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L’IA est-elle une révolution technologique comme les autres ?

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L’IA est-elle une révolution technologique comme les autres ?

Le 30 novembre 2022, OpenAI lançait ChatGPT, attirant plus d’un million d’utilisateurs en seulement cinq jours. Depuis, l’euphorie n’est pas retombée avec son lot de nouveaux modèles IA aux promesses toujours plus bluffantes. Le dicton de Lénine prend ici tout son sens : « Il y a des décennies où rien ne se passe, et il y a des semaines où des décennies se produisent ». Cette course folle de l’IA va-t-elle décélérer un jour ? Est-elle durable ?

Une contribution de Caroline ADAM, déléguée générale du SP2C

 

Roy Amara, futurologue américain, dans sa loi éponyme, nous donne une clé de lecture : « nous avons tendance à surestimer l’effet d’une technologie à court terme et à sous-estimer son effet à long terme ». Cette loi empirique s’est vérifiée pour chaque innovation majeure. Internet a connu l’euphorie des années 90 avec des perspectives de transformations immédiates, puis un éclatement brutal de la bulle spéculative au début des années 2000.


Pourtant, deux décennies plus tard, qui contesterait qu’Internet a métamorphosé en profondeur nos économies et nos sociétés d’une façon bien plus inattendue ? À l’instar du tracteur, dont l’impact majeur sur l’agriculture ne s’est concrétisé que longtemps après son apparition au 19ᵉ siècle, la mécanisation agricole a significativement accru le PIB américain d’environ 8 % seulement au milieu des années 1950.

L’IA pourrait-elle connaître le même sort ? Son usage suscite un fort enthousiasme avec des bouleversements envisagés dans tous les domaines, de la médecine à l’expérience client. Pourtant, malgré cet engouement, la productivité reste encore à construire. Ne serions-nous pas alors dans la phase de surestimation à court terme décrite par Amara ou dans le « Hype cycle » de Gartner ? À savoir : pic d’attentes démesurées, creux de désillusion, puis plateau de productivité sur un temps plus long.

Dans « Le Dilemme de l’innovateur », Clayton M. Christensen soutient que la première génération d’une technologie disruptive présente souvent des défauts importants et des capacités limitées avant de connaître des cycles d’amélioration successifs. L’histoire montre qu’il faut du temps (acteurs, données, infrastructures, réglementations, formation…) pour qu’une technologie déploie son plein potentiel.

Et si l’IA n’était pas une révolution technologique comme les autres ? Outre la courbe exponentielle de son développement, l’IA a une caractéristique déstabilisante : l’esprit humain a toujours considéré comme un Graal le fait de pouvoir produire une machine qui pense comme lui (ou qui s’en approche très sérieusement). En mars 1996, la Une du Time laissait déjà entrevoir l’IA et ses agents intelligents : “Can Machines Think”. L’essor rapide de l’IA est alimenté par un engagement humain sans faille dans sa progression. La vidéo générée par l’IA de Will Smith dégustant des spaghettis, qui a inondé les réseaux sociaux en atteste.

Une première version approximative avec des mains à huit doigts produite en mars 2023 a été vite éclipsée par un rendu beaucoup plus réaliste en avril 2025. Il est donc fort à parier que le délai entre la phase de désillusion et la maturité sera probablement plus court que pour toute autre innovation antérieure. Par ailleurs, la facilité d’usage de l’IA pour déléguer des tâches lui confère un rôle grandissant dans la société : la rédaction d’un prompt est accessible au plus grand nombre.

Enfin, cette perspective historique invite aussi à une réflexion nuancée sur les acteurs qui façonneront l’avenir de l’IA ainsi que les cas d’usage qui changeront notre quotidien. Si les GAFAM et les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi) disposent d’avantages considérables en termes de données et de moyens, l’histoire nous rappelle que les pionniers ne sont pas toujours les premiers sur le long terme. À l’image de Linkedin ou Uber, nés dans les cendres de la bulle Internet, qui se souvient aujourd’hui d’Altavista ou Netscape ?

 

Le potentiel de l’IA reste encore largement inexploré. La transformation profonde à venir orientera nos compétences vers la gestion d’agents IA autonomes, nous offrant peut-être une forme d’ubiquité. Entre l’enthousiasme du moment et la sagesse prospective, la loi d’Amara nous invite à la mesure. C’est dans cette dialectique que se dessinent les bouleversements à venir…

 


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