Face aux risques de pénurie et aux catastrophes naturelles, les industriels de l’eau étudient des solutions technologiques pour créer un « réseau d’eau intelligent ». Xylem est l’un des experts mondiaux proposant des solutions innovantes pour résoudre les problématiques tout au long du cycle de l’eau : de la collecte à la distribution, en passant par la réutilisation, et jusqu’à la restitution de l’eau à son milieu naturel. Nous avons échangé avec Géraud de Saint-Exupéry, PDG Xylem France jusqu’à récemment, et aujourd’hui Directeur du développement Europe du Groupe.

 

Quels sont les défis de l’eau à l’échelle de la planète ?

Géraud de Saint-Exupéry : Nous sommes pour la plupart conscients de l’impérieuse nécessité de préserver la ressource en eau sur la planète. D’ici 2025, +1,8 milliards de personnes vivront dans des zones de pénurie d’eau et 1/4 de l’humanité est déjà confrontée à un stress hydrique élevé. A cela s’ajoute les épisodes climatiques extrêmes, de grandes sècheresses ou catastrophes naturelles comme les inondations, qui perturbent la distribution d’eau et peuvent même parfois mettre en risque l’accès à une eau potable de qualité. Face à ces nombreux défis, Xylem, en tant qu’équipementier de l’eau, fait évoluer ses solutions vers le digital pour rendre les réseaux d’eau plus « intelligents ». Le secteur de l’eau vit un tournant historique : les enjeux du changement climatique touchent directement la ressource en eau et les acteurs du secteur n’ont jamais été autant alignés pour réussir à relever ce défi. Le plan de relance de l’économie de septembre 2020, prévoit d’ailleurs d’affecter 220 millions d’euros au secteur de l’eau.

 

Qu’est-ce qu’un réseau d’eau intelligent ?

Géraud de Saint-Exupéry : Il y a trois étapes majeures dans la création d’un tel réseau. Tout d’abord, il s’agit de rendre les équipements autonomes et « conscients » de l’environnement avec lequel ils interagissent. Nous créons des solutions dans lesquelles l’équipement s’adapte au flux de l’eau, en variant les vitesses, en faisant marche arrière si nécessaire… Cette autonomie permet de mieux gérer les flux en temps réel. La deuxième étape consiste à connecter entre eux les divers équipements implantés sur le réseau. L’un pouvant servir l’autre, le tout devant être cohérent. Par exemple, pour optimiser les capacités des bassins de stockage, les outils digitaux permettent de modéliser et d’anticiper les scenarios, ouvrir et fermer les vannes au bon moment, éviter les débordements… Il s’agit d’utiliser la data récupérée afin de gérer le réseau en temps réel, s’adapter à la situation et établir des prédictions. Ainsi, les données, combinées à des produits et des technologies fiables, aident à rendre plus sûre et plus durable la consommation et de traitement de l’eau. L’usager a accès aux données pour réguler sa consommation, les gestionnaires de réseaux possèdent toutes les informations pour faire une détection pointue des fuites, anticiper des dimensionnements et assurer la maintenance des réseaux de façon optimale.

 

Quelle est la spécificité du réseau d’eau en France ?

Géraud de Saint-Exupéry : La France a été pionnière en la matière mais notre réseau est vieillissant, il n’a pas été renouvelé assez vite. Il s’agit aujourd’hui d’optimiser l’existant et de dépenser plus efficacement pour son entretien. On ne peut pas remettre un réseau d’eau potable de 850 000 kilomètres à neuf en une seule fois. Or, on sait qu’en moyenne 1 litre sur 5 est perdu en cours de route sur le réseau. Pour donner un cas concret, auparavant si une fuite était détectée, on devait changer tout le réseau, ce qui représente 6 mois de travaux, de lourds investissements, des nuisances… Aujourd’hui, notre solution « SmartBall », une petite balle bourrée de capteurs voyageant dans le réseau, est capable de détecter les fuites au centimètre près dans une canalisation, sans arrêter la distribution d’eau. C’est un exemple de ce que peuvent apporter les nouvelles technologies : une meilleure prédiction des risques et défaillances, un investissement pour la maintenance plus ciblé et donc un coût opérationnel optimisé. La digitalisation du secteur permet d’être plus efficace pour gérer les réseaux, détecter les défaillances, et in fine, consommer moins / mieux d’eau pour tendre vers un prix le plus juste pour tous et préserver la ressource en eau (en France, en moyenne 5,5 milliards de m3 d’eau puisés par an).

 

Quelles sont les évolutions de fond dans votre métier ?

Géraud de Saint-Exupéry : De nombreux acteurs de l’eau élargissent leur champ de compétences pour intégrer la collecte et l’analyse des données via ces équipements. C’est un changement de culture, il faut penser différemment : investir dans la connaissance plutôt que dans le renouvellement. Mais la Data fait parfois peur, ce n’est pas encore un reflexe, nous devons éduquer, rassurer la population et les milieux professionnels. Nous sommes là pour appuyer les industriels et les collectivités sur le terrain.  La loi NOTRe (Nouvelle Organisation Territoriale de la République – 2015) qui transfère les compétences « eau et assainissement » des communes vers les communautés d’agglomération, va dans le sens de cette gestion optimisée avec des économies d’échelle. On compte actuellement en France, 29 000 services publics en eau ou assainissement et 9 400 contrats de délégation de service public vers le secteur privé. Les Assises de l’eau en 2019 visent également à relancer l’investissement dans les territoires (usines d’eau potable, assainissement, canalisations, …) pour réduire les fuites d’eau et améliorer la gestion des réseaux (41 Mds € d’investissements prévus sur la période 2019 – 2024).

 

Quelles sont les valeurs de votre entreprise et ses engagements ?

Géraud de Saint-Exupéry : Nous avons de nombreux engagements sociétaux liés à la mission de l’entreprise, nos salariés sont impliqués directement en tant qu’ambassadeurs dans de nombreux programmes, dont des heures de travail offertes à des associations pour des causes liées à l’eau. Via sa Fondation, le Groupe déploie des programmes de bénévolat dans les pays en développement en faveur de projets scolaires et communautaires, l’installation de fourniture d’eau potable, d’assainissement et d’hygiène aux étudiants, aux enseignants et aux familles. Le groupe se mobilise également pour la distribution d’eau dans les situations d’urgence, ainsi que pour la prévention des risques de catastrophe, afin de sécuriser l’eau dans les zones vulnérables du globe.