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Bâtir une carrière qui vous soutient sur le long terme

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Bâtir une carrière qui vous soutient sur le long terme. Source : Getty Images

Dans le monde du travail d’aujourd’hui, les carrières se jouent au sein d’équipes plus autonomes, plus rapides et plus complexes que jamais. Pour les dirigeants, le défi n’est plus seulement de suivre le rythme : il s’agit de construire des carrières et des équipes capables de durer, d’innover et de s’adapter à un environnement en perpétuelle mutation.

 

Mais voici le paradoxe : impossible de diriger avec clarté quand on est à bout de forces. Impossible de prendre des décisions solides quand la fatigue est chronique. Impossible de bâtir une carrière durable si l’on est sans cesse en train de se remettre d’un épuisement. Et encore moins de développer une équipe ou une culture florissante si l’on s’épuise en silence pour que tout tienne debout.

Je l’ai constaté de près, autant dans mon parcours que dans l’accompagnement des dirigeants et des équipes que je conseille : nous sommes trop nombreux à avoir intégré ce message toxique — réussir exige de se sacrifier. Être leader, c’est rester disponible, dopé à l’adrénaline, toujours en action.


Or, se consumer pour performer finit par miner l’énergie dont on a le plus besoin : celle qui permet de diriger avec clarté, présence et discernement, précisément quand l’enjeu est crucial.

La bonne nouvelle ? Nous n’avons plus à fonctionner ainsi. Nous pouvons bâtir des carrières et des organisations qui misent sur la résilience et la force émotionnelle à long terme, plutôt que sur des pics de performance à court terme. Mais cela suppose un virage radical : moins de ce qui nous épuise, et davantage de ce qui nous booste.

 

Les données sont claires : dans votre carrière, faire moins peut rapporter plus

De plus en plus d’études confirment une vérité que beaucoup pressentent déjà : le surmenage ne prouve rien, sinon notre épuisement. Quant à l’idée de se démener sans relâche, elle relève davantage d’un mème culturel que d’une stratégie efficace — visible, superficielle et souvent contre-productive pour la performance comme pour le bien-être.

Un projet pilote mené au Royaume-Uni sur la semaine de quatre jours dans 61 entreprises a montré que la productivité restait stable, voire augmentait, tandis que l’épuisement professionnel, les démissions et les arrêts maladie chutaient spectaculairement. Résultat : plus de 90 % des entreprises ont décidé d’adopter ce modèle au-delà de l’expérimentation.

Et la question ne se limite pas au nombre d’heures. Une analyse menée auprès de travailleurs du savoir révèle que les pauses et la flexibilité des horaires renforcent la performance, restaurent la clarté cognitive et réduisent les erreurs coûteuses.

Les dirigeants les plus performants que j’ai rencontrés ne sont pas les plus occupés. Ils ont cessé de confondre activité et valeur. Leur force ? Diriger avec intention, pas avec une intensité permanente. Passer de l’intensité à l’intentionnalité n’est pas un luxe : c’est un choix stratégique.

 

Le coût professionnel est particulièrement élevé pour les femmes

Il est important de rappeler cette réalité : la charge n’est pas répartie équitablement. Dans son livre This Isn’t Working, Meghan French Dunbar souligne un constat frappant : « Le bien-être des femmes qui travaillent décline plus rapidement que celui des hommes. »

Il s’agit là d’une défaillance systémique que nous ne pouvons ignorer. Comme Meghan French Dunbar me l’a expliqué : « Le monde des affaires a été conçu par des hommes, pour des hommes. Les femmes ne sont autorisées à y pénétrer en nombre significatif que depuis cinquante ans. Cela signifie que nous avons été exclues de l’élaboration des systèmes, des cultures et des normes de travail pendant la majeure partie de son histoire. Les hommes qui ont conçu ces systèmes avaient souvent des convictions patriarcales selon lesquelles les femmes étaient inférieures, et ces convictions se sont infiltrées dans les politiques, les modèles de leadership et les règles tacites du lieu de travail. »

Aujourd’hui, les femmes sont bien présentes, mais les systèmes continuent d’exiger d’elles qu’elles dirigent comme si elles pouvaient travailler sans tenir compte de leur santé, de leur rôle familial ou de leur énergie.

Les femmes (en particulier celles de couleur) sont souvent félicitées pour « tout faire », tout en étant surchargées de tâches invisibles, de gestion émotionnelle et de performances excessives simplement pour être considérées comme compétentes. Je l’ai vécu, tout comme la plupart des femmes dirigeantes que je connais.

