Rechercher
[counter]

Identité numérique : de la cire aux algorithmes, un enjeu stratégique pour l’Europe

Selon Gartner, plus de 500 millions d’utilisateurs de smartphones auront recours d’ici l’année prochaine à un portefeuille d’identité numérique. Cette projection illustre à quel point l’identité, longtemps limitée aux registres administratifs, est devenue la colonne vertébrale de la confiance et de l’économie numérique.

Une tribune écrite par Edouard Baussier, Directeur chez IDnow

 

Depuis l’Antiquité, les sociétés n’ont cessé d’innover pour distinguer l’authentique de l’usurpateur. Dans les petites communautés, la reconnaissance reposait sur la mémoire collective ; à mesure que les échanges s’élargissaient, sceaux, signatures et passeports ont donné corps à l’identité. Chaque avancée répondait à la même nécessité, celle d’instaurer la confiance et sécuriser les transactions.

Avec l’industrialisation et l’émergence des États modernes, l’identité est devenue un pilier administratif et économique. Les registres civils, la photographie et l’usage des empreintes digitales ont renforcé la fiabilité des contrôles, réduisant les fraudes et facilitant la circulation des biens et des personnes. Plus encore, ils ont permis de garantir l’intégrité des transactions financières et de structurer des marchés en expansion. L’identité, souvent perçue comme un simple outil administratif, était déjà le socle invisible de l’économie.


 

Du papier au numérique : une révolution sous tension

Le XXᵉ siècle a marqué l’entrée dans l’ère de l’identité standardisée, avec cartes d’identité nationales, numéros de Sécurité sociale ou permis de conduire. Mais c’est le numérique qui a bouleversé la donne. Dans les années 1990, l’identité est devenue portable, avec les mots de passe et identifiants qui se sont imposés comme clés d’accès au monde digital. Cette évolution a simplifié l’accès aux services, tout en ouvrant la porte à de nouvelles formes de fraude.

Rapidement, les technologies biométriques ont renforcé les systèmes d’authentification. L’introduction de l’empreinte digitale sur l’iPhone en 2013 puis de la reconnaissance faciale a familiarisé le grand public avec des méthodes autrefois réservées aux environnements sécurisés. Mais cette avancée a immédiatement entraîné une sophistication des attaques. Deepfakes, détournements de données biométriques ou usurpations documentaires rappellent que l’identité reste une frontière mouvante entre confiance et fraude.

Face à ces risques, l’Europe a multiplié les garde-fous. La directive sur les services de paiement (PSD2) a imposé l’authentification forte dans le secteur bancaire. La réglementation anti-blanchiment a renforcé les procédures de vérification d’identité dans la finance et l’immobilier. Et aujourd’hui, le règlement eIDAS 2.0 ambitionne de créer un véritable marché unique de l’identité numérique, interopérable à l’échelle des 27 États membres. Pour les entreprises, l’enjeu est clair, il devient nécessaire d’investir dans des solutions robustes, capables de concilier conformité réglementaire, fluidité de l’expérience utilisateur et compétitivité sur des marchés mondialisés.

 

L’Europe à la croisée des chemins

La prochaine décennie sera décisive. Le portefeuille d’identité numérique, qui regroupera titres officiels, diplômes ou justificatifs de santé, ouvrira la voie à des parcours fluides. Voyager, ouvrir un compte bancaire ou accéder à des services publics pourra se faire en quelques secondes. Mais cette promesse d’efficacité ne doit pas occulter la dimension stratégique. Dans un monde dominé par les géants américains et chinois, l’Europe entend affirmer sa souveraineté numérique en fixant ses propres standards.

L’identité devient également un enjeu de compétitivité. En adoptant des dispositifs de vérification avancés, les organisations limitent l’impact de la fraude et gagnent en fiabilité sur l’ensemble de leur chaîne de valeur. La confiance n’est plus seulement une exigence réglementaire, elle se transforme et devient un actif économique. Dans un contexte où la fraude financière en ligne dépasse chaque année plusieurs milliards d’euros, faire de la vérification d’identité un levier de valeur devient une stratégie de croissance à part entière.

À l’horizon 2035, de nouvelles dynamiques viendront encore transformer le paysage : l’essor de l’identité auto-souveraine, qui permettra à chacun de contrôler ses données personnelles ; la généralisation des portefeuilles numériques, appelés à devenir aussi indispensables que les cartes bancaires ; et l’émergence de standards mondiaux d’interopérabilité, qui rendront ces identités utilisables au-delà des frontières européennes. Dans ce futur proche, celui qui maîtrisera l’infrastructure de confiance détiendra une part essentielle de la croissance et de la souveraineté européenne.

 


À lire également : EU Data Act : l’heure n’est plus à l’anticipation, mais à l’action !

Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook

Abonnez-vous au magazine papier

et découvrez chaque trimestre :

1 an, 4 numéros : 30 € TTC au lieu de 36 € TTC