groupe CIF.

Particulièrement active en matière de sensibilisation, l’association Elles bougent vise à susciter des vocations féminines pour les métiers d’ingénieurs dans l’aéronautique, le spatial, le transport ferroviaire ou encore le nucléaire. Pour ce faire, l’association organise de grands événements, comme des forums, des concours, des remises de trophées, mais également des interventions en école ; collège et lycées, mais pas maternelle ni primaire. Ainsi, malgré ses bonnes intentions et la pertinence de ses actions, l’association agit probablement déjà trop tard. Mais qui pour l’en blâmer ? La sensibilisation des femmes aux métiers de l’industrie doit être l’affaire de tous ; des parents bien sûr, des professeurs, de l’État, des associations. Mais surtout des entreprises elles-mêmes, qui seront les premières à profiter de cette mixité, notamment au niveau des performances opérationnelles.

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L’intégration des femmes aux postes de direction et la mixité des équipes sont des vecteurs de performance opérationnelle

Selon une étude conduite par Cadremploi, les équipes mixtes obtiendraient de meilleurs résultats que les autres. De plus, 97 % des employés évoluant dans ces équipes se disent épanouis, accompagnés et utiles, contre 83 % pour les non-mixtes. Les entreprises ont donc tout intérêt à promouvoir la mixité au sein de leurs rangs, et puisque c’est à elles qu’elle profitera en premier lieu, c’est à elles de la promouvoir. Pour ce faire, les grands groupes industriels ont plusieurs cartes à jouer ; ils peuvent contribuer aux actions de sensibilisation, en partenariat avec des associations comme Elles bougent par exemple, mais surtout développer des programmes en interne, pour favoriser l’embauche des femmes, ainsi que leur mobilité et leur progression. Avec, à terme, la volonté de ne plus seulement faire progresser la place des femmes aux postes de techniciennes ou d’ingénieures, mais encore de briser le plafond des verres des postes de cadres dirigeants, encore largement trustés par les hommes.

Pour encourager les entreprises, l’Etat a d’ailleurs fixé le cadre de leur intervention avec l’adoption en 2018 de la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel ». Celle-ci impose aux entreprises de plus de 50 salarié(e)s d’établir un index « Égalité salariale entre femmes et hommes », reposant sur cinq indicateurs : rémunération, augmentation, promotion, augmentation suite à un congé de maternité ou d’adoption, et nombre de salarié(e)s du sexe sous représenté parmi les 10 plus gros salaires. Et contrairement à ce que l’on pourrait croire, les secteurs industriels à « connotation plus masculine » comme l’automobile (Renault, PSA), l’aérospatial (Ariane Group), et même le nucléaire, avec Orano, tirent très bien leur épingle du jeu. Le fleuron français de l’atome vient d’ailleurs de signer mardi 9 mai 2023 un accord d’accélération sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes pour la période 2023-2027.

Ce plan – le quatrième accord signé depuis 2012 – est pour le moins ambitieux, fixe des objectifs chiffrés sur la mixité dans les recrutements, l’égalité salariale, l’accès aux postes de direction et la lutte contre certains verrous, comme la parentalité dans la carrière. Il peut être perçu comme un modèle du genre, duplicable et adaptable dans d’autres grandes organisations industrielles dans une démarche coconstruite avec les partenaires sociaux et le tissu associatif de plus en plus puissant en faveur de l’inclusion des femmes dans les filières industrielles. Sur l’une des questions les plus sensibles -l’égalité salariale-, Orano affirme même avoir accompli sa mission, selon les mots de la DRH du groupe, Hélène Derrien : « Notre objectif est d’atteindre l’égalité salariale entre femmes et hommes, à niveau de responsabilité équivalent et de résorber les derniers écarts de salaire résiduels entre les hommes et les femmes. Nous avons commandé une nouvelle étude externe via l’APEC qui montre qu’en 2023 il n’y a plus d’écarts statistiquement significatifs au niveau du groupe ».

 

Visibiliser les talents féminins

Enfin, et puisque les femmes sont les premières concernées, il revient à celles qui le peuvent de montrer l’exemple. Et justement la France regorge de talents au féminin qui, même s’ils sont minoritaires dans l’industrie, apparaissent souvent comme des « agents de transformation du secteur ». Il est par exemple possible de citer Aude Vinzerich, qui a introduit l’intelligence artificielle chez EDF, Florence Colombo-Fouquet, porteuse de l’offre électricité verte d’Engie, ou encore Sophie Cahen, de Ganymed Robotics, qui a développé un système de chirurgie augmentée. Les femmes atteignent même désormais les sommets, puisque depuis 2022 et pour la première fois, trois d’entre elles font partie du cercle très restreint des dirigeants du CAC 40 : Isabelle Kocher, directrice générale d’Engie, Christel Heydemann, directrice générale d’Orange, et Estelle Brachlianoff, directrice générale de Veolia.

En poussant cette logique jusqu’au bout, on peut aussi parier que la montée en puissance des talents féminins dans l’économie et la société française toute entière irait de pair avec une solidarité accrue entre les générations de femmes aux postes de responsabilité et entre les différents milieux sociaux dont elles proviennent.

Au total, au-delà des considérations éthiques, qui ne peuvent apparaître que très secondaires dans les stratégies des organisations, la mixité et l’intégration des femmes aux plus hauts postes de direction répondent surtout à un impératif d’efficacité opérationnelle. C’est un enjeu, à ce titre, profondément rationnel qui doit être défendu, non seulement pas les entreprises, mais aussi au plus haut niveau de l’État.

 

Une tribune rédigée par: Michel Ktitareff, président de Scale-Up Booster

 

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