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Comment faire face à la diminution des découvertes scientifiques et innovations majeures ?

Une étude publiée le 4 janvier 2023 par une équipe de chercheurs en sciences de gestion de l’Université du Minnesota dans la revue Nature nous renseigne sur le déclin de la Recherche & Développement (R&D).Une étude publiée le 4 janvier 2023 par une équipe de chercheurs en sciences de gestion de l’Université du Minnesota dans la revue Nature nous renseigne sur le déclin de la Recherche & Développement (R&D).

Une étude publiée le 4 janvier 2023 par une équipe de chercheurs en sciences de gestion de l’Université du Minnesota dans la revue Nature nous renseigne sur le déclin de la Recherche & Développement (R&D). En étudiant plus de 25 millions d’articles scientifiques et 3,9 millions de brevets, les auteurs documentent un déclin massif, sur plus de 30 ans, du caractère « disruptif » des activités de R&D. Un phénomène mondial, qui touche toutes les disciplines et secteurs, et est associé à une sur-spécialisation des chercheurs et des ingénieurs.

Tous les acteurs du système d’innovation et de recherche – universités et écoles, entreprises, institutions publiques, Etat – doivent s’interroger sur la façon d’organiser une R&D française plus ambitieuse. Il est essentiel de combiner la spécialisation naturelle des chercheurs et ingénieurs, avec un accès renforcé à des connaissances plus diversifiées, dans d’autres champs scientifiques et techniques. Des relations renouvelées entre science et industrie peuvent alors constituer une voie intéressante !

 

Combiner spécialisation et ouverture sur de nouveaux champs scientifiques

Alors que l’avancement de carrière dans la R&D implique généralement une sur-spécialisation, de récents apports en sciences de gestion ont montré que la disruption est généralement apportée par la combinaison de connaissances et d’expertises originales, combinées à la spécialisation originelle. Ainsi, dans l’industrie, les ingénieurs plus généralistes et moins spécialisés, sont dans certaines configurations, les mieux à même de générer des innovation disruptives. Pour le monde académique, la recherche a montré que les approches multidisciplinaires entre chercheurs et chercheuses spécialisés sont souvent particulièrement fécondes. Elles restent cependant rares, notamment car elles sont difficiles à organiser et à publier. 

Quelles pistes envisager pour combiner davantage spécialisation et ouverture ? Dans le monde de l’entreprise, il s’agirait par exemple de promouvoir des trajectoires de carrières pour des experts moins spécialisés, mais qui combinent plusieurs expertises (« experts généralistes »). Le développement de collèges d’experts internes, au plus haut niveau de l’entreprise, et chargés de renouveler le patrimoine des expertises de l’organisation, peut également contribuer à cette plus grande ouverture. Dans le monde académique, une première option consiste à favoriser la conduite de recherches davantage transdisciplinaires. Ces recherches sont souvent particulièrement longues, avec des équipes disséminées sur la planète, impliquant la mobilité des chercheurs. Les organismes de financements pourraient notamment appuyer plus largement ce type d’initiatives.

Une autre piste peut être également envisagée. Comme le déclin évoqué touche à la fois la science et la technologie, il serait possible de l’enrayer doublement en créant davantage de liens féconds entre ces deux mondes.

 

Le lien science-industrie pour combiner ouverture et spécialisation

Des travaux récents pointent l’intérêt des recherches à double-impact : travailler sur des projets avec des enjeux de recherche fondamentale majeurs, mais également des objectifs d’innovation de rupture. L’entreprise peut nourrir les chercheurs par des outils, des expertises et des questions de recherche nouvelles, potentiellement sources de disruptions. Des découvertes majeures, comme la magnétorésistance géante par le Prix Nobel français Albert Fert, ou comme CRISPR-Cas9, trouvent leurs origines dans ces interactions fécondes entres science et industrie.

Quelles pistes envisager pour renforcer ces relations, qui restent limitées dans le modèle de recherche français ? Il faut se questionner sur la création d’organismes thématiques pour la R&D de rupture avec une capacité à booster les synergies entre ingénieurs et chercheurs. C’est notamment le choix fait aux Etats-Unis avec le développement des instituts « ARPA » et Industries of the Future Institutes, ou encore au Royaume-Uni et au Japon. Il faut également s’interroger sur la façon dont nos programmes et instituts préexistants peuvent s’emparer plus largement de ces recherches à double impact (CEA, programme CIFRE, Programme d’Investissement France 2030). Enfin, il faudrait mieux valoriser les contributions des chercheurs et ingénieurs respectivement à l’industrie et à la science. Par exemple, les dépôts de brevets pourraient être considérés dans l’évaluation des chercheurs, et les experts industriels pourraient être incités davantage à publier dans les revues académiques.

L’étude de l’équipe de l’Université du Minnesota nous incite à nous interroger très largement sur les causes de ce déclin du caractère disruptif des progrès scientifiques et technologiques. C’est une occasion unique d’ouvrir le débat entre tous les acteurs impliqués dans l’innovation et la recherche, pour faire évoluer nos modèles et proposer un nouveau paradigme pour une R&D française plus ambitieuse.

 

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