Et si concevoir l’espace de vos rêves ne nécessitait plus ni nuanciers, ni échantillons de tissu, ni des semaines d’attente ? Alors que la Proptech s’est longtemps concentrée sur l’automatisation, la data et l’efficacité administrative, un autre virage s’amorce — plus discret, mais tout aussi décisif : celui de la créativité.
Jusqu’ici, les technologies immobilières visaient surtout à dématérialiser les tâches fastidieuses : numérisation des baux, gestion simplifiée des dépôts, automatisation des assurances… Mais la prochaine révolution ne se joue ni dans les signatures, ni dans les contrats. Elle se niche dans l’imaginaire. Et les investisseurs ne s’y trompent pas : en 2024, le capital-risque injecté dans la tech immobilière a atteint 15,1 milliards de dollars.
Un domaine clé de cette évolution est l’échantillonnage en 3D alimenté par l’IA de la proptech. Grâce à l’IA et aux rendus 3D photoréalistes, designers et architectes peuvent désormais matérialiser leurs idées sans attendre l’arrivée d’un échantillon physique.
C’est précisément ce que propose Mattoboard, une start-up qui virtualise les matériaux avec une précision bluffante — texture, lumière, brillance, profondeur — le tout en quelques clics. Soutenue par 2 millions de dollars levés auprès d’Acrobator Ventures, avec le soutien stratégique de Home Depot, l’entreprise veut repenser les fondations du design architectural. Pour son PDG et cofondateur Guy Ailion, architecte de formation, c’est une mission personnelle : « L’échantillonnage physique freine tout le secteur. Présenter des palettes aux clients, les ajuster au fil des retours… c’est un processus long et souvent frustrant. »
Avec plus de 200 000 professionnels utilisateurs, et des partenaires comme Behr, Formica ou Jung, Mattoboard s’impose comme un nouvel outil incontournable. Son catalogue numérique haute fidélité, enrichi par l’IA, permet de passer de l’idée au rendu client avec une vitesse et une agilité inédites.
Quand l’IA redéfinit l’expérience de conception dans la Proptech
Longtemps centrée sur l’automatisation des tâches répétitives, la Proptech explore désormais un territoire plus sensoriel : celui de l’esthétique, de l’émotion et de l’expérience visuelle. Pour Guy Ailion, cette dimension créative — l’ambiance, la sensation, l’évolution des espaces — est appelée à devenir l’un des leviers les plus puissants du secteur. « L’IA est déjà très performante dans la gestion administrative », observe-t-il. « Mais la conception est un univers visuel : c’est là que la 3D et l’IA vont avoir l’impact le plus fort. »
Un autre acteur incarne cette vision : Theia, une start-up qui mise sur l’IA générative pour transformer de simples instructions textuelles en rendus d’aménagement complets. Il suffit de décrire un besoin — « une cuisine moderne, baignée de lumière naturelle, avec des finitions scandinaves » — pour obtenir en quelques secondes plusieurs propositions cohérentes et visuellement abouties. Le moteur de Theia s’appuie sur les bonnes pratiques architecturales et des bases de données de matériaux pour générer des résultats contextualisés et adaptés aux attentes du client.
Bien au-delà du secteur immobilier, des plateformes comme Canva redéfinissent les attentes en matière d’outils visuels. Avec son interface intuitive et ses fonctionnalités collaboratives, l’outil australien, qui a démocratisé la création graphique, séduit désormais agents immobiliers, architectes d’intérieur et spécialistes du marketing immobilier.
Des planches d’ambiance aux visuels d’annonces en passant par les pitch decks, tout peut être conçu sans compétences techniques poussées. Et son ascension parle d’elle-même : Canva est aujourd’hui valorisée à près de 50 milliards de dollars. Ce succès illustre un changement de paradigme : les outils de design peuvent migrer du grand public vers l’entreprise sans sacrifier leur simplicité d’usage. Une leçon précieuse pour les start-ups de la Proptech, qui cherchent à rendre la création d’espaces aussi fluide qu’un glisser-déposer.
Au cœur de cette dynamique, c’est toute une ambition qui se dessine : rendre la conception visuelle accessible aux non-spécialistes. Agents, propriétaires, promoteurs… L’IA et les outils intuitifs bousculent les codes, en donnant à chacun les moyens de participer à la conception visuelle.
Cette évolution ouvre des perspectives majeures. Imaginez des jumeaux numériques non seulement pour les bâtiments, mais aussi pour des catalogues interactifs de matériaux, de couleurs et de mobilier, mis à jour en temps réel. Les designers pourraient ajuster l’ambiance d’un espace en quelques clics, en direct, selon les retours de leurs clients.
Une telle souplesse séduit une nouvelle génération d’acheteurs : les milléniaux et la génération Z représentent désormais 60 % des acquéreurs de logements et privilégient la personnalisation et la flexibilité dans leurs projets de rénovation. Face à un parc immobilier vieillissant qui réclame une seconde vie, cette approche visuelle portée par la Proptech s’impose comme une évidence. L’avenir du secteur ne se jouera peut-être plus dans l’arrière-boutique numérique, mais dans la capacité à transformer une idée en espace tangible, rapidement et avec émotion.
Une contribution de Ilona Limonta-Volkova pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie
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