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L’IA agentique : les vrais leviers d’un déploiement réussi

IA agentique
L’IA agentique. Getty Images

Après l’essor de l’IA générative et les promesses de l’AGI (intelligence artificielle générale), l’IA agentique s’impose désormais comme le défi central des dirigeants d’entreprise. L’enjeu a évolué : ils ne cherchent plus une IA qui se limite à répondre, mais une IA capable d’agir, de prendre des décisions et de créer une véritable valeur pour l’entreprise.

 

Les conseils d’administration s’y intéressent de près, les investisseurs y misent massivement, les décideurs lancent des projets pilotes, et les analystes de Gartner prévoient qu’en 2028, un tiers des logiciels d’entreprise intégreront de l’IA agentique — contre seulement 1 % en 2024 — permettant à 15 % des décisions opérationnelles quotidiennes d’être prises de manière autonome.

Pourtant, malgré cet engouement, la plupart des entreprises restent bloquées au stade des pilotes. Beaucoup de projets ne dépassent jamais cette phase ou échouent au moment du déploiement. À titre d’exemple, 85 % des initiatives IA échouent. Et lorsque l’on interroge les équipes qui développent ces outils, un constat revient inlassablement : si les agents d’IA existent, l’écosystème pour les soutenir efficacement fait souvent défaut.


 

Priorité à l’infrastructure

Aishwarya Singh, vice-présidente senior des services de collaboration numérique chez NTT DATA, a suivi de près les enjeux liés à l’IA agentique. « Les principaux obstacles économiques restent le coût initial élevé des infrastructures et technologies, l’intégration complexe de l’IA aux systèmes existants, ainsi que la nécessité de talents spécialisés pour assurer la gestion et la maintenance des systèmes », m’a-t-elle confié lors d’un entretien.

Si, en théorie, l’IA agentique devrait simplifier et réduire les coûts, la réalité est souvent tout autre : elle ajoute une couche supplémentaire de complexité et de dépenses, notamment lorsque les entreprises la perçoivent comme un produit à déployer plutôt qu’un processus à intégrer. « Beaucoup de dirigeants sous-estiment le temps, l’effort et les ressources nécessaires à une intégration réussie », souligne Aishwarya Singh. « Négliger ces aspects peut conduire à des retards, des dépassements de budget et des performances décevantes. »

Pour répondre à ces défis, NTT DATA a lancé en mars dernier son offre Agentic AI Services, développée avec Microsoft CoPilot Studio et Azure AI Foundry. Plutôt que de se limiter au simple déploiement d’agents, cette solution accompagne l’intégralité de leur cycle de vie : conseil, conception, mise en œuvre, suivi, réentraînement et optimisation. Il s’agit d’une infrastructure d’IA proposée en service managé, déjà adoptée en interne.

« Sur nos systèmes internes de gestion de tickets, la productivité a augmenté de 50 à 65 % », témoigne Aishwarya Singh. « Nous créons des agents dédiés à chaque type de ticket, reliés entre eux via des LLM omnicanaux, ce qui nous permet de déployer une automatisation fluide à travers la voix, les emails et le chat. »

 

Le défi du manque de talents en IA

Le déficit d’infrastructure et d’écosystème n’est pas le seul frein à l’expansion de l’IA agentique. Un obstacle tout aussi crucial demeure : la pénurie de talents spécialisés. Selon une récente étude d’Accenture, qui a sondé 3 400 dirigeants et analysé 2 000 projets d’entreprise, seulement 13 % des initiatives en IA produisent une véritable valeur business. La raison ? Les entreprises investissent trois fois plus dans la technologie que dans les compétences humaines — un déséquilibre qui se fait lourdement sentir.

« La formation et la préparation des talents représentent l’un des principaux freins à la montée en puissance de l’IA et à la création de valeur concrète », souligne Jack Azagury, directeur exécutif du conseil chez Accenture. « On peut déployer tous les outils de génération d’IA disponibles, mais si les collaborateurs ignorent comment et pourquoi les utiliser, les résultats ne seront pas au rendez-vous. »

Aishwarya Singh partage ce constat. C’est pourquoi NTT DATA consacre cette année d’importants moyens à la montée en compétences de 200 000 collaborateurs, tout en visant la certification de 15 000 experts en intelligence artificielle générative. « Cet effort a aussi stimulé l’émergence d’idées innovantes pour tirer parti de cette technologie et booster nos performances internes », conclut-elle.

