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Intelligence Artificielle : une bénédiction pour l’accessibilité ?

Intelligence artificielle

L’accessibilité des services numériques est un sujet aussi vaste que pluridisciplinaire. Il regroupe de très différents champs, allant du design au paramédical, du juridique au technologique… Un sujet de société en somme. Le déploiement des solutions d’intelligence artificielle pourrait être une aubaine pour l’émergence de services numériques plus accessibles. Pourtant, l’équation n’est pas si simple, le coefficient de démocratisation pas si évident. Car derrière l’intelligence artificielle, il y a sa configuration par l’humain. Or, jusqu’ici, l’humain a prouvé que l’accessibilité n’était pas nécessairement sa priorité. Jusqu’ici seulement ?

Une contribution de Mario Arias, MVP Microsoft Business Applications & AI et Power Platform Architect chez Prodware

 

De la théorie à la pratique

L’intelligence artificielle peut intervenir sur tous les champs, dans tous les domaines, pour tous les enjeux. Sa zone d’impact est trop large pour être résumée à un effet d’accélération d’un seul élément. La bonne question n’est donc pas théorique (l’IA PEUT-ELLE rendre les solutions numériques plus accessibles ?), mais pratique (les solutions IA VONT-ELLES avoir un bénéfice réel ?). Et tout de suite, c’est bien moins évident.

D’abord parce que de nombreux outils favorisant l’accessibilité existent déjà et ne sont pas tous, loin de là, mis en place de manière permanente. Combien d’images publiées en ligne, porteuses d’informations, ont-elles une alternative textuelle ? Combien de pages contenant du texte restent lisibles lorsque la taille du texte est augmentée de 200% ? Combien d’emojis présents sur une application mobile bénéficient d’une alternative textuelle ? Tous ces critères figurent pourtant dans la méthode technique du RGAA, la norme européenne de référence pour analyser l’accessibilité d’un service numérique. C’est donc que malgré les 12 millions de personnes en situation de handicap en France, l’opportunité de marché n’est pas si essentielle.

Ensuite, parce que pour qu’une solution devienne véritablement imposée à tous les acteurs du numérique, il faut que la loi s’en mêle. Ici, comme sur bien d’autres sujets, intervient le deuxième dilemme majeur de l’accessibilité des services numériques : celui qui oppose le progrès et l’universalité de celui-ci, la course à l’innovation et le respect d’un cadre légal et normatif qui l’encadre, donc le freine. Légiférer sur un sujet émergent prend du temps, et n’est pas toujours bien accepté des acteurs dudit domaine qui, parfois, vivent la loi comme une entrave inutile plutôt que comme le cadre nécessaire à l’expression de la liberté. Ce fut vrai pour internet, c’est vrai pour l’intelligence artificielle, ce sera donc très vraisemblablement le cas, aussi, pour l’accessibilité des services numériques. La problématique est ainsi moins technologique que résolument humaine, sociétale.

De la reconnaissance à l’anonymisation

L’enjeu de l’accessibilité des services numériques va de pair avec un autre enjeu contemporain du numérique : la protection des données. Sujet crucial du web d’aujourd’hui, la donnée personnelle est souvent vue comme une chasse gardée, un bien à protéger. Or, si de nombreux services numériques dépendent de l’utilisation (consentante) des données personnelles, il en va de même pour l’accessibilité. Pour savoir qu’un client doit bénéficier d’une mesure d’accès améliorée lors de l’utilisation de ses services, une entreprise doit connaître cette personne. De manière consentie et déclarée certes, mais n’est-ce pas à contre-courant de la volonté souvent affichée de faire de la donnée personnelle un enjeu presque sanctuarisé ?

Le défi de l’optimisation du service est intimement lié à celui de la protection des données. La fameuse formule « si c’est gratuit, c’est toi le produit » a vécu, mais une autre notion lui succède : si je ne donne rien de moi, comment justifier économiquement qu’une entreprise me propose un service sur mesure ? La solution pourrait alors être de revenir à un système payant qui, de fait, restreindrait le concept d’accessibilité, puisqu’il serait dès lors filtré par la capacité économique. On l’observe déjà sur certains sites internet qui, suite à la réglementation RGPD, proposent à leurs visiteurs de payer pour rester anonymes lors de leur navigation. Et il y a fort à parier que parmi les millions de visites quotidiennes d’un site qui propose cette option, peu de visiteurs choisissent la solution onéreuse. L’habitude du « gratuit » se prend vite et a la peau dure.

De la donnée à la synthèse

Comme pour l’ensemble des sujets que soulève le déploiement de l’IA, celui de sa faculté à améliorer l’accessibilité des services numériques est chevillé à une équation constitutive des algorithmes de l’IA. Les solutions qu’elle propose reposent par défaut sur les connaissances accumulées. La version 3.5 de ChatGPT précise par exemple que sa dernière mise à jour remonte à janvier 2022. Dans le monde numérique, deux ans, c’est une éternité. Si le processus d’apprentissage de la machine est autonome et s’alimente des données qui existent (où les services ne sont souvent pas tous inclusifs et accessibles), il ne pourra jamais devenir automatiquement inclusif et accessible.

L’automatisation est donc à la fois une force et une limite de l’IA en matière d’accessibilité des services numériques. Le sujet est plus vaste, plus complexe, et mobilise plus de facteurs que les simples critères du progrès technique. Car une meilleure accessibilité passe par la réglementation, par la normalisation, par la volonté de quelques-uns qui feront certainement tache d’huile, mais aussi par la simplification des processus et des solutions technologiques qui permettent cette accessibilité. La technologie est ici un élément fondamental de la solution, mais l’humain est probablement la cause principale du problème. C’est donc par son intervention que l’IA deviendra un outil plus favorable à des services numériques plus accessibles.

Pour l’instant, l’IA n’est donc pas fondamentalement un outil qui facilite l’accessibilité des services numériques. En revanche, selon son utilisation, son évolution, son implémentation, elle a la possibilité de changer l’ensemble de la navigation en ligne, et l’ensemble des services numériques, les rendant plus personnalisables, plus inclusifs, plus accessibles. L’accessibilité est donc l’une des frontières que l’IA POURRAIT redéfinir. Le conditionnel s’impose encore, pour l’instant.

 


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