L’IA s’invite désormais dans toutes les conversations de direction. Pourtant, derrière le vernis des discours enthousiastes, la mise en pratique varie largement. Pour certains, l’IA se résume à distribuer des licences de chatbots. Pour d’autres, il s’agit d’attendre que leur éditeur de logiciels ajoute de nouvelles fonctions. Quelques-uns vont plus loin, en déployant des assistants internes capables de puiser dans les données de l’entreprise pour répondre aux questions des employés. Dans la plupart des cas, l’objectif reste le même : booster la productivité.
Peu de dirigeants évoquent pourtant l’investissement le plus stratégique : mettre l’IA au service d’une refonte profonde du travail, afin de créer de nouvelles offres clients ou d’inventer de nouveaux modèles économiques. C’est précisément dans cet écart entre discours et transformation que les entreprises les plus audacieuses peuvent prendre une véritable avance dans la course à l’IA.
Construire ou attendre ?
Toutes les IA ne se valent pas. Certes, le déploiement de chatbots basés sur de grands modèles de langage ou d’assistants internes représente une étape clé : il permet d’acculturer les équipes et d’améliorer l’efficacité opérationnelle au quotidien. De plus, l’intégration progressive de fonctionnalités d’IA dans les ERP, les CRM ou d’autres logiciels métiers facilite l’adoption : les employés retrouvent ces capacités dans des outils déjà ancrés dans leurs usages.
Mais cette apparente simplicité a son revers. En se contentant d’utiliser des modules d’IA intégrés à des systèmes existants, les organisations se limitent souvent à optimiser leurs processus actuels, plutôt qu’à les repenser en profondeur.
Face à cette situation, beaucoup de dirigeants choisissent la prudence. Ils privilégient par défaut les solutions logicielles standardisées, jugées plus sûres et plus familières. Pourtant, cette approche rassurante peut rapidement devenir un frein, en empêchant l’entreprise d’explorer des usages réellement différenciants.
Le goulot d’étranglement de la créativité et du courage
Lors d’un discours à l’AI Startup School de Y Combinator, Andrew Ng a mis en lumière une évolution saisissante : les équipes passent d’un ratio classique d’un chef de produit pour quatre ingénieurs à… un chef de produit pour un demi-ingénieur.
Autrement dit, nous sommes entrés dans une ère où le coût et la complexité du développement logiciel s’effondrent. Grâce aux capacités de génération de code de l’IA, il est désormais possible d’adapter des solutions aux besoins les plus spécifiques avec une rapidité inédite. Les gains d’efficacité sont tels que la question n’est plus comment construire, mais quoi construire.
Concevoir des solutions d’IA sur mesure exige cependant un profond changement de mentalité. Cela suppose créativité, audace et conviction. Or, beaucoup d’organisations ont vu leur capacité à imaginer et développer des systèmes adaptés dépérir au fil des années, faute d’investissement ou d’ambition. Les futurs leaders, eux, renforceront leur expertise produit et réinvestiront dans le développement logiciel comme levier central de leur stratégie.
Ce virage implique aussi une nouvelle tolérance au risque. Plutôt que de rester spectateurs pendant que d’autres prennent de l’avance, les pionniers de l’IA reconnaissent que les bénéfices d’une participation active dépassent de loin les coûts potentiels en dette technique.
Pourquoi miser sur une IA sur mesure
Les véritables gagnants de la course à l’IA ne se contenteront pas d’utiliser la technologie pour soutenir leur activité. Ils construiront un avantage compétitif dans ce qu’ils proposent et dans la manière même dont leur organisation fonctionne. Cela passera par des systèmes propriétaires, conçus spécifiquement pour leurs besoins, intégrant une logique sur mesure, des flux de données solidement intégrés et une cartographie des processus transversale. Ces solutions pourront orchestrer et exécuter des flux de travail complexes, reliant équipes, services et systèmes. L’IA y prendra des décisions, gérera les exceptions et produira des résultats à grande échelle.
Franchir ce cap reste exigeant. Cela suppose des investissements lourds en infrastructure, en intégration et en conduite du changement. Les entreprises devront surmonter des silos parfois anciens, ainsi qu’une méfiance persistante entre directions informatiques et équipes dirigeantes. Dans certains cas, l’achat de solutions prêtes à l’emploi restera la voie la plus rationnelle. Mais, pour les enjeux stratégiques majeurs, les systèmes sur mesure s’avéreront non seulement rentables, mais aussi porteurs d’un avantage concurrentiel durable.
Par où les dirigeants doivent-ils commencer ?
Pour ceux qui veulent aller au-delà des outils standards et bâtir une IA sur mesure, cinq chantiers prioritaires s’imposent :
- Une stratégie d’IA claire. Les dirigeants doivent sans cesse se demander : optimisons-nous simplement nos processus actuels ou redéfinissons-nous la manière dont nous créons de la valeur ? Les entreprises les plus innovantes ne se contentent pas de gains de productivité : elles s’appuient sur l’IA pour inventer de nouveaux modèles économiques, développer des offres inédites et renforcer leurs avantages concurrentiels.
- Un rôle stratégique pour l’informatique. L’IA sur mesure redonne à la DSI une place centrale. Les futurs leaders investissent en conséquence, considérant l’IT comme un moteur de transformation et non comme un simple support.
- Une solide capacité de développement logiciel. Les organisations performantes mettent en place des équipes transversales réunissant experts produit, ingénieurs, responsables de processus et dirigeants. Cette approche collaborative permet de transformer les idées en solutions concrètes.
- Des données propriétaires valorisées. Les entreprises regorgent de données uniques, mais trop souvent, elles attendent que des fournisseurs tiers les exploitent. Les pionniers s’appuient sur leurs propres ressources pour bâtir des systèmes différenciants.
- Un changement de mentalité. Les dirigeants doivent encourager la prise de risques mesurée et l’apprentissage par l’expérimentation, tout en évitant la tentation de se limiter à des solutions incrémentales et « rassurantes ».
En définitive, la transformation par l’IA ne commence pas avec le déploiement d’outils. Elle repose sur la capacité des organisations à repenser en profondeur la manière dont le travail est accompli, dont les décisions sont prises et dont la valeur est créée.
Une contribution de Sarah Elk pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie
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