Passion et curiosité, ces qualités humaines que l’IA ne code pas encore 

La French Tech fait face à un paradoxe fascinant : d’un côté, elle recrute massivement avec une progression de 5,8 % d’emplois créés en 2024 ; de l’autre, elle peine à dénicher les bons profils dans un contexte où 39 % des compétences actuelles seront obsolètes d’ici 2030. 

Une contribution de Capucine Roche, CEO de Letsignit

Dans ce contexte mouvant, l’intelligence artificielle (ou IA) rebat les cartes des compétences professionnelles. Deux qualités profondément humaines, non transmissibles et non synthétisables, font déjà toute la différence : la passion et la curiosité, qui pourraient s’affirmer comme un avantage concurrentiel de tout premier ordre pour les entreprises de la tech à l’ère de l’IA. 

Quand l’IA redéfinit la valeur des compétences humaines 

D’ici 2035, 80 % des métiers verront au moins 10 % de leurs tâches transformées par l’IA, et 30 à 40 % de nos activités auront profondément changé. En prenant en charge de plus en plus de missions et en automatisant progressivement les tâches techniques, l’IA commence à changer la donne en matière de critères de recrutement. Pour laisser plus de place aux qualités interpersonnelles, à l’enthousiasme ou à la créativité. Ces qualités sont des atouts stratégiques sur lesquels les entreprises peuvent miser dès aujourd’hui. 

Le rapport Global Talent Trends 2024 de LinkedIn révèle que 89 % des recruteurs attribuent les erreurs de casting à un déficit de soft skills (ou compétences comportementales) plutôt qu’à des lacunes techniques. Pour 80 % des employeurs, la capacité à apprendre et à s’adapter prime désormais sur la maîtrise d’un langage de programmation. Dans un écosystème tech en perpétuelle évolution, les start-ups et scale-ups françaises recherchent des talents capables de grandir avec elles. 

Passion et curiosité : deux moteurs de l’inventivité humaine 

Parmi les soft skills, la passion et la curiosité se distinguent par leur impact mesurable. Dans un monde où seuls 21 % des salariés se disent engagés, la passion est une qualité rare. Selon cette même étude, les collaborateurs engagés dopent la rentabilité des entreprises d’environ 22 %. Si l’ensemble des collaborateurs étaient engagés globalement, 9 600 milliards de dollars pourraient être ajoutés à l’économie, soit l’équivalent de 9 % du PIB mondial. 

La curiosité, quant à elle, est un moteur d’innovation. Selon Francesca Gino, spécialiste des sciences du comportement et professeur à Harvard, les employés encouragés à exprimer leur curiosité génèrent 34 % d’idées plus novatrices tout en améliorant leurs prises de décision.  

Contrairement à l’IA qui exécute sans s’interroger, ces qualités humaines permettent aux talents de devancer le changement. 

Vers un nouveau paradigme de recrutement 

Avec 1,3 million de personnes travaillant dans la tech française, le défi n’est plus seulement de recruter des experts techniques, mais des personnalités passionnées et curieuses capables de réinventer leurs approches. Adopter la philosophie « embaucher pour l’état d’esprit, former pour les compétences » devient une stratégie gagnante. Par exemple, la start-up française BlaBlaCar a intégré des tests d’aptitude comportementale dans ses processus de recrutement, privilégiant les candidats curieux et motivés, qu’elle forme ensuite aux outils internes. Cette approche réduit le turnover et renforce les capacités d’innovation. 

Pour identifier ces talents, les entreprises peuvent s’appuyer sur des entretiens axés sur les valeurs, des mises en situation révélant la curiosité, ou des programmes de formation continue pour cultiver ces qualités. Dans un marché où les compétences techniques s’automatisent et où la motivation s’essouffle vite, investir dans la passion et la curiosité, c’est recruter non pas pour aujourd’hui, mais pour les défis de demain. 

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