2020 fut une année particulière pour le monde de la santé. Néanmoins, ce secteur a connu et connaît encore des innovations, notamment en matière d’immunothérapie. C’est le cas pour Transgene, qui conçoit et développe un vaccin thérapeutique et des virus oncolytiques, capables, une fois injectés, de tuer les cellules cancéreuses. Nous en avons discuté avec Hedi Ben Brahim, le nouveau PDG de la société de biotechnologie strasbourgeoise.

 

Vous avez pris vos fonctions ce 1er janvier 2021. Quel est votre parcours ?

J’ai d’abord suivi une formation d’ingénieur. Ces deux dernières années, j’ai travaillé à l’institut Mérieux, qui est l’actionnaire majoritaire de Transgene, à plus de 60 %. Je m’occupais des sujets d’immunothérapie. C’est un honneur pour moi de succéder aujourd’hui à Philippe Archinard et de rejoindre l’équipe à Strasbourg. La période à laquelle j’arrive est particulièrement intéressante, car de nouveaux essais cliniques sont en cours. D’ici deux ans, nous donnerons ainsi des résultats sur tous nos produits majeurs. Mon rôle est de permettre l’accélération de ces projets, de délivrer des résultats et de les valoriser, d’un point de vue médical et scientifique, mais aussi économique, en essayant de vendre une partie de ces produits auprès des entreprises pharmaceutiques.

 

Qu’est-ce que l’immunothérapie ?

C’est un champ thérapeutique récent, qui s’ajoute à la chirurgie, la radiothérapie et la chimiothérapie, qui ont été développées au cours du XXe siècle pour traiter le cancer. L’objectif des immunothérapies est d’aider, de soutenir, de réveiller et de dupliquer l’action du système immunitaire du patient, afin qu’il puisse attaquer lui-même le cancer. L’immunothérapie existe dans d’autres secteurs, mais Transgene l’utilise uniquement contre le cancer.

 

Pour rappel, comment se déroulent les essais cliniques ?

Les essais cliniques succèdent à une phase non clinique, durant laquelle la recherche s’est faite en laboratoire. Ils se déroulent en général selon des phases 1, 2 et 3. La première permet de contrôler la sécurité du produit et de déterminer la dose et le schéma d’administration. La phase 2 sert à confirmer ces points tout en observant de premiers signes d’efficacité. Enfin, la troisième consiste en un essai plus large et randomisé. Les patients sont répartis au hasard dans un groupe témoin ou un groupe expérimental. Ils reçoivent alors le traitement en question, un traitement différent ou un placebo. Cette dernière phase permet de démontrer l’efficacité du médicament et de le mettre ensuite en vente. Actuellement, notre produit le plus avancé est en phase 2. Nous en avons plusieurs en phase 1. En parallèle, d’autres produits entreront prochainement en phase 1.

 

Parmi vos produits, il existe le TG4050. En quoi consiste-t-il ?

Le TG4050 fait partie de la franchise myvac®. Ce produit est très jeune. Dans le cas des cancers, il y a beaucoup de similarités entre chaque patient, mais aussi énormément de différences. C’est pourquoi nous avons créé un traitement individualisé, avec un médicament unique pour un patient unique. Pour ce faire, nous prélevons la tumeur et nous observons les marqueurs de chaque cellule cancéreuse. Parmi plusieurs centaines, nous choisissons les plus spécifiques et pertinents, via une intelligence artificielle. Une fois ces 30 marqueurs sélectionnés, nous les encodons dans notre virus. Ce virus est ensuite administré au patient, ce qui permet l’expression de ces marqueurs. Par conséquent, le système immunitaire va se réveiller, apprendre à réagir contre ces marqueurs grâce au vaccin, et attaquer le cancer, porteur de ces mêmes marqueurs. Nous menons deux essais cliniques de phase 1 qui ont commencé l’année dernière. Il s’agit d’une première en France. Les médecins s’occupant de ce projet dans les hôpitaux sont très enthousiastes, et les premiers résultats sur les premiers patients devraient être communiqués d’ici fin 2021. Par ailleurs, ces essais cliniques sont aussi développés aux États-Unis et en Angleterre.

 

Pouvez-vous nous parler d’un médicament dont les premiers résultats ont été connus ?

Nous avons mis au point le TG4001, qui lui, traite en particulier les cancers HPV-positifs, induits par le virus du Papillome humain, et notamment le cancer du col de l’utérus et de la sphère ORL. Là encore, nous utilisons un virus. Nous prenons les deux marqueurs principaux du papillomavirus, qui sont intégrés dans notre virus. Après avoir reçu le traitement, le système immunitaire du patient va se réveiller et apprendre à agir contre les deux marqueurs, donc contre le cancer. Le TG4001 nous a fourni des résultats très importants l’année dernière. En outre, nous avons constaté pour 35 % des patients une diminution très significative de la tumeur, à hauteur de 30 %, contre 15 % des patients pour les traitements connus. Qui plus est, tous les autres indicateurs (survie sans détérioration de la situation et sans augmentation de la masse tumorale) ont été nettement meilleurs que les standards existants. Devant des résultats si encourageants, les médecins ont souhaité poursuivre cet essai en 2021, avec davantage de patients. L’essai sera là aussi randomisé. Les détails de l’étude seront communiqués dans les prochaines semaines !

 

Ces résultats obtenus pour lutter contre les cancers causés par le papillomavirus ont-ils été plus prometteurs sur une certaine tranche d’âge, ou un profil particulier ? 

Nous avons remarqué que notre produit fonctionne très bien chez les patients qui n’ont pas de métastase dans le foie. Ce constat nous a permis de préparer l’essai clinique qui sera lancé cette année : nous nous focaliserons sur cette population.

 

L’un des points forts de Transgene est sa plateforme Invir.IO™. Quel est son rôle ?

Il s’agit toujours de virus, qui cette fois-ci, se multiplie uniquement dans les cellules cancéreuses. De plus, nous y avons codé un armement : tel un cheval de Troie, le virus va exprimer cette arme au sein de la cellule cancéreuse. Une arme qui est en fait une molécule, capable de tuer les cellules cancéreuses et de réveiller le système immunitaire. L’intérêt de la plateforme Invir.IO™ est simple. Il est possible de coder différents armements avec un seul et même virus. Un produit est déjà lancé en clinique : le TG6002. Un autre, le BT-001, va rentrer en clinique d’ici les prochaines semaines et va bien avancer cette année.

 

Nous traversons une période particulière depuis près d’un an. Que pensez-vous de la situation ?

La crise du Covid a remis l’accent sur le secteur de la santé. Ses entreprises ont retrouvé de l’attrait, car l’importance des produits de santé a été démontrée, qu’ils soient thérapeutiques ou préventifs. L’année 2021 va probablement permettre un retour d’attention sur les cancers, qui ont été un peu effacés par l’émergence du Covid. Nous constatons beaucoup d’activité dans notre domaine. Des produits sont lancés et achetés par des entreprises pharmaceutiques. Notre secteur avance, et nous sommes à la pointe de l’innovation. Nous commençons très bien cette nouvelle année, avec des produits prometteurs et des essais cliniques qui fourniront bientôt leurs résultats !