 

Le casse-tête du déploiement de l’IA

Après avoir surmonté le manque de talents, un obstacle encore plus majeur se dresse : le déploiement effectif de l’IA. Une étude récente du National Bureau of Economic Research, qui a suivi l’usage de chatbots IA dans 7 000 entreprises, révèle que ces outils ont eu un impact quasi nul sur les salaires ou les heures travaillées, quel que soit le métier. Malgré une adoption massive, l’IA ne permettrait en moyenne de gagner que 3 % de temps, dont seulement 3 à 7 % se traduisent en hausses de rémunération.

Plus surprenant encore, la majorité des employés réaffectent ce temps gagné à d’autres tâches — souvent générées par l’IA elle-même, comme corriger ses erreurs, vérifier des faits erronés (les fameuses « hallucinations »), ou ajuster le ton des réponses. Au final, la technologie complexifie souvent plus qu’elle ne simplifie.

Cette réalité rejoint celle mise en lumière par IBM : seuls 25 % des projets d’IA atteignent le retour sur investissement attendu. De son côté, le dernier rapport d’Informatica pointe la qualité des données et leur intégration comme les principaux facteurs d’échec.

En somme, les agents d’IA ne peuvent encore être déployés à grande échelle car les entreprises peinent à créer et faire évoluer les conditions indispensables autour de ces technologies.

 

La complexité post-déploiement

Déployer des agents d’IA avec succès ne marque que le début du défi. Car même le meilleur agent a besoin d’une équipe dédiée : développeurs, responsables des données, experts en cybersécurité, formateurs, spécialistes de l’éthique… C’est là, selon Aishwarya Singh, que réside le véritable enjeu pour les entreprises, bien au-delà du simple lancement.

« Après le déploiement, il faut anticiper des mises à jour régulières, suivre les performances, réaliser des audits de sécurité et ajuster l’IA aux objectifs métier qui évoluent », m’a-t-elle confié. « L’un des principaux soucis remontés par nos clients est la gestion de la multiplication des agents d’IA au sein de leurs organisations. »

Pour relever ce défi, NTT DATA déploie désormais des agents de supervision (« guardian agents ») et des agents d’audit (« Red Teaming agents »), spécialement conçus pour garantir la sécurité, la conformité et la fiabilité opérationnelle à mesure que les agents d’IA se multiplient dans les processus internes.

 

Le véritable moteur du retour sur investissement

Alors, qu’est-ce qui fonctionne vraiment ? Malgré la complexité de l’IA agentique, pourquoi suscite-t-elle un tel engouement, au point que de nombreuses entreprises dans le monde prévoient de réorienter leur stratégie vers cette technologie ? Pour Aishwarya Singh, la réponse est claire : malgré les défis, l’IA agentique présente des cas d’usage concrets qui révèlent son potentiel — à condition d’être déployée correctement.

« Les applications les plus prometteuses concernent les services informatiques, l’automatisation de processus tactiques, le service client, ainsi que les modèles multi-agents pour des tâches plus complexes comme la gestion des stocks », détaille-t-elle. « Les clients peuvent généralement espérer un retour sur investissement en 6 à 12 mois, avec des gains de productivité souvent perceptibles dès les premiers mois. »

Mais ces résultats ne se concrétisent que si un véritable écosystème est construit autour des agents — intégrant gestion du changement, montée en compétences, intégration interplateforme et optimisation continue. Aishwarya Singh insiste : les entreprises qui réussissent sont celles qui lancent rapidement des prototypes sur des cas d’usage ciblés, avec des équipes alignées aux grands fournisseurs cloud et prêtes à scaler dans leur environnement existant.

 

Maîtriser les fondamentaux

L’IA agentique ne se déploiera pas à grande échelle simplement en faisant appel à un prestataire. Son succès repose sur la construction d’une architecture interne solide — technique, organisationnelle et humaine — capable de la soutenir sur le long terme. C’est le message central que soulignent analystes, prévisions et études de cas d’entreprises engagées dans cette voie.

Chaque réussite en IA agentique s’appuie sur des piliers incontournables : la qualité des données, les compétences des talents et une infrastructure adaptée. Pour Aishwarya Singh, cela exige une planification rigoureuse. La véritable question n’est plus de savoir si les entreprises peuvent faire évoluer leurs projets d’IA agentique, mais si elles sont prêtes à investir ce qu’il faut pour y parvenir.

 

Une contribution de Kolawole Samuel Adebayo pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie


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