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Startups IA : l’idée ne suffit plus

Dans un marché de l’IA qui se rationalise, les idées seules ne suffisent plus. L’avenir est aux startups qui transforment l’innovation en exécution solide, mesurable et durable. Olivier Reynaud (CEO) et Rudy Lellouche (CPTO), cofondateurs d’Aive, appellent à une IA responsable, ancrée dans l’usage et la rigueur technologique.

Une contribution de Olivier Reynaud, CEO et Rudy Lellouche (CPTO), confondateurs d’Aive

 

Le marché de l’intelligence artificielle entre dans une phase de consolidation. Après
l’explosion des promesses, des levées de fonds et des initiatives qui ont fait naître plus de 1
000 startups IA en France en 2025, les limites apparaissent : beaucoup de projets manquent de fondations solides, de cas d’usage clairs et de preuves de valeur. Comme toute technologie émergente, l’IA traverse sa phase de bulle. Les régulateurs resserrent l’encadrement (AI Act en Europe), les entreprises deviennent plus prudentes, et plus de 40% des projets agentiques pourraient être abandonnés d’ici 2027.


 

L’angle mort des projets IA : l’exécution

Une idée brillante ne suffit pas : l’échec des projets IA vient souvent d’une mauvaise exécution. Manque de données fiables, infrastructures coûteuses ou instables, et inadéquation avec les besoins réels freinent leur succès. L’IA s’implante dans un environnement complexe, où stratégie claire, industrialisation solide et distribution pensée sont indispensables. La startup américaine Eaze, malgré une bonne technologie, a fermé fin 2024 à cause de dépendances externes, de contraintes réglementaires et de tensions internes.

Parmi les dangers invisibles, il y a les “hallucinations” : jusqu’à 27 % des contenus générés contiennent des erreurs factuelles, ce qui coûte cher en temps de vérification et peut faire perdre la confiance des utilisateurs. La sécurité est aussi un vrai problème : en 2024, une fuite de données coûte en moyenne 4,88 millions de dollars, et beaucoup d’incidents concernent des données non contrôlées. Les outils IA peuvent révéler des informations sensibles, il faut protéger les données avec du chiffrement, des règles strictes et des audits réguliers.

La propriété intellectuelle est cruciale : les récents jugements montrent qu’il faut clarifier qui
possède les données, modèles et résultats, sous peine de sanctions ou de perte de clients. Par ailleurs, beaucoup de startups IA ne font qu’une interface pour un grand modèle, sans réelle valeur ajoutée. Pour durer, il faut créer ses propres données, diversifier ses modèles et entraîner ses algorithmes. Ces risques se maîtrisent, mais seulement si on les intègre dès le début du projet.

 

Ce que les startups doivent cultiver pour survivre et croître

Pour survivre et croître, les startups doivent impérativement impliquer les équipes métier dès le départ. Trop souvent, les projets se concentrent sur une prouesse technique sans répondre à un besoin réel. Co-construire avec les utilisateurs garantit la pertinence, l’adoption et un impact concret. L’IA n’est pas une fin en soi, mais un levier dont l’efficacité doit être mesurable. Un agent IA qui produit des hallucinations ou ralentit les processus ne crée pas de valeur, il en détruit. En France, si 94 % des entreprises industrielles investissent dans l’IA, seules 2 % constatent un retour sur investissement significatif en 2024, soulignant l’importance de focaliser sur l’usage et le ROI.

Réussir nécessite aussi d’allier une culture produit forte à une rigueur opérationnelle sans faille. Sans simplicité, pertinence et adoption, une IA reste un gadget surdimensionné. Et sans fiabilité, scalabilité ou qualité de données, elle devient rapidement inutilisable. Ces deux exigences sont indissociables pour créer des produits réellement viables. Cela implique aussi de structurer des roadmaps sobres et progressives : avancer par étapes maîtrisées plutôt que viser la solution parfaite d’emblée. Chaque jalon doit générer une valeur concrète, au service d’une montée en puissance durable. Car à la base de tout cela, il y a la donnée, fondement de toute performance. Trop de projets échouent à cause de jeux de données instables, incomplets ou dépendants d’acteurs tiers. Produire, contrôler et qualifier ses propres données n’est pas un choix technique secondaire, mais une stratégie clé de fiabilité, de sécurité et de résilience sur le long terme.

Le marché de l’IA entre dans une phase de maturité : les clients deviennent plus exigeants, les budgets se resserrent, et les démonstrations techniques ne suffisent plus. Ce qui compte désormais, c’est la capacité à transformer une technologie prometteuse en un produit fiable, performant et réellement utile. L’exécution rigoureuse fait la différence, et ceux qui font les bons choix dès le départ prendront l’avantage. Mais au-delà de l’innovation, une autre responsabilité s’impose : celle de l’impact global. L’IA est énergivore, et poursuivre sans générer de valeur ajoutée revient à ignorer les enjeux environnementaux. Intégrer sobriété, écoconception et maîtrise de l’empreinte carbone dès la stratégie n’est plus un luxe, mais une nécessité. Il est temps de construire des IA réellement utiles, mesurables et durables.

 

Sources 

Ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, 2024 Gartner Predicts Over 40% of Agentic AI Projects Will Be Canceled by End of 2027, Gartner, 2025
Chatbots May ‘Hallucinate’ More Often Than Many Realize, The New York Times, 2023
Rapport 2024 sur le coût d’une violation de données, IBM, 2024
10e édition annuelle du rapport sur la situation de la fabrication intelligente, Rockwell Automation, 2025

 


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