Une mini révolution silencieuse a eu lieu lorsque l’article 1833 du code civil* a modifié en profondeur la définition de l’activité économique d’une entreprise : une société doit être « gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ». Nous avons échangé avec Amélie Delavallée, juriste d’entreprise spécialisée dans la gestion des risques environnement et santé-sécurité au travail. Elle accompagne les entreprises et les collectivités dans la gestion de leurs impacts sur l’environnement et sur la santé-sécurité sur le plan juridique, réglementaire et opérationnel.

 

En tant que juriste spécialisée en droit des pollutions et nuisances, droit de la sécurité et de la santé au travail, pouvez-vous nous dire quels sont les défis actuels ?

La protection de la santé sécurité des salariés, des partenaires, des hommes et des femmes, au travail est un enjeu majeur pour les entreprises. Les employés sont la première ressource indispensable à l’activité d’une entreprise, elle doit être protégée : « On va au travail pour gagner sa vie, pas pour la perdre », cette phrase d’un ancien Directeur m’a marquée à l’époque où j’étais responsable qualité sécurité environnement. L’objectif est d’assurer la pérennité de l’activité voire d’augmenter sa réussite car si les salariés s’épanouissent dans leur fonction, la structure ne s’en portera que mieux. Il en va de même pour la protection de l’environnement : la limitation, voire l’amélioration des impacts d’une entreprise sur l’environnement est un enjeu fondamental pour lui assurer son développement à court, moyen et long terme. Changement climatique, atteinte à la biodiversité… ces challenges doivent concerner chaque entreprise à son niveau.

 

Les besoins des entreprises ont-ils évolués durant cette période de pandémie ?

Avec la crise actuelle, les besoins d’accompagnement des entreprises sont d’autant plus importants. Sans parler des problèmes collatéraux de stress, de risques psychosociaux auxquels il faut, plus que jamais, apporter des solutions. Nombres d’entreprises doivent se concentrer sur leur métier et le faire évoluer très vite. Dans ce contexte, je pense qu’il peut être pertinent d’externaliser les sujets santé-sécurité-environnement car il est parfois difficile d’être juge et partie dans ces domaines. il faut pouvoir prendre du recul et être objectif. Souvent, je vais au devant de situations à risques qu’ils ne voient pas. C’est tout le bénéfice de l’exercice d’audit conduit par une tierce personne ! J’alerte, j’informe sur les tenants et aboutissants, je donne les clés et je les oriente vers les solutions adaptées à leurs moyens, ensuite l’entreprise prend sa décision. J’optimise également leurs éventuelles sources de financements publics (aides, subventions, crédit d’impôts). Il m’arrive aussi de les aider à mettre en place des outils organisationnels (procédures, processus) qui leur permettront d’améliorer leur performance sécurité environnement client. Dans mes différentes expériences salariées, j’ai eu le sentiment qu’il était nécessaire, à partir d’un audit de pourvoir jouer sur plusieurs tableaux (technique, management…) et d’apporter des réponses sur-mesure. Car parfois, c’est un problème humain et non technique qu’il faut résoudre.

 

Quelles sont les tendances et les évolutions futures dans votre domaine ?

Il existe beaucoup de bureaux d’études très compétents sur le plan techniques mais ils n’ont pas tous l’approche juridique globale sur les projets. Pourtant, de nombreuses obligations existent dans plusieurs domaines. En créant ma société en 2016, j’ai voulu être la « pièce manquante ».
Pour moi, la donnée d’entrée d’une mission consiste à bien identifier les obligations juridiques de l’entreprise par rapport à son activité et ses obligations contractuelles vis-à-vis de ses clients. Je vérifie que les obligations sont respectées sur le papier et sur le terrain pour poser un regard global, car la gestion de la santé – sécurité, la qualité et l’environnement sont liés. La France a été un modèle en Europe dans les années 70 avec la création des dossiers d’autorisation d’exploiter, les ICPE (Installation Classée pour la Protection de l’Environnement) qui intègrent les impacts sur l’environnement et les dangers liés aux installations. D’autre part, je remarque que les entreprises agissent en faveur de l’environnement moins sous le coup de la menace de sanctions pénales, mais davantage par prise de conscience. Et aussi pour leur image car la gestion du risque, on l’oubli parfois, est essentielle pour la réputation d’une entreprise auprès de ses partenaires.

 

Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser à la gestion de la sécurité et de l’environnement dans l’entreprise ?

Très jeune, je voulais devenir avocate, j’avais des idéaux de justice, je voulais défendre la veuve et l’orphelin. A 12 ans, j’ai rencontré lors d’un carrefour des métiers un « conseiller juridique » venu présenter son métier. Plus tard, on parlera de juriste d’entreprise. Il travaillait pour un syndicat d’entreprises agricoles. Il était passionnant et m’a convaincue de changer de vocation en me disant qu’il était plus important d’éviter les conflits, de les prévenir en aidant l’entreprise en amont.
J’ai donc commencé mon droit à l’Université d’Orléans la Source pour intégrer ensuite l’Université de Nice Sophia Antipolis où j’ai suivi une formation de juriste d’entreprise. Les cours de droit de la santé-sécurité au travail, de droit des pollutions et nuisances ont décidés de mes choix professionnels futurs. J’ai poursuivi mes études avec un DESS Gestion et Protection de l’Environnement à Lille. Après 15 ans d’expériences principalement dans l’industrie agroalimentaire, la construction et l’exploitation immobilière, j’ai souhaité créer ma structure pour apporter une solution globale aux entreprises et me sentir utile aux enjeux actuels à relever.

 

Quelle est votre actualité?

Je recherche à agrandir ma société Conseil Delavallée pour renforcer ma capacité de réponse aux entreprises dans ce contexte où la demande est forte et les réglementations de plus en plus complexes.

*Article 1833 Modifié par LOI n°2019-486 du 22 mai 2019