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IA ou I-Abrutissement : quand l’IA transforme les communicants en machines à bruit

IAAbstract AI brain making by low poly wireframe network.

L’infobésité n’est pas à proprement parler un phénomène nouveau. Si l’on en croit une étude menée par l’Université de Californie, nous sommes quotidiennement exposés à l’équivalent de 174 journaux complets d’informations. Avec la multiplication des contenants qu’il convient de remplir de contenus plus ou moins (a)variés, l’angoisse du vide, l’accélération et l’adoption de l’IA, l’émergence d’apprentis sorciers qui expliquent à longueur de publications qu’ils ont trouvé le prompt ultime, celui capable de produire du contenu à la fois quantitatif et qualitatif à l’envi, ne risque-t-on pas d’aller au-delà de l’infobésité et de passer au stade ultime : l’infobésité morbide ?

Une contribution de David Benguigui, Directeur marketing & communication 360 IONIS Education Group et vice-président du CMIT

 

Des dégâts collatéraux de l’IA

Si l’information, pour être comprise doit être affûtée, l’obésité lui fait perdre la netteté de ses contours. En d’autres termes, une information qui déborde ne peut plus remplir sa fonction : apporter de la clarté. Pour ne rien arranger, la technologie (Internet, émergence des blogs, CMS, réseaux sociaux, etc.) nous a tous transformés en émetteurs, en producteurs de contenus et cette courbe exponentielle n’est visiblement pas prête de s’enrayer avec l’adoption massive de l’IA. Tels des robots exécutant une tâche sans même y penser, les humains acquièrent le réflexe de recourir à l’IA pour produire des contenus qui en deviennent machiniques. Alors qu’ils étaient censés s’appuyer sur des technologies capables de penser et d’agir comme des êtres humains, ils se commuent en machines. Si cette bascule peut sembler paradoxale, elle ne l’est pas tant que ça si l’on en croit le dernier essai de Dominique Quessada : « Il n’est pas nouveau de constater que les humains fabriquent la technique et sont en retour fabriqués par elle[1]. »

Après tout, c’est une suite logique puisque les contenus qu’ils produisent vont être parcourus par d’autres machines pour : les indexer dans les moteurs de recherche, les assimiler, les digérer, et produire in fine via la machine learning d’autres contenus. La boucle est ainsi bouclée puisque les humains, devenus malgré eux des machines, s’adressent à d’autres machines. Le hic, c’est que cela génère toujours plus de contenus, de plus en plus homogènes et, à terme, de moins en moins qualitatifs. En effet, dans un élan d’autophagie (des mots grecs autos « soi-même », et phagein « manger »), la machine se nourrit en retour de contenus qu’elle a elle-même générés et, pour l’essentiel, de piètre qualité…

Face à ces constats plutôt sinistres, où le libre-arbitre s’estompe au profit de la machine, faut-il se résigner et se dire que la partie est perdue d’avance ? Par ailleurs, comment émerger dans un océan de contenus de moins en moins digestes ?

 

Noir c’est noir ?

Le tableau semble plutôt sombre : morcellement des écrans, absence de plus en patente de référentiel commun, saturation qui nous guette, temps d’attention proportionnellement en berne[2], etc.

Cependant, alors que la donne a fondamentalement changé, notre mission de communicants (aussi bien en agence que chez l’annonceur) reste la même : faire émerger la marque pour laquelle nous travaillons. Dans cet environnement, différentes options s’offrent à nous. La première est de contribuer à cette cacophonie en produisant du bruit qui, au milieu d’autres, restera inaudible. La seconde est de jouer une partition différente, une musique susceptible de toucher sa cible parce qu’elle associe émotion (sincère) et surtout singularité.

Contrairement à la machine, capable de produire en série, l’humain, et par extension le communicant, ne doivent pas se conformer à la norme et dupliquer des contenus aussitôt oubliés car tellement dépersonnalisés qu’ils pourraient s’adapter à une autre marque que celle qu’ils sont supposés promouvoir. Cela passe donc par un travail sur le signifiant comme le signifié. Il faut dire différemment mais aussi, alors que c’est un truisme, faire preuve d’originalité et de créativité en tenant compte de son audience et en rompant avec l’habitude de la publication mécanique.

Enfin, bien que cette tribune contribue elle aussi à cette surabondance de contenus, pourquoi ne pas revenir à des principes ayant fait leur preuve par le passé ? Rareté et sobriété sont en prime en phase avec une communication, un marketing qui se veulent plus responsables. Plutôt que de se vautrer dans la facilité que peut procurer l’IA, marketeurs comme communicants doivent jouer un rôle actif dans la lutte contre l’infobésité en faisant preuve de transparence et en créant des contenus à la fois éthiques et informatifs.

Faut-il pour autant bannir tout usage à l’IA ? Certainement pas, mais n’oublions pas que créativité, esprit critique, et capacité à collaborer figurent régulièrement dans les compétences à posséder pour évoluer dans le monde de demain. Or, que reste-t-il du travail quand technologie, et tout particulièrement IA, automatisent la plupart des tâches ? Les relations. Cela tombe bien, Platon considérait que l’être humain est « un animal social ».


[1] Dominique Quessada, Parasite : essai sur le bruit digital, PUF, 2023

[2] Lire par exemple à ce sujet La civilisation du poisson rouge de Bruno Patino, Grasset 2019

 


À lire également : L’intelligence artificielle, la ressource des RH 

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