Comment faire en sorte que l’IA serve le progrès humain et organisationnel, sans engendrer de nouvelles formes d’inégalités ou de déshumanisation ?
Une contribution de Gérard Leseul, député, Yves de La Villeguérin, Président du Groupe Revue Fiduciaire, François-Michel Lambert, ancien député Président de SOROA
L’intelligence artificielle n’est plus un concept lointain réservé aux ingénieurs ou aux laboratoires de recherche. Elle s’invite, avec une rapidité saisissante, dans tous les métiers, et les ressources humaines n’y échappent pas. Selon une étude du cabinet McKinsey, on estime cependant que pour 60% de travailleurs, 30 à 40% de leur activité sera fondamentalement transformée d’ici 2035.
Automatisation des tâches administratives, aide au recrutement, formation personnalisée, gestion des compétences… L’IA promet de transformer en profondeur les pratiques RH. Mais cette révolution ne sera bénéfique que si elle est encadrée, comprise et partagée.
Une analyse en quatre axes.
Une transformation encore en phase de test
Nous assistons à une accélération sans précédent. Pourtant, la majorité des expérimentations IA dans les services RH restent à l’état de test : peu d’outils sont aujourd’hui pleinement déployés à l’échelle industrielle. Pourquoi ? Parce que cette mutation technologique interroge en profondeur l’organisation du travail, les compétences des collaborateurs, et surtout la place de l’humain dans l’entreprise.
L’humain comme boussole
La fonction RH est à la croisée des chemins. Elle doit à la fois embrasser ces nouvelles technologies, et rester garante de l’éthique, de l’inclusion et de la cohésion sociale. L’IA peut, et doit, être un outil au service de l’humain. Elle peut soulager les équipes, libérer du temps pour des tâches à plus forte valeur ajoutée, faciliter les mobilités internes, personnaliser les parcours de formation… Mais à condition de respecter un principe fondamental : la transparence et la supervision humaine. Car les risques sont réels : biais de recrutement, exclusion de certains profils, standardisation des décisions, ou encore fracture numérique entre les salariés.
Vers une culture RH augmentée
Face à ces enjeux, les RH doivent se réinventer. Cela passe par l’appropriation des outils technologiques, mais aussi par une montée en compétence sur la gestion des données, la compréhension des algorithmes, et la capacité à dialoguer avec les équipes IT et Data. Il ne s’agit pas que d’une transformation technique, mais bien d’un changement culturel profond.
Pourtant selon Gartner, 55 % des responsables des RH déclarent que leurs technologies actuelles ne répondent pas aux nouveaux besoins de leur entreprise et 51 % ne peuvent pas mesurer le retour sur investissement de leurs technologies.
L’IA est aussi une opportunité pour renouveler le dialogue social. Elle interpelle les managers, les représentants syndicaux, les comités d’éthique : chacun doit pouvoir s’exprimer sur l’usage de ces outils. Les entreprises doivent poser des cadres clairs, via des chartes, des formations, des gouvernances partagées. Le développement de solutions IA ne doit pas rester entre les mains de quelques techniciens éclairés : il doit impliquer l’ensemble de l’organisation.
Et surtout, nous devons veiller à ce que personne ne soit laissé de côté. La formation, l’inclusion numérique, l’accompagnement des managers et la pédagogie seront les piliers d’une transformation réussie. À l’heure où l’IA redessine le monde du travail, il ne peut y avoir d’excellence sans équité, ni d’innovation sans inclusion.
Pour une IA équitable et partagée
En somme, l’IA n’est pas une menace pour les RH. C’est une formidable opportunité à condition de faire de la technologie un levier au service du lien, du sens et de la responsabilité. Mais cette transition ne se fera pas sans vision collective. L’entreprise a ici un rôle majeur à jouer dans la cohésion sociale, et les RH, plus que jamais, doivent en être le cœur battant.
Les entreprises en ont bien conscience. Selon le dernier rapport du World Economic Forum, 80 % d’entre elles prévoient de former leurs collaborateurs à l’IA, 73 % comptent automatiser davantage de processus, et 85 % souhaitent accompagner leurs équipes dans cette évolution. D’ici 2030, 59 % de la population active mondiale devra se former ou se reconvertir.
Deux secteurs sont à suivre de près : la transition écologique, qui pourrait générer jusqu’à 34 millions d’emplois dans l’agriculture durable, et l’économie du care, qui voit exploser les besoins dans les métiers du soin, de la santé et de l’accompagnement social.
Face à ces enjeux, il devient impératif de renforcer la formation, l’inclusion et l’accompagnement. Car il ne peut y avoir d’excellence sans équité, ni d’innovation durable sans une véritable inclusion.
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