Et lorsque les femmes s’épuisent, l’impact se fait sentir sur les organisations : la culture s’affaiblit, l’innovation ralentit, et la confiance s’érode.

Si les systèmes actuels ne servent ni les femmes ni les organisations, à quoi ressemble alors le vrai succès ?

 

Un indicateur plus pertinent que la simple performance : l’épanouissement humain

Dans le cadre du programme Human Flourishing de Harvard, le Dr Tyler VanderWeele propose un cadre pour repenser le succès. Plutôt que de ne mesurer que les résultats, il pose la question essentielle : les personnes s’épanouissent-elles ?

Les six piliers fondamentaux de l’épanouissement sont :

  • Le bonheur et la satisfaction dans la vie
  • La santé mentale et physique
  • Le sens et le but
  • Le caractère et la vertu
  • Les relations sociales étroites
  • La stabilité financière et matérielle

VanderWeele souligne un point crucial : l’épanouissement ne peut pas être relégué au rang de « temps libre » à trouver entre deux tâches. Il doit être le point de départ de la conception de nos vies, de notre leadership et de nos organisations.

Plus qu’une philosophie, c’est une stratégie de performance. Les entreprises qui mettent le bien-être, l’autonomie, les relations et le sens au cœur de leur fonctionnement surpassent systématiquement celles qui reposent sur le travail acharné et l’épuisement « héroïque ».

Meghan souligne cette idée : « Lorsque les dirigeants comprennent cela, ils commencent à voir le soin de soi non pas comme un luxe, mais comme une responsabilité. S’occuper de soi permet de donner le meilleur de soi aux autres.»

 

Diriger avec des limites, bâtir des carrières durables

Dans This Isn’t Working, Meghan donne des exemples concrets d’entreprises qui font les choses autrement :

  • Torani Syrups a mis en place des systèmes collaboratifs qui réduisent l’isolement, priorisent la santé mentale et donnent un véritable sens au travail des employés. Résultat : une croissance de plus de 20 % par an depuis plus de trois décennies.
  • Eileen Fisher,WOCStar Capital et EO Products mettent tous l’accent sur le bien-être, l’inclusion et le sens, et pas seulement sur la productivité.

« Nous n’avons pas besoin d’inventer de nouveaux modèles », m’a expliqué Meghan. « Nous pouvons apprendre de ceux qui réussissent, adapter leurs pratiques et les mettre à l’échelle. »

 

Cinq changements pour construire une carrière dont vous n’aurez pas à vous remettre

Vous n’avez pas besoin de réinventer votre entreprise pour amorcer des changements. Mais vous avez besoin d’une structure. Voici par où commencer :

  1. Prenez le temps de réfléchir. Pas juste une mise à jour de statut, mais un vrai bilan de carrière.

Une carrière dont vous n’aurez pas à vous remettre commence par une vision claire de ce qui compte vraiment. La réflexion, c’est la boussole.

Taylor Swift l’a récemment résumé dans le podcast New Heights : « Considérez votre énergie comme un produit de luxe. Tout le monde ne peut pas se le permettre… Ce à quoi vous la consacrez, c’est ce qui compte. »

Elle a raison : l’énergie est votre ressource la plus précieuse. La réflexion vous permet de voir où elle va et si elle est alignée avec la carrière que vous méritez et à laquelle vous aspirez.

  • Tête : Ai-je des priorités claires ou suis-je constamment en train de courir après tous les problèmes ?
  • Cœur : Suis-je fidèle à mes valeurs ou suis-je en train de jouer le scénario de quelqu’un d’autre ?
  • Corps : Est-ce que je préserve mon énergie ou est-ce que j’ignore les signaux d’épuisement ?

Le burn-out est un signal d’alerte. La réflexion est le moyen de corriger le tir avant que l’épuisement ne définisse votre parcours professionnel.

  1. Se ressourcer : une pratique professionnelle, pas un luxe

Une carrière que l’on souhaite mener sur plusieurs décennies exige de l’endurance, pas seulement des poussées d’adrénaline. Se ressourcer devient le carburant du leadership. Accordez-vous du temps pour réfléchir, bouger, penser profondément, voire simplement ne rien faire. Ces pauses ne sont pas des distractions : elles sont ce qui permet à votre carrière de durer.

Dans Smarter, Emily Austen remet en question la culture du travail acharné avec son « Club des 8 heures », une réponse ironique au culte du réveil à 5 heures du matin. Son message est clair : la productivité se construit sur mesure. Suivre la routine de quelqu’un d’autre n’est pas un signe d’ambition, mais un chemin sûr vers l’épuisement.

