Rencontre avec Jean-Marie Saint-Paul, président de Siemens Digital Industries Software France, éditeur de logiciels et de services, spécialisé dans la transformation numérique des industries.

 

Quels sont, selon vous, les apports principaux de l’industrie 4.0 ?

Jean-Marie Saint-Paul : L’industrie 4.0 amène avec elle une appréhension des enjeux industriels totalement différente de celle qui avait cours jusque-là. La virtualisation de l’industrie va lui procurer un surplus d’agilité et de flexibilité dans sa capacité à gérer des problèmes complexes. Il peut s’agir d’événements exogènes très puissants comme la guerre en Ukraine ou la pandémie de Covid-19 qui vont venir peser sur l’industrie. Il peut également s’agir d’éléments directement liés aux marchés avec des technologies de plus en plus complexes qui doivent être intégrées et des chaînes d’approvisionnement qui connaissent des difficultés. Chez Siemens, nous sommes convaincus que cette complexité ne va pas disparaître, bien au contraire, et que les leaders de demain seront ceux qui seront en position de la gérer et de la maîtriser. 

 

L’interopérabilité des solutions est un enjeu important. Comment y répondez-vous ?

Jean-Marie Saint-Paul : L’interopérabilité des solutions est un élément fondamental de la stratégie que nous déployons. C’est pourquoi nos logiciels fonctionnent sur la base de standards et sont, de plus, ouverts. De cette façon, le client va également pouvoir y connecter des solutions tierces. Prenons l’exemple de notre PLM (Product Lifecycle Management). Il est nativement pensé pour gérer des objets issus d’outils mécaniques très variés, les nôtres, mais aussi ceux de très nombreuses autres sociétés, l’environnement industriel étant très hétérogène. 

 

Quels secteurs industriels sont les plus demandeurs de ce type de solutions ?

Jean-Marie Saint-Paul : Historiquement, ce sont surtout les marchés du transport, l’automobile, la défense, qui ont été très demandeurs de ce type de solutions. Ils restent des clients importants qui, d’ailleurs, accélèrent actuellement leur rythme de digitalisation. Aujourd’hui, on constate que cette dernière se diffuse bien au-delà de ces secteurs. Désormais, l’énergie, le luxe, la cosmétique, l’agriculture et l’alimentation, sont de plus en plus demandeurs de solutions numériques pour obtenir une continuité de la gestion de la donnée depuis la conception du produit jusqu’à sa fabrication. C’est bien toute la chaîne de valeur qui est concernée. 

 

L’automatisation et la virtualisation des tâches n’ont-elles pas pour conséquence de marginaliser l’humain ?

Jean-Marie Saint-Paul : Ces sujets entraînent effectivement des enjeux en termes de transformation qui touchent à l’humain. Un certain nombre de métiers évoluent, certains fortement. Pour autant, je ne crois pas à la sortie complète de l’humain du monde industriel. Bien sûr, certaines tâches sont, aujourd’hui, automatisées. Mais prenons l’exemple des exosquelettes utilisés dans certaines configurations industrielles. Ces derniers ne remplacent pas l’homme. Ce dernier reste au cœur du dispositif, mais voit ses capacités augmenter par l’adoption de cette technologie. De la même manière, l’ensemble des solutions logicielles et d’automatisme que Siemens apporte vont souvent être à même d’augmenter la performance des opérateurs en leur délivrant des informations pertinentes concernant leurs systèmes. On ne remplace que très rarement leur expertise, mais nous la complétons grâce à l’exploitation des data menée de manière efficiente. 

 

La digitalisation est-elle, réellement, l’alliée du développement durable ?

Jean-Marie Saint-Paul : Le sujet du développement durable est très complexe. Mon opinion personnelle est la suivante : il s’agit, d’abord, d’une question d’équilibre. D’un point de vue sociétal, la technologie à elle seule ne résoudra pas tout, mais son apport reste important dans ce qui, pour moi, constitue la mère des batailles. La résolution des enjeux écologiques est le défi n°1. Les outils technologiques vont y contribuer. Chez Siemens, nous proposons « Optimize my Plant ». Il s’agit d’une technologie qui utilise l’intelligence artificielle. Elle permet d’optimiser l’utilisation des machines, notamment du point de vue énergétique. Ce type d’outils est une brique indispensable qui va contribuer à stabiliser puis à diminuer l’empreinte carbone des industries au sens large. Cela correspond également aux demandes de nos clients. Ces derniers souhaitent, désormais, disposer d’outils de « costing » qui intègrent non seulement le calcul du coût financier d’un projet, mais également son coût carbone. Nous proposons également d’autres solutions qui permettent, par exemple, de simuler dans le monde digital des changements de molécule lors de la fabrication d’un produit pour en mesurer le gain pour l’environnement. Ainsi, le portefeuille Xcelerator de Siemens aide les entreprises de toute taille à créer et exploiter des jumeaux numériques, qui fournissent de nouvelles informations et offrent de nouvelles opportunités ainsi que des niveaux d’automatisation encore jamais atteints, afin de stimuler l’innovation par la maitrise de la complexité. Un exemple récent et original avec la startup Nemo’s Garden et sa ferme sous-marine.