Rechercher

Le Bitcoin survivra-t-il à l’informatique quantique ?

Bitcoin
Le Bitcoin survivra-t-il à l’informatique quantique ? Getty Images

Le Bitcoin et les autres cryptomonnaies se sont imposés comme des composantes à part entière du paysage financier mondial. De plus en plus de pays constituent des réserves stratégiques, tandis que les investisseurs institutionnels — des fonds spéculatifs aux caisses de retraite — consacrent une part croissante de leurs capitaux aux actifs numériques.

 

Particuliers, entreprises et même gouvernements sont désormais exposés aux soubresauts d’un marché aussi dynamique que volatil : celui des cryptomonnaies. Mais un danger plus radical plane à l’horizon ; et il vient de la physique quantique. Tout pourrait-il s’effondrer du jour au lendemain si l’informatique quantique rendait obsolète la technologie derrière les cryptomonnaies, entraînant la disparition potentielle de milliers de milliards de dollars de valeur ?

Ces machines de nouvelle génération, capables de calculs exponentiels bien au-delà des performances des superordinateurs actuels, pourraient un jour briser les protections du bitcoin et des autres actifs numériques. S’agit-il d’un risque réel ou d’un scénario lointain ? La crypto pourrait-elle disparaître ou, au contraire, entrer dans une nouvelle ère : celle de la sécurité post-quantique ?


 

Une menace bien réelle ? 

Début 2024, on compte environ 500 millions de détenteurs de bitcoins ou autres cryptomonnaies à travers le monde, soit une hausse de 34 % en un an. La majorité se trouve en Asie et en Amérique du Nord, où ces actifs représentent souvent une part importante du patrimoine personnel ou des réserves nationales.

Mais si une avancée technologique venait à compromettre la sécurité de ces actifs, les répercussions pourraient être majeures. Les cryptomonnaies reposent sur un principe fondamental : seules les personnes disposant des clés privées appropriées peuvent modifier le registre de la blockchain. Pour le bitcoin, cela signifie qu’un seul détenteur de la clé privée peut dépenser les fonds associés, garantissant ainsi la sécurité des transactions.

Le Bitcoin repose sur des systèmes cryptographiques comme l’algorithme de signature digitale (ECDSA) et, plus récemment, les signatures Schnorr introduites avec la mise à jour Taproot. Ces techniques permettent de prouver la propriété des fonds et de valider les transactions, en s’appuyant sur l’extrême complexité de déduire une clé privée à partir d’une clé publique — une opération actuellement irréalisable pour les ordinateurs classiques.

Cette impossibilité rend les attaques par force brute, qui consistent à tester toutes les combinaisons possibles, complètement irréalistes : avec les ordinateurs actuels, cela prendrait des millions d’années.

Les ordinateurs quantiques, cependant, fonctionnent selon des principes radicalement différents. Grâce à la superposition et à l’enchevêtrement quantique, ils peuvent effectuer simultanément de nombreux calculs. En 1994, le mathématicien Peter Shor a développé un algorithme quantique capable de factoriser de grands nombres exponentiellement plus vite que les méthodes classiques. Si un ordinateur quantique assez puissant exécute cet algorithme, il pourrait remettre en cause la sécurité des systèmes cryptographiques comme l’ECDSA.

 

Les contre-mesures

La différence fondamentale entre ordinateurs classiques et quantiques réside dans leur manière de traiter l’information. Alors que les premiers utilisent des bits — des 0 ou des 1 —, les seconds s’appuient sur des qubits, capables d’exister dans plusieurs états à la fois. C’est cette propriété qui confère aux machines quantiques leur puissance théorique.

En 2024, les modèles les plus avancés atteignent environ 1 000 qubits. Mais pour compromettre le système de cryptographie ECDSA utilisé par Bitcoin, il faudrait une machine bien plus puissante : entre 10 et 300 millions de qubits dits « tolérants aux pannes ». Un seuil technologique que les experts ne prévoient pas d’atteindre avant de nombreuses années, voire plusieurs décennies.

Mais les progrès scientifiques n’obéissent pas toujours à des calendriers linéaires. L’intelligence artificielle, par exemple, accélère déjà la recherche dans des domaines complexes comme l’informatique quantique, ce qui rend toute prédiction incertaine.

C’est pourquoi le chantier de la cryptographie post-quantique est déjà bien entamé. Aux États-Unis, le National Institute of Standards and Technology pilote l’élaboration de nouveaux algorithmes résistants aux attaques quantiques. L’objectif : sécuriser non seulement les cryptomonnaies, mais aussi l’ensemble des infrastructures numériques, des banques aux administrations.

Le jour venu, Bitcoin pourrait lui aussi évoluer. Son code source, ouvert et maintenu par une communauté mondiale de développeurs, est soumis à des règles de gouvernance rigoureuses qui permettent d’intégrer des mises à jour majeures. Autrement dit, Bitcoin n’est pas figé dans le marbre : il est conçu pour s’adapter aux menaces de demain.

 

Le Bitcoin survivra-t-il à l’informatique quantique ?

L’ordinateur quantique signera-t-il la fin du Bitcoin ? Théoriquement, oui : si la cryptomonnaie ne parvient pas à évoluer et que des machines quantiques deviennent soudainement capables de briser son chiffrement, sa valeur pourrait s’effondrer.

Mais ce scénario repose sur une hypothèse peu réaliste : celle d’un Bitcoin demeurant inchangé face aux avancées rapides de l’informatique quantique. En réalité, la communauté cryptographique anticipe déjà ce risque, et les enjeux financiers pour préserver l’intégrité du réseau sont colossaux.

Par ailleurs, si les ordinateurs quantiques parvenaient un jour à compromettre les systèmes de cryptographie actuels, les conséquences dépasseraient largement le cadre du Bitcoin. Communications sécurisées, transactions bancaires, identités numériques, infrastructures gouvernementales : tout l’écosystème numérique mondial serait concerné.

Oui, la menace quantique est sérieuse. Mais les efforts pour y faire face — notamment via la cryptographie post-quantique — sont déjà bien engagés. Le Bitcoin n’est pas à l’abri, mais il est loin d’être sans défense.

Si vous faites partie des millions de personnes qui détiennent un peu de bitcoin dans l’espoir qu’il vous enrichira un jour, rien ne garantit que ce sera le cas. Mais une chose semble claire : l’informatique quantique ne devrait pas, du moins dans un avenir proche, le réduire à néant.

 

Une contribution de Bernard Marr pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie


À lire également : Comment le Bitcoin devient la pierre angulaire de la politique économique américaine

Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook

Abonnez-vous au magazine papier

et découvrez chaque trimestre :

1 an, 4 numéros : 30 € TTC au lieu de 36 € TTC