Créée en 2006, Natixis, filiale du groupe BPCE, se targue d’avoir une politique proactive de parité et d’égalité salariale. La banque de financement, de gestion et de services financiers a en effet mis en place des objectifs chiffrés en matière d’embauche. Entretien avec Marc Vincent, responsable mondial de la Banque de Grande Clientèle, membre du Comité de Direction Général.
Dans le milieu de la banque, secteur particulièrement masculin, Natixis a une politique proactive en matière d’égalité entre les femmes et les hommes. Quels sont les points saillants de cette démarche ?
Marc Vincent : « Le sujet de la parité est un sujet sur lequel nous travaillons depuis de nombreuses années et sur lequel nous avons décidé d’accélérer depuis trois ans. Dans les métiers de la banque et de la finance, traditionnellement, le poids relatif des jeunes femmes est assez faible, notamment dans le secteur des fusions-acquisitions. Nous avons tenu à fixer des objectifs très clairs à nos managers pour accompagner ces évolutions. Des objectifs quantitatifs avec une dizaine d’indicateurs.
Ainsi, nous demandons à nos leaders de viser une parité parfaite dans le recrutement des stagiaires car ne pas commencer dès le début revient à perpétuer le problème. Pour tout ce qui est graduate (CDD et alternants) nous visons également une parité parfaite. Ainsi que parmi les candidatures externes des jeunes de moins de 30 ans. Nous commençons donc par la nouvelle génération.
Nous nous sommes fixés des objectifs ambitieux, mais atteignables. Il est vrai qu’à l’université, les jeunes femmes s’orientent moins vers la finance. Si nous n’allons pas les chercher, elles ne viendront pas à nous. Dans cet esprit, il nous faut convaincre et communiquer. C’est ce que nous faisons avec 50 portraits de femmes, tous métiers confondus au sein de la Banque de Grande Clientèle, afin de montrer que chez Natixis, nous permettons aux femmes d’avoir une évolution professionnelle. Ces portraits diffusés en interne dans un premier temps, le seront en externe sur les réseaux sociaux et lors de forum métiers.
Nous avons également fixé, à l’horizon 2020, une proportion de 30% de femmes au sein de notre premier cercle de dirigeants après le Comité Exécutif, les Natixis Global Leaders qui regroupe 160 personnes. Aujourd’hui, nous en sommes loin, avec seulement 24% de femmes dans ce cercle.
Au niveau de la BGC, nous nous sommes fixés l’objectif d’atteindre 40% de femmes dans le cercle des leaders de notre département, contre 29% aujourd’hui sur un groupe de 340 personnes. Enfin, nous nous sommes donnés l’ambition d’atteindre 30% de femmes dans les managing directors. 35% dans les executive directors.
Vous l’avez dit, vos objectifs sont ambitieux. Comment avez-vous convaincu les équipes et comment comptez-vous les atteindre ?
M.V : Il y a du travail ! Mais attention, il ne s’agit pas de « wishfull thinking », mais d’un objectif à atteindre et c’est pourquoi c’est un critère qui entre dans l’appréciation annuelle des managers. C’est donc très incitatif pour les managers. Soit ils le font, soit ils expliquent pourquoi ils n’ont pu le faire. De mon côté, je supervise la partie fusions-acquisitions, le pourcentage de femmes dans ces métiers est incroyablement bas, je n’aurais donc jamais 30% de femmes dans ces métiers à l’horizon 2020. Le problème est parfois bien en amont.
Nous ne faisons pas cela pour faire chic ou parce que c’est à la mode, mais parce que nous sommes croyons fermement aux bienfaits de la diversité – de toutes les diversités – dans les équipes, car c’est un facteur d’enrichissement.
Je ne suis pas certain que nous atteindrons tous ces objectifs, mais je suis convaincu que nous allons tout mettre en œuvre afin de progresser.
Nous parlons de parité, d’équité, mais atteignez-vous l’égalité salariale ?
M.V : Chaque année, au moment des revues annuelles salariales, nous disposons d’une enveloppe d’égalité salariale hommes -femmes afin d’ajuster les éventuels écarts. Après plusieurs années, il est important de souligner qu’aujourd’hui, à fonction équivalente ou à poste égal et compétences égales, il n’y a pas de différences de salaires. Maintenant, si je regarde la totalité du montant que nous versons en moyenne aux femmes et aux hommes de la Banque de Grande Clientèle, ce n’est pas la même chose en raison de ce que nous disions tout à l’heure. Il y a plus d’hommes aux postes de direction, et donc le montant global distribué pour les deux populations n’est pas le même. »
WINN, un réseau gagnant
WINN pour Women In Natixis Network est un réseau créée en 2012, dans l’esprit de Financi’elles, au moment où les femmes ont émis la volonté de s’organiser et d’éveiller les consciences sur leur place dans l’entreprise. Leur premier chantier a été de réaliser un baromètre – jusque-là, aucun indicateur n’était disponible en interne. Ensuite, les 1000 adhérentes du réseau ont mis en place du mentoring. Elles proposent des événements, partout dans le monde, pour travailler sur les biais inconscients des femmes et des hommes. Enfin, il s’agit d’asseoir la visibilité de l’entreprise sur les sujets de la parité et de l’égalité.
Lara Yocarini, « évoluer dans une entreprise à taille humaine »
« Je suis entrée chez Natixis il y a un an après un parcours dans le cabinet de conseil McKinsey, au sein d’un fonds d’investissement en Afrique du Sud, aux Nations Unies à New York et dans une ONG au Bénin. J’avais déjà eu l’occasion de travailler pour Natixis en tant que consultante et j’ai sauté sur l’opportunité de pouvoir évoluer dans une entreprise en croissance et à taille humaine.
En tant que responsable de la Client management Unit de Global Markets, mon rôle et celui de mon équipe de dix personnes – à parité parfaite – est d’apporter la vision client à notre stratégie commerciale. Sur la parité et l’égalité, une politique RH active est en place dans l’entreprise et l’on sent une réelle prise de conscience sur le sujet. »
Natacha Pavlovic, « Les profils sont plus rares, à nous de les chercher »
« Mon rôle en tant que COO du département dérivés actions est de déployer la stratégie du département en réalisant un suivi des indicateurs, en développant des innovations… Je suis entrée chez Natixis il y a quinze ans, en tant que stagiaire, dès la sortie de mes études de mathématiques pour auditer le modèle interne de risques. J’ai rejoint l’inspection générale puis j’ai évolué au sein du département dérivé action en passant par le trading jusqu’à devenir COO en 2014.
Dans mon équipe de trente personnes, il n’y a que six femmes. La finance quantitative est un milieu particulièrement masculin, j’ai beaucoup de profils scientifiques autour de moi. Mettre en place une politique de parité n’est pas évident dans ce secteur car les profils féminins sont plus rares, mais à nous de les chercher. »
Article initialement publié dans le 4ème numéro de Forbes France, septembre-novembre 2018

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