Il en va de même pour le leadership. Se ressourcer n’est pas un luxe, c’est une infrastructure essentielle. Les leaders qui durent sont ceux qui cessent de mesurer leur valeur à l’aune de leurs heures de bureau et commencent à concevoir leur carrière autour de ce qui les soutient réellement.

Comme le rappelle Tony Schwartz, fondateur de The Energy Project, une performance durable ne dépend pas de votre endurance, mais de votre capacité à récupérer et à vous renouveler.

  1. Redéfinir : pas « occupé », mais « efficace »

Dans le monde du travail actuel, où autonomie, rapidité et complexité dictent le quotidien, courir après chaque urgence n’est pas du leadership : c’est de la survie. Savoir distinguer l’urgent de l’important est essentiel pour bâtir une carrière durable et des équipes performantes. Cessez de glorifier les agendas surchargés ou les heures accumulées. Cessez de porter ce qui ne vous appartient pas. Le vrai succès et la performance durable reposent sur la clarté, la résilience émotionnelle et la capacité à poser des limites.

Dans Smarter, Emily Austen décrit ce piège comme le « cycle de dépendance à l’approbation » : des agendas saturés et des routines à 5 heures du matin deviennent des symboles de travail acharné plutôt que des mesures de valeur. « Le travail acharné est devenu une monnaie d’échange », alerte-t-elle. Et elle a raison. Ce n’est pas seulement un piège individuel, c’est un défaut structurel du leadership : lorsque les dirigeants confondent visibilité et valeur, l’épuisement se normalise comme preuve d’ambition.

Votre équipe suivra ce que vous montrez et récompensez, pas ce que vous prêchez. Montrez que l’efficacité repose sur la concentration et les limites, et non sur la surcharge de travail.

  1. Révéler : ne gardez pas le silence, dites la vérité sur votre carrière

Une carrière dont vous n’aurez pas à vous remettre est une carrière où vous pouvez parler ouvertement de ce qui fonctionne, de ce qui ne fonctionne pas et de ce qui doit changer. Les gens peuvent gérer l’incertitude, mais pas l’abandon. Le silence nourrit la peur ; la transparence construit la confiance. Signalez les charges de travail irréalistes ou les attentes tacites avant que de petites fissures ne deviennent de véritables fractures.

Soyez réaliste. Soyez clair. Soyez attentif. C’est ainsi que vous créez une culture où les carrières et les individus peuvent véritablement s’épanouir.

  1. Recalibrer : ne vous concentrez pas uniquement sur les résultats, construisez des carrières durables

Le monde du travail d’aujourd’hui ne récompense pas les performances infinies, mais l’adaptabilité, la clarté et la qualité des relations. C’est pourquoi le recalibrage est crucial pour des carrières qui prospèrent.

Ne vous demandez pas seulement si vous êtes performant ; demandez-vous si vous et votre équipe vous épanouissez. L’énergie, la connexion et l’alignement sont les vrais indicateurs de durabilité dans un environnement en constante évolution.

Même de petits gestes comptent : un entretien individuel de 15 minutes, une écoute attentive, peut transformer toute une culture. Posez-vous régulièrement les questions : avons-nous de l’énergie, sommes-nous connectés et alignés ? Quels obstacles subsistent ? Quelles réussites méritent d’être célébrées ?

Comme Meghan le souligne : « Quand les gens se sentent vus et entendus par leur leader, leur perception du travail change. C’est un changement simple en apparence, mais capable de transformer la culture en profondeur. »

Ensemble, ces pratiques créent un nouveau rythme de leadership : réfléchir, se ressourcer, redéfinir, révéler, recalibrer. Voilà la cadence des carrières durables. C’est ainsi que l’on cesse de diriger en pilote automatique pour commencer à diriger de manière réfléchie. C’est ainsi que l’on construit le type de carrière et de culture dont on n’a pas besoin de se remettre.

 

Dirigez avec intention et construisez une carrière durable

On parle souvent de leadership durable, mais la durabilité n’est pas un état d’esprit : c’est un choix conscient. Vous pouvez rester ambitieux. Vous pouvez continuer à exceller. Mais il n’est pas nécessaire de vous épuiser pour le prouver.

La vraie mesure d’un leadership réfléchi ne se compte pas en heures travaillées, mais dans la longévité des carrières et la solidité des cultures que vous contribuez à créer.

 

Une contribution de Daisy Auger-Domínguez pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie


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