Alors que les enjeux écologiques se font pressants, la distribution de gaz a un rôle à jouer dans l’atteinte de l’objectif de neutralité carbone, fixé par le gouvernement français à l’horizon 2050. Pour saisir les enjeux liés à la distribution d’un gaz plus vert, nous avons posé quelques questions à Erwan Chauvel, Directeur de la stratégie et de l’expérience client chez Primagaz.

 

Quels sont les principaux enjeux auxquels fait actuellement face Primagaz, dans le secteur de l’énergie ?

Erwan Chauvel : Primagaz, comme toutes les entreprises qui distribuent des énergies fossiles est soumise à une accélération des contraintes réglementaires, avec la volonté du gouvernement français d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Primagaz est au cœur de ces contraintes, pour deux raisons. Du fait de distribuer une énergie fossile, mais aussi, et cela fait notre force et parfois notre faiblesse, du fait d’être sur un marché de niche. Ainsi, la fourniture de gaz porté représente un peu plus de 1,2% du mix énergétique français, et nous sommes parfois les oubliés des évolutions réglementaires. Nous fournissons l’énergie dans les 27 000 communes non raccordées au réseau de gaz avec un gaz différent, c’est-à-dire du propane et du butane. Notre trajectoire est singulière et nous pouvons proposer un gaz différent avec d’autres circuits de distribution. Nous sommes un acteur qui compte dans le mix énergétique, et nous sommes capables de proposer des solutions énergétiques renouvelables à tous nos clients en France, dans les zones non raccordés au réseau de gaz. De plus, l’intensification du réseau électrique ne pourra pas répondre à certains besoins, notamment ceux des clients industriels qui ont des équipements qui ne fonctionnent pas à l’électricité (fours industriels l’équipement fonctionnant à l’électricité n’étant pas disponible) ce qui peut générer des coûts supplémentaires pour ces clients. 

Notre position, c’est de dire que oui, historiquement nous vendons une énergie fossile mais nous prenons pleinement part dans la transition énergétique en augmentant la distribution d’énergies renouvelables, . Nous avons commencé en 2018 avec des bouteilles, puis en 2020 avec un certain nombre de clients qui utilisent nos citernes, et en élargissant aussi la gamme de produits. Nous prenons pleinement part dans la transition énergétique, en accompagnant ce mouvement qui favorise la durabilité de nos activités et en augmentant la distribution d’énergies renouvelables.  Nous sommes un acteur historique qui a, à un moment de son histoire, distribué du charbon. Depuis 2018, nous distribuons des ENR dont le biopropane et nous aurons à l’automne du biobutane, ce qui va nous permettre de distribuer plus d’énergie à plus de clients, pour plus d’usages. 

Ces contraintes donnent un reflet particulier à l’ambition que s’est fixée Primagaz, celle de distribuer à l’horizon 2040, 100% d’énergie d’origine renouvelable. Ce qui crée certaines difficultés, c’est le fait que de manière un peu dogmatique, la réglementation française veut opposer les énergies, ce qui est renouvelable selon la nouvelle réglementation et ce qui ne l’est pas. Les pouvoirs publics cherchent à restreindre l’accès à l’utilisation de ce qui est considéré comme n’étant pas renouvelable, mais cette définition réglementaire connaît quelques trous dans la raquette.

Dès 2018, nous avons été le premier acteur du biopropane à proposer une énergie 100% d’origine renouvelable et reconnue comme telle par l’ADEME, ce qui permet une réduction de 77% des émissions de CO2 par rapport au fioul*. Néanmoins, elle ne fait pas partie des énergies supportées par le gouvernement. Celui-ci préfère flécher le gaz d’origine renouvelable pour des utilisations de type professionnel ou de mobilité. Pourtant, aujourd’hui, nous sommes en capacité de proposer à nos clients de l’énergie d’origine renouvelable. Cela représente environ 4 à 5% des volumes vendus par Primagaz, ce qui peut paraître faible, mais nous ne sommes qu’en 2021. Nous n’avons pas à rougir car les objectifs de la PPE (Programmation pluriannuelle de l’énergie) s’inscrivent dans la perspective que le biogaz atteigne 7 % de la consommation de gaz en 2030.

