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Future of World | Ce que signifierait l’embrasement de l’Afrique de l’ouest pour l’économie mondiale

Alors que l’attention du monde est braquée sur le Moyen-Orient, avec l’ouverture d’un nouveau front par Israël au Liban, une autre région du globe est sur le point de franchir un tournant historique : l’Afrique de l’Ouest. Cette région, souvent reléguée au second plan dans les analyses géopolitiques, revêt pourtant une importance stratégique indéniable pour l’économie mondiale. En effet, avec ses richesses naturelles, ses marchés en croissance et ses populations dynamiques, la zone se trouve à un carrefour qui pourrait redessiner les contours de l’économie planétaire dans les prochaines décennies. Cependant, l’instabilité croissante qui la frappe risque de provoquer des répercussions bien au-delà de ses frontières.

 L’Afrique de l’Ouest : un poids lourd des ressources mondiales

L’Afrique de l’Ouest est un véritable géant endormi. Représentant environ 5% du PIB mondial selon la Banque mondiale, la région joue un rôle crucial dans l’approvisionnement en ressources naturelles. Par exemple, elle détient environ 30% des réserves mondiales de bauxite, le minerai essentiel à la production d’aluminium. La Guinée, à elle seule, possède les plus grandes réserves mondiales, avec 7,4 milliards de tonnes estimées. Cet aluminium se retrouve dans les produits de consommation courante, des canettes de boissons aux pièces automobiles, et son accès continu est vital pour les chaînes de production mondiales.

Le secteur aurifère est également un pilier de l’économie de l’Afrique de l’Ouest. Le Ghana et le Mali font partie des plus gros producteurs d’or en Afrique, avec le Ghana surpassant même l’Afrique du Sud pour devenir le premier producteur du continent. Le rôle de l’or n’est pas seulement financier ; il représente une valeur refuge pour de nombreux pays, surtout en période d’incertitude économique. En outre, les ressources pétrolières et gazières prennent une place de plus en plus prépondérante. Le Sénégal et la Mauritanie, par exemple, devraient devenir des acteurs majeurs du marché gazier mondial d’ici 2025, avec des réserves estimées à plus de 1 300 milliards de mètres cubes.

Cette abondance de ressources place l’Afrique de l’Ouest au centre de l’attention des multinationales, mais également des grandes puissances économiques. Pourtant, l’exploitation de ces richesses est mise en péril par des défis croissants, qui menacent de bouleverser les chaînes de valeur mondiales.

Les défis multiples : pauvreté, instabilité et appétits croissants

Le paradoxe de l’Afrique de l’Ouest réside dans le contraste entre son immense potentiel économique et les défis titanesques auxquels elle fait face. D’abord, l’instabilité politique est devenue la norme plutôt que l’exception. Les récents coups d’État au Mali, en Guinée, et plus récemment au Niger, ont plongé la région dans une incertitude chronique. Ces événements s’inscrivent dans une dynamique plus large d’érosion de la gouvernance démocratique, alimentant l’insécurité et la méfiance des investisseurs.

Le phénomène du djihadisme, qui s’est étendu à partir du Sahel, représente un autre défi majeur. Les attaques des groupes armés liés à Al-Qaïda et à l’État islamique se multiplient, entravant les efforts de développement et forçant des millions de personnes à fuir. L’insécurité exacerbe les vulnérabilités de la région, mettant en péril l’accès à la mer pour les pays sahéliens enclavés comme le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad, et complexifiant davantage les échanges commerciaux.

Par ailleurs, la pauvreté endémique, avec plus de 40% de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté, empêche la réalisation du potentiel économique de la région. Cette situation est paradoxale lorsqu’on sait que des pays comme le Sénégal ont récemment découvert des gisements d’hydrocarbures importants qu’ils s’apprêtent à exploiter. Ces découvertes suscitent des espoirs mais aussi des appétits, et posent des questions sur la manière dont ces nouvelles ressources seront gérées. Le Sénégal, autrefois un modèle de stabilité démocratique, est aujourd’hui en proie à des tensions sociales exacerbées par la perspective de la manne pétrolière.Ces défis, qu’ils soient sécuritaires, politiques ou économiques, ne sont pas uniquement des questions internes à l’Afrique de l’Ouest. Ils ont des répercussions directes sur l’économie mondiale, créant un terrain propice à l’intervention des grandes puissances.

Scénarios pour l’avenir : un tournant crucial pour l’économie mondiale

De fait, l’avenir de l’Afrique de l’Ouest pourrait prendre plusieurs directions, chacune ayant des conséquences majeures sur l’économie mondiale. Dans un premier scénario, la région parvient à surmonter ses défis. Grâce à un regain de stabilité politique et des investissements massifs dans les infrastructures, les économies ouest-africaines pourraient exploiter pleinement leur potentiel. Cela entraînerait une croissance rapide, attirant davantage d’investissements étrangers et consolidant le rôle de l’Afrique de l’Ouest en tant que fournisseur clé de ressources naturelles. L’essor des hydrocarbures au Sénégal et en Mauritanie pourrait aussi diversifier l’approvisionnement mondial en gaz, atténuant la dépendance à l’égard de certains pays du Moyen-Orient.
Un second scénario, plus pessimiste, envisage une intensification des conflits et de l’instabilité. Si les tensions sécuritaires continuent de s’aggraver, l’accès aux ressources naturelles sera compromis, perturbant les chaînes d’approvisionnement mondiales. Cela aurait pour effet de renforcer l’inflation sur les matières premières, notamment l’aluminium et l’or, et d’ajouter de nouvelles pressions sur une économie mondiale déjà fragilisée par les tensions géopolitiques et les conséquences de la pandémie de COVID-19.
Un troisième scénario pourrait voir l’Afrique de l’Ouest devenir un champ de bataille de la nouvelle guerre froide entre grandes puissances. Les intérêts chinois et américains, de plus en plus présents, se heurtent à ceux de la Russie, de l’Europe et d’acteurs émergents comme la Turquie. La Chine, qui a déjà investi plus de 10 milliards de dollars dans la région, voit l’Afrique de l’Ouest comme une extension naturelle de son initiative « Belt and Road ». L’Europe, quant à elle, se bat pour maintenir son influence face à la Russie, dont l’influence se renforce à travers des partenariats militaires et économiques. Cette dynamique de rivalité pourrait soit ouvrir de nouvelles opportunités de développement pour la région, soit accentuer les fractures et les conflits.

Changer de paradigme

L’Afrique de l’Ouest se trouve à un moment critique de son histoire, un carrefour où les routes de l’opportunité et de la tragédie se croisent. Le potentiel de la région est indéniable, mais il est tout aussi évident que sa trajectoire future dépendra de sa capacité à relever les défis colossaux auxquels elle est confrontée. Le monde ne peut plus se permettre de détourner les yeux, car comme le disait Albert Einstein : « La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent. » Aujourd’hui, l’Afrique de l’Ouest est à la croisée des chemins, et le choix du rêve ou du cauchemar n’appartient pas seulement à ses habitants, mais à l’humanité tout entière.


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