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Les plateformes d’intermédiation : d’acteurs décriés à nouveaux socles de l’économie réelle

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Les plateformes d’intermédiation : d’acteurs décriés à nouveaux socles de l’économie réelle

Critiquées pour leur puissance, adulées pour leur efficacité, les plateformes d’intermédiation façonnent une nouvelle ère de consommation. Elles s’invitent dans nos gestes les plus quotidiens : commander un repas, réserver un trajet, prendre rendez-vous chez un médecin ou organiser un déménagement. Mais au-delà de leur rôle dans l’accès au service, elles reconfigurent silencieusement les règles du jeu économique. Pour des milliers d’indépendants, de TPE, d’artisans, elles ne sont pas un “plus”, mais une colonne vertébrale économique. Ce qu’elles transforment, ce n’est pas seulement la consommation : c’est la relation avec le client, l’organisation du travail et l’accès au marché. 

 Une contribution de Julien Bardet CEO de Nextories 

 

L’usage comme norme, la simplicité comme exigence 

Depuis une décennie, les grands modèles d’intermédiation ont façonné de nouvelles habitudes. Doctolib, Airbnb, Uber, Booking : tous répondent à un besoin devenu central dans la consommation contemporaine : gagner du temps, comparer facilement et être rassuré. Le consommateur ne cherche plus seulement un produit ou un service : il veut une expérience client sans friction, une visibilité immédiate sur l’offre, des garanties de qualité et un point d’entrée unique. 


Cette exigence ne se limite pas à la tech ou à la grande distribution. Elle s’étend désormais à tous les secteurs, même les plus “physiques” : services à domicile, logistique, soins, artisanat, et jusqu’au déménagement. Autrement dit, ce n’est plus la plateforme qui est exceptionnelle ; c’est l’absence de plateforme qui le devient. 

 

Un cadre structurant pour les acteurs de proximité 

Dans les marchés fragmentés, les plateformes jouent un rôle que ni l’État, ni les réseaux traditionnels ne remplissent plus : elles rendent lisible une offre éclatée, organisent l’accès au client et outillent des structures trop petites pour agir seules. 

 Un artisan, un indépendant ou une TPE ne peut pas prospecter, assurer un accueil téléphonique continu, développer une visibilité numérique tout en délivrant un service de qualité. Il lui faut un relais. Les plateformes conçues pour maximiser la valeur pour leurs usagers comme pour les entreprises remplissent ce rôle : elles apportent des demandes qualifiées, structurent les offres de prix, sécurisent les paiements, offrent un support technique et logistique. 

Certaines vont plus loin : elles proposent des outils de planification, des ressources pour améliorer la qualité de service, des systèmes transparents de valorisation de la qualité des entreprises, et même des dispositifs de formation. Elles deviennent, en creux, une infrastructure économique au service des entreprises locales. 

 

Ni solution magique, ni dérive systématique 

Il ne s’agit pas de peindre les plateformes en modèles vertueux par nature. Certaines dérégulent, précarisent, imposent des conditions opaques. Les débats sur les modèles Uber ou Booking sont nécessaires. Mais rejeter en bloc le principe d’intermédiation revient à ignorer la transformation des usages… et des besoins 

La question n’est plus de savoir si ces plateformes doivent exister, mais comment elles doivent fonctionner, comment elles créent de la valeur tout en la partageant. Certaines construisent un modèle juste et équilibré, où la fluidité de l’expérience client ne se fait pas au détriment du travailleur ou de l’entreprise exécutante. D’autres instrumentalisent la technologie pour contourner la réglementation et imposer un rapport de force. 

L’enjeu est donc politique autant qu’économique : comment encadrer sans étouffer, encourager sans déréguler ? 

 

Vers une nouvelle organisation de l’économie de proximité 

À bien y regarder, les plateformes ne sont plus de simples « intermédiaires » : ce sont des passerelles d’accès au marché. Et dans un monde où la majorité des entreprises sont des structures de moins de 10 salariés, elles sont devenues une condition d’existence. Une entreprise du bâtiment, un prestataire logistique ou un professionnel du déménagement ne peut plus exister sans une vitrine ni un canal de communication fluide. 

Ce n’est pas un recul. C’est une nouvelle organisation du marché, fondée non plus sur la taille, mais sur l’interconnexion. La plateforme ne remplace pas l’entreprise locale : elle la rend visible et efficiente. Elle ne fait pas le métier à la place de l’artisan, mais elle lui permet de le faire mieux, plus efficacement, avec moins de pertes de temps et d’énergie. 

 

Il est temps de penser les plateformes non comme des acteurs exogènes, mais comme des composants essentiels de notre économie distribuée. Ce qui est en jeu, ce n’est pas l’outil lui-même, mais le modèle qu’on en fait. Bien pensées, les plateformes sont des infrastructures économiques et sociales de notre société. Mal pensées, elles en deviennent les angles morts. Le débat reste ouvert. Mais leur présence est désormais une donnée incontournable. 

 


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