Depuis quelques mois, et notamment depuis les annonces de Google en mai 2025, le phénomène des agents IA s’est imposé au cœur des discussions. À l’instar de précédentes innovations technologiques, ces nouveaux outils vont transformer le secteur e-commerce, mais aussi plus largement avoir des implications sur les standards de l’industrie publicitaire.
Une contribution de Nicolas Trannoy, Directeur de la Stratégie et du Marketing chez Lucky cart.
Une nouvelle transformation du parcours d’achat
Si les parcours d’achat tendent à être marqués par une complexification et une multiplication des touch points entre les différents canaux – web, mobile, magasin physique – les agents IA promettent de le réduire à de simples requêtes sous un mode conversationnel. Le consommateur peut ainsi accéder à des recommandations de produits et procéder directement à l’achat depuis sa discussion virtuelle.
Exit donc le shopper omnicanal qui navigue sur les différentes pages d’un site web ou d’une application e-commerce tout en oscillant entre moteurs de recherche, sites de comparateurs et magasins. En sous-jacent, c’est tout le travail continu des retailers et des marques pour façonner une expérience d’achat fluide et pertinente menant jusqu’à la conversion qui est remis en question. Sans oublier les données first-party, collectées lors de la navigation et des transactions réalisées par le shopper sur les sites e-commerce. En somme, on rebat les cartes de l’e-commerce tel qu’on le connaît aujourd’hui.
L’impact publicitaire
Au-delà de la dimension e-commerce, les agents IA ont un impact sur les standards publicitaires. Le shopper ne navigue plus lui-même sur les moteurs de recherche et les sites e-commerce, alors comment être visible et interagir avec lui lors de son parcours d’achat ?
Les liens sponsorisés, l’optimisation SEO, l’achat de mots clés sur les moteurs de recherche, mais aussi les emplacements e-retail media sur les sites des retailers perdent en pertinence, car ne sont plus vus par les consommateurs. La question de leur valeur et des investissements peut alors se poser, surtout quand on sait que le retail media représente aujourd’hui à lui-seul 11% des investissements publicitaires en France, soit 647 millions au premier semestre 2025 selon le SRI.
A l’ère des réseaux sociaux, du marketing d’influence et des plateformes comme TikTop Shopping, se soulève aussi plus largement la question de l’influence. Est-ce encore efficace d’investir dans de telles plateformes, si la partie “recommandation d’achat” est finalement gérée par l’agent IA ?
Enfin, les standards de la mesure des performances publicitaires peuvent eux-mêmes être remis en question. Les nombres d’impressions et les taux de clics risquent d’être confrontés à une baisse de leurs résultats, mais aussi de leur adéquation face à un marché (re)centré sur la conversion.
La nécessité d’une double optimisation
Émerge alors la nécessité de construire un nouveau mode de commerce, adapté aux agents IA. Les moteurs de recherche ont déjà commencé à se transformer, avec l’intégration de blocs de réponse IA et des réponses sous un mode conversationnel plutôt que de simples mots clés et résultats de recherche.
Les sites e-commerce se doivent également d’être optimisés pour les agents IA. Sur le même modèle que des agences SEO mises en place pour favoriser son classement dans les moteurs de recherche, il faut désormais être visible auprès de ces nouveaux outils agentiques. Une nouvelle forme de référencement, qui passera essentiellement par le code des sites marchands. C’est par exemple ce qu’a annoncé Shopify, en intégrant dans les codes sources des sites marchands développés sur la plateforme des indications destinées aux bots, leur indiquant ce qu’ils peuvent ou non faire, et notamment quelles actions doivent nécessiter une action humaine.
Ce point est d’ailleurs à souligner : il ne faut pas négliger le shopper réel, l’humain derrière le bot. S’il est encore trop tôt pour juger de l’adoption de ces outils IA, il y a fort à parier qu’ils seront utilisés par une part réduite des shoppers, au moins durant les premières années. De même, les usages seront probablement bien plus hybrides qu’annoncés, par exemple avec l’utilisation des agents IA pour la recherche de produits, et la finalisation de l’acte d’achat réalisée de manière traditionnelle par le shopper. Le lancement de nouvelles technologies s’accompagne toujours de promesses de transformation massive, mais ce qui compte réellement, ce sont les usages concrets qui en sont finalement faits.
Aussi, les enjeux de l’optimisation de l’expérience shopper et le retail media ont encore de beaux jours devant eux, bien qu’ils soient inévitablement appelés à se renouveler pour s’adapter aux nouveaux usages du commerce. Car côté business, le développement des agents d’IA entraîne de nouveaux défis pour les organisations, pour naviguer entre compréhension complexifiée du shopper et de ses attentes, multiplication des plateformes technologiques et des opportunités d’intégrer l’intelligence artificielle tout en coordonnant ses usages entre les métiers…
À lire également : Qu’est-ce que l’IA agentique et quel sera son impact sur les services financiers ?

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