La confiance, boussole de l’ère de l’intelligence artificielle

Une tribune écrite par Jean-François Deldon, cofondateur de Yakadata

La confiance en soi : l’humain au centre de la valeur

À chaque révolution industrielle, la même inquiétude revient : la machine va-t-elle nous remplacer ? L’IA ne fait pas exception. L’IA impressionne, elle automatise, elle simplifie. Oui, elle effectuera seule certaines tâches, parfois avec une efficacité redoutable. La valeur humaine ne réside pas uniquement dans l’exécution, mais dans la créativité, l’intuition, la capacité à relier ce qui semble épars, à comprendre des contextes complexes et à donner du sens. Au contraire : ce que je fais, ce que je crée, ce que je produis possède intrinsèquement plus de valeur qu’une IA livrée à elle-même.

Avoir confiance en soi, c’est accepter que certaines activités évoluent, mais c’est aussi croire en notre capacité à inventer d’autres formes de valeur. L’histoire nous l’a montré : à chaque automatisation naissent de nouveaux métiers, de nouvelles responsabilités, de nouveaux espaces d’innovation.

La confiance dans le réel : distinguer le vrai du faux

Nous entrons dans un monde où il devient possible de générer des images, des vidéos ou des voix hyperréalistes : les fameux deepfakes. Dans un monde où il devient possible de générer en quelques clics des images, des voix, des vidéos indiscernables du réel, comment savoir si ce que nous voyons ou entendons est authentique ?

Les deepfakes ne concernent plus seulement les personnalités publiques. Ils menacent nos cercles les plus proches : famille, collègues, partenaires. La manipulation de la réalité n’est plus un scénario de science-fiction, mais une probabilité quotidienne.

Des initiatives émergent, mais elles restent insuffisantes. Certaines plateformes, comme LinkedIn, ont déjà introduit des « profils vérifiés », première étape d’un mouvement plus large. Comme le secteur bancaire a dû déployer la double authentification pour sécuriser les transactions, nous devrons mettre en place des mécanismes équivalents pour vérifier l’origine et l’authenticité des messages, y compris dans les appels standards ou les visioconférences. Cette vérification ne doit pas être vécue comme une contrainte, mais comme une garantie. Authentifier l’origine d’un message, vérifier la source d’une visio ou d’un appel, pourrait devenir aussi banal que saisir un code SMS pour valider un paiement.

La confiance dans les institutions : un devoir politique

Enfin, la question de la confiance dans l’IA ne peut rester cantonnée au seul champ technologique. Elle interroge nos institutions et notre organisation collective.

Pour l’instant, le débat politique reste timide, peut-être par crainte d’alimenter des peurs. Mais tôt ou tard, ce sujet s’imposera, car il ne s’agit pas d’un détail technique, mais d’un enjeu sociétal. Comme nous avons su créer des cadres pour la sécurité alimentaire, la monnaie ou les médicaments, nous devrons imaginer des cadres pour la vérité numérique.

Il ne s’agit pas de freiner l’innovation, mais de garantir qu’elle s’inscrive dans un socle de confiance partagé. Sans cela, le risque est immense : la défiance, l’instabilité et la fragmentation sociale.

L’intelligence artificielle bouleverse nos certitudes, nos pratiques et même nos perceptions du réel. Mais elle ne pourra s’inscrire positivement dans nos vies qu’à une condition : que nous reconstruisions un pacte de confiance — en nous-mêmes, dans ce que nous voyons et entendons, et dans les institutions qui nous gouvernent.

Au fond, l’IA n’est pas un défi uniquement technologique. Elle est une invitation à redéfinir ce qui nous relie, ce en quoi nous croyons, ce qui fonde notre vie collective. Et c’est cette confiance — bien plus qu’aucune machine — qui restera toujours le véritable moteur du progrès humain.

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