Et il y a une accélération : quasiment tous les ans depuis 2018, nous arrivons à multiplier par deux la consommation de nos clients sur ces énergies d’origine renouvelable, pour l’alimentation de leurs citernes de gaz ou la distribution de bouteille de gaz. Il y a une volonté de Primagaz d’accélérer cette transition énergétique, pour pouvoir proposer à nos clients une énergie d’origine renouvelable.

 

À quelles innovations sont liés ces objectifs ?

Erwan Chauvel : En tant que distributeur, nous nous sommes associés à des partenaires tiers, notamment en finançant des programmes de recherche pour développer la production. Aujourd’hui, le biopropane que nous distribuons principalement en Europe de l’ouest et en France est produit par les bioraffineries de grands groupes internationaux, notamment le biopropane distribué par notre maison mère SHV Energy en Europe de l’ouest et en France par Primagaz dont l’approvisionnement est sourcé dans l’hexagone depuis 2020. Le biobutane, que nous allons commercialiser à l’automne sera également sourcé en France. 

Au niveau international, notre maison mère, SHV Energy, a créé une joint-venture avec notre concurrent UGI. Elles travaillent ensemble sur le lancement d’une nouvelle énergie renouvelable dans les années à venir, le rDME (Diméthyléther renouvelable), soit la production d’une énergie biosourcée compatible avec le propane. Notre logique, c’est de pouvoir continuellement investir dans des énergies matures, disponibles immédiatement, mais aussi dans des énergies en cours de développement, permettant de favoriser l’accélération de l’énergie renouvelable, dans les territoires, là où nous sommes présents depuis 80 ans.  

 

Est-ce que cela rejoint les valeurs historiques du groupe ?

Erwan Chauvel : En effet, la raison d’être de Primagaz, C’est apporter l’énergie indispensable à la vitalité des territoires. Le positionnement historique de Primagaz soutient la promotion de l’artisanat régional, local, dans les campagnes françaises. Il s’agit d’endroits dont le coût de la densification électrique pour assurer la croissance des besoins en chauffage aurait un impact économique important.
Les pouvoirs publics mettent en avant la pompe à chaleur, avec des initiatives assez significatives. Celle-ci démontre sa performance dans de nombreuses utilisation, mais il ne faut pas croire que la pompe à chaleur soit la réponse à tous les maux de la consommation énergétique en France, c’est beaucoup plus complexe que cela. Nous sommes un acteur qui compte dans le mix énergétique, et nous sommes capables de proposer des solutions énergétiques renouvelables à tous nos clients en France, dans les zones non raccordées au réseau de gaz. Nous proposons des solutions énergétiques à tous ces artisans, commerçants et particuliers que nous approvisionnons soit avec des bouteilles, soit avec des citernes, et qui participent à la vitalité de nos territoires.  

 

Qu’attendez-vous de la politique de relance économique ?

Erwan Chauvel : Aujourd’hui, la relance économique ne favorise pas nos énergies, de manière générale. Là où Primagaz est soutenue dans le cadre de la relance économique, c’est sur la mobilité, sur un autre gaz, le GNL (gaz naturel liquéfié) à base de méthane, et qui est commercialisé pour des usages de mobilité, principalement des transports lourds, les camions. Il y a un fléchage très clair dans ce sens, dont le but est de convertir des flottes de camion diesel vers l’utilisation du gaz. Primagaz est un acteur majeur de cet usage, avec environ 20% de parts de marché sur ce segment-là, pour promouvoir des stations avec notre partenaire Avia, qui distribue du gaz naturel sous sa forme liquide, pour des transporteurs. Aujourd’hui, nous avons une dizaine de stations sur le territoire national, qui permettent aux transporteurs de s’approvisionner aux endroits clés du pays afin de réaliser de longs trajets avec un carburant qui permet un gain de NOx de 43 à 66 % par rapport au Diesel. Et sur cette partie, nous sommes très soutenus par les pouvoirs publics.

 

En termes d’innovations techniques, est-ce que vous travaillez sur des innovations particulières pour impliquer le consommateur dans la gestion de sa consommation ?

Erwan Chauvel : Au travers du dispositif de certificats d’économie d’énergie, nous accompagnons nos clients dans la réduction de la consommation d’énergie. Sans mettre en place d’innovations spécifiques, mais par contre, petit à petit, avec la cinquième période des certificats d’économie d’énergie qui va s’ouvrir en 2022, nous augmenterons notre capacité à accompagner nos clients, soit en interne soit avec des partenaires sachants, qui nous permettent de proposer de plus en plus de services. Nous sommes aujourd’hui en train de travailler pour 2022, pour élargir la panoplie de services à destination de nos clients, en leur permettant de faire des économies d’énergie. Que cela soit pour des clients qui sont déjà consommateurs de notre gaz, ou des clients consommateurs d’une autre énergie. Nous ciblons principalement les utilisateurs du fioul domestique, pour qu’ils changent pour notre énergie et profitent de nos services et de notre accompagnement. Avec évidemment l’adduction d’énergie renouvelable, donc de biopropane dans les contrats d’approvisionnement signés avec ces clients. Grâce à notre biopropane, nous pouvons proposer des offres vertes à nos clients. Mais aussi un processus d’accompagnement globalisé, pour ce transfert entre la consommation de fioul et la consommation de gaz d’origine renouvelable.

 

Quels sont les types de partenariat qui vont permettre d’aller vers cela ?

Erwan Chauvel : Sur l’exemple de la transition du fioul vers le biopropane, ces partenariats vont se faire avec des sociétés qui vont accompagner les usagers pour retirer la cuve du fioul, ou financer des opérations, avec par exemple des prêts à taux préférentiel, pour financer l’achat d’une chaudière. Nous expérimentons là une fonction d’ensemblier, pour proposer aux utilisateurs de fioul domestique une solution clé en main. Ce type de partenariat est actuellement en phase expérimentale, et nous cherchons à le généraliser pour 2022.

 

Y a t-il de grandes étapes qui vont vous conduire à réaliser en 2040 cet objectif de 100% d’énergie renouvelable ?

Erwan Chauvel : Nous avançons étape par étape pour parvenir à cet objectif ambitieux en 2040. En tant que distributeurs nous n’avons pas toujours la main sur la production mais nous construisons des partenariats long terme pour continuer à accompagner nos clients dans cette transition avec une volonté de maximiser le pourcentage de clients qui auront changé d’énergie et nous aurons rejoint d’ici à 2030. Notre ambition est qu’au moins un tiers de notre distribution soit devenue renouvelable d’ici 2030.

 

Qu’attendez-vous du gouvernement aujourd’hui, pour vous aider à réaliser ces objectifs ?

Erwan Chauvel : Aujourd’hui, il n’y a pas de fiscalité différenciée entre une énergie d’origine renouvelable et une énergie fossile. Ainsi, le propane et le biopropane sont soumis à la même fiscalité. Alors qu’évidemment, la version biosourcée coûte plus chère à être produit. Nous sommes pragmatiques et souhaitons que les énergies soient taxées en fonction de leur niveau d’émission. La lourdeur des réglementations est pesante pour une entreprise comme la nôtre, et un des moyens sur lesquels nous essayons de mobiliser les pouvoirs publics, c’est cette fiscalité différenciée, avec un allégement pour l’énergie d’origine renouvelable, qui pourrait être à la hauteur de l’allégement en CO2. En effet, le biopropane que nous commercialisons a été reconnu par l’Ademe, comme permettant de réduire de 73% les émissions de CO2 par rapport au propane standard*. Il y a une trajectoire d’Etat qui flèche les énergies en fonction de leur usage, principalement l’électricité pour l’usage domestique, et le gaz pour les usages industriels, dans les grandes lignes. Mais là où nous avons la capacité d’accompagner la transition énergétique, nous demandons à ce qu’il y ait un accompagnement de la part des pouvoirs publics, pour reconnaître cet effort.

*Base Carbone Ademe, version 20.0 (données France Continentale) : sur l’ensemble du cycle de vie du biopropane (mix